Les pays en développement font face à des problèmes d’infrastructures qui entravent l’accès à l’éducation « classique » et freinent le développement du e-learning. Des recherches se portent alors sur le « petit frère » de ce dernier, le m-learning ou apprentissage mobile, c’est-à-dire l’enseignement via les téléphones portables.
Des études sur son efficacité dans les pays occidentaux ont déjà vu le jour comme nous l’avons évoqué. En revanche, très peu ont été menées dans les pays en voie de développement. Un article récent publié dans une revue électronique gratuite comble ce manque en faisant le point sur des projets isolés lancés dans cinq pays d’Asie (Bangladesh, Thaïlande, Inde, Philippines et Mongolie). Et les résultats sont finalement peu surprenants : si les téléphones portables permettent effectivement d’améliorer l’accès à l’éducation, ils ne sont pas à l’origine d’une nouvelle forme d’enseignement.
Un état des lieux du m-learning en Asie
Les auteurs ont choisi des projets s’adressant aussi bien à des enfants (cours d’anglais, de mathématiques) qu’à des adultes en formation (cours pour des professeurs, des serveurs, des caissiers, cours d’endocrinologie et de soins d’urgence pour des obstétriciens et gynécologues). Les modules utilisaient des téléphones portables classiques ou des smartphones, pour une utilisation variée : SMS, MMS, jeux, appels simples ou téléconférences. Les participants avaient parfois également en leur possession un manuel ou un CD audio. L’évaluation était réalisée par le biais de quiz, l’envoi de réponses à des questions du professeur ou encore une communication directe avec lui à la fin de la session d’apprentissage.
Parmi les bons points relevés, on trouve la possibilité d’adapter son apprentissage à son emploi du temps, de rester auprès de sa famille et de continuer son travail lors de sessions de formation. Les participants ont affirmé presque systématiquement leur attrait pour ces technologies et la motivation supplémentaire apportée par le retour immédiat du professeur. Sans oublier les avantages déjà relevés pour le m-learning comme la « légèreté » des infrastructures et la possibilité d’envoyer des informations.
En revanche, ils ont fait face à de nombreux problèmes techniques : petite taille de l’écran, erreurs ou délais d’envoi des SMS, pas de possibilité d’envoyer certains clips par MMS, un coût d’utilisation parfois plus important que celui du déplacement (paradoxalement), l’impossibilité de lancer une audioconférence…
A ces problèmes s’ajoutaient des limites dans la compréhension ou la pratique : manque de familiarité avec les smartphones, nécessité d’écrire les SMS en caractères anglais pour des Bangladais peut familiers de cette langue, changement de téléphone en cours de module sans prévenir l’enseignant…
Des résultats attendus
En bref, les cours via m-learning n’ont en grande majorité pas révolutionné la méthode d’enseignement. Lorsque les problèmes techniques étaient trop importants, les entretiens avec le professeur se sont limités à un simple appel « classique ». Les étudiants qui soulignaient l’avantage d’adapter leur emploi du temps ont souvent fait leurs exercices au dernier moment. Une des études a montré qu’en fait, seules les personnes qui avaient déjà un niveau de formation important tiraient un réel avantage de cette forme d’apprentissage. Où l'on costate qu'en Asie comme ailleurs, la formaiton va aux formés, qui maîtrisent les "codes" de l'apprentissage intellectuel.
Néanmoins, un projet de formation de professeurs du secondaire au Bangladesh a fait ressortir les bénéfices du m-learning. Il a permis aux participants de rester au sein de leur établissement et de faire participer leurs collègues à l’étude, via des groupes de réflexion. Les cours ont été à l’origine d’une réelle prise de responsabilité des enseignants-apprenants. Certains pourraient souligner qu’un public composé de professeurs est sans doute plus facile à impliquer que d’autres, mais cette étude prouve l’intérêt d’un apprentissage contextualisé.
Loin d’être décourageante, cette publication appelle à une multiplication de ce type d’études comparatives à l’heure des investissements technologiques dans le secteur de l’éducation. En effet, de grands progrès restent à accomplir en Asie du Sud, où 18 millions d’élèves ne sont pas scolarisés et plus largement dans les pays en développement où seulement 54% des élèves atteignent le niveau secondaire. Les Nations Unies ont d’ailleurs fait de l’éducation un de leurs objectifs pour le Millénaire. En ce qui concerne l’Asie, les auteurs estiment ainsi le « terrain » favorable, soulignant que le taux de téléphones portables pour 100 habitants y a doublé entre 2001 et 2005, passant de 19,7 % à 40,9 %. Ils avancent même que ce continent « pourrait devenir le leader mondial dans l’utilisation des mobiles pour l’éducation ».
Using mobile phones to improve educational outcomes : An analysis of evidence from Asia. The International Review of Research in Open and Distance Learning, Vol 11, No1 (2010). A lire en ligne ou à télécharger en .pdf. En anglais.
Crédit photos : The Lightworks, etrenard, et marketingfacts, Flickr, licence CC.
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