Par Mohamed Ouzahra
Une anecdote voudrait que le grand Jacques Brel ait composé sa
Valse à mille temps
en conduisant sur une route sinueuse du Nord marocain. L’histoire est peut-être apocryphe mais je tiens à rassurer tout de suite le lecteur, la réalité de l’enseignement à distance dans mon pays ne connaît pas autant de variations
Premier temps
: le Maroc est a priori un pays idéal pour le déploiement de l’enseignement à distance. Etiré géographiquement, il connaît depuis quelques années l’émergence de véritables métropoles régionales qui attirent de plus en plus d’investissements. Si l’on ajoute à cela les disparités socio-économiques entre les villes et les campagnes qui se traduisent par, notamment, une scolarisation précaire et un taux d’analphabétisme rural très élevé, on comprend mieux les enjeux de solutions efficaces et maîtrisées de l’enseignement à distance.
Deuxième temps
: il reste à surmonter de nombreux obstacles et, en premier lieu, un taux de pénétration de l’Internet très bas dans certaines régions. Certes les enquêtes de
l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) datent un peu mais elles en disent encore assez sur le fossé à combler. La fracture numérique entre le Nord et le Sud ne se comprend que si l’on intègre les régions déshéritées. Les différences se lisent aussi entre des villes comme Casablanca ou Rabat, souvent à la pointe des avancées technologiques, et les villages reculés du Maroc profond. Sur ce plan, le plus grand obstacle consiste peut-être à capter l’intérêt des citoyens. Et de vaincre leur résistance à l’innovation.
Troisième temps
: comment familiariser le public, et d’abord les élèves et étudiants, aux technologies de l’information ? Comment concilier alphabétisation et alphabétisation numérique ? Pour relever ces défis plusieurs initiatives sont en cours. Saluons d’abord le programme medersat.com, oeuvre d’une des grandes fondations du pays,
la Fondation BMCE Bank en l’occurrence, qui porte sur la construction de 1001 écoles rurales. Outre le clin d’oeil bienvenu à l’age d’or arabo-musulman, l’intérêt de cette réalisation est de mettre l’accent d’emblée sur la nécessité d’intégrer les TIC dans les écoles du réseau medersat.com.
Deuxième axe clé : produire un contenu adapté aux besoins des utilisateurs. Faute de quoi, l’accès à l’Internet restera l’apanage d’une élite urbanisée. Et là, le ministère en charge des affaires religieuses, le ministère des Habous (habous : biens religieux), perçu encore par certains comme un des symboles de l’immobilisme traditionaliste, donne l’exemple à travers un site aussi efficace qu’élégant. On y découvre une graphie arabe du plus bel effet, preuve que cette langue est totalement compatible avec les canons des technologies les plus récentes, mais aussi, une vision tolérante et apaisée de l’Islam, et des projets novateurs comme la connexion d’un millier de mosquées en haut débit afin de faciliter la formation continue des prédicateurs.
Bien sûr, d’autres acteurs fourbissent leurs armes en matière de contenus. Le portail menara.ma qui est la vitrine de Maroc Telecom , l’opérateur historique en matière de téléphonie au Maroc, vient de lancer un service e-learning. La formation professionnelle se positionne également de manière intéressante sur ce créneau (j’en parlerai dans un prochain article). Enfin, de grandes entreprises françaises de formation comme CEGOS ou DEMOS s’implantent et proposent leurs solutions.
Mais, peut-être faut-il laisser aussi les petites entreprises locales jouer leur propre partition. Et faire en sorte que toutes ces initiatives se coulent dans un ensemble harmonieux. Comme les temps de la valse.
A bientôt.
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