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Publié le 13 juillet 2009 Mis à jour le 13 juillet 2009

Les téléphones mobiles : pour tricher, en attendant d'apprendre

En juin dernier, le groupe Common Sense Media, une organisation à but non lucratif américaine s'intéressant aux relations entre médias et familles, dévoilait un sondage dans lequel un nombre non négligeable d'étudiants des écoles secondaires américaines admettaient utiliser leur téléphone portable pour tricher en classe.

En effet, dans le sondage, 35% des jeunes avec un cellulaire avouaient avoir utilisé celui-ci pour tricher et 65% des élèves questionnés avouaient connaître quelqu'un qui trichait avec son téléphone.

Quelles utilisations fait-on du téléphone ? Dans 26% des cas, on y stocke de l'information pour s'en servir pendant les examens et les tests; 25 % des "tricheurs" l'utilisent pour envoyer des SMS avec des réponses à leurs amis; 17% prennent des photos du test et l'envoient à leurs amis et 20 % vont chercher les réponses sur Internet avec leur téléphone. Pour ce qui est de la tricherie avec Internet, seulement 52% des fraudeurs avouaient utiliser Internet pour tricher dans leurs travaux. Parmi eux, 21% ont téléchargé des rapports et travaux sur la Toile et 38% ont copié des textes qu'ils ont fait passer pour les leur. 32% des jeunes sondés ont cherché des réponses dans des manuels utilisés par leur professeur.

Les commentateurs de ce sondage ont été particulièrement choqués par le faible niveau de conscience des fraudeurs... qui n'estiment pas outrepasser les règles quand ils utilisent leur cellulaire : seulement la moitié des répondants ont considéré qu'utiliser un téléphone pour répondre à un test pouvait être assimilé à de la triche; 16 % seulement estiment qu'on triche (ou qu'on aide à tricher) quand on informe un ami des bonnes réponses à un test surprise, et qu'il n'a donc pas pu préparer... Les autres considèrent que cette pratique relève de l'entraide.

Le sondage révèle également que la méconnaissance des parents rend la triche avec la technologie mobile plus facile. En effet, si 92% des parents interrogés par l'organisation ont avoué connaître l'existence de tricherie à l'aide de cellulaires à l'école de leur enfant, seulement 3 % ont affirmé que leur enfant avait triché. De plus, fait amusant, 80% des parents disent avoir discuté du sujet de ce type de tricherie avec leurs enfants alors que seulement 66% des adolescents confirment que leurs parents leur ont parlé à ce sujet. 

Et l'école dans tout ça ? Hé bien, il semble selon le sondage que si une bonne majorité (69% selon les étudiants) des écoles ne permettent pas l'usage du cellulaire, on pourrait dire aussi que ce pojnt du règlement est absolument ineficace : 66 % des jeunes répondants utilisent leur cellulaire à l'école alors que le règlement impose qu'il soit éteint, et 57 % le font même quand le règlement impose de ranger son téléphone. 

Constat effarant, et pourtant...

On imagine sans peine la consternation qui a régné chez les éducateurs à la lecture de ce sondage, et le discours ambiant sur "cette maudite technologie qui réduit nos efforts à néant". Mais, pourtant, des voix se sont récemment élevées pour se demander si on ne jetait pas trop vite la première pierre à la technologie. Dans un article intitulé "Kids cheating with tech but are school cheating kids ?" (Les jeunes trichent avec la technologie mais les écoles ne trichent-elles pas face aux jeunes ?), le chroniqueur de CNET Larry Magid se demande si ce sondage ne devrait pas être un signal évident que l'école doit revoir ses positions face aux technologies. Tout en affirmant sa position contre la tricherie, le chroniqueur se demande si l'école ne doit pas réviser sa façon d'élaborer les tests et examens, en y intégrant le potentiel technologique. Évidemment, comme il le souligne, tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir cette "anti-sèche" technologique. Mais on lui rétorquera qu'une immense majorité des élèves et étudiants possède déjà un téléphone mobile, y compris dans les pays en voie de développement. Magid estime donc qu'il est urgent de réfléchir au potentiel créatif des technologies numériques. Un potentiel que les jeunes connaissent déjà, et que l'école doit utiliser elle aussi.

Même son de cloche dans cet article écrit par cette responsable de Project Tomorrow, organisme qui s'est occupé d'un vaste sondage sur l'éducation et la technologie (Speak Up). Par rapport à l'enquête dont nous parlons plus haut, celle-ci apporte un élément de taille, la vision des étudiants non par rapport à la triche, mais par rapport aux examens. Selon l'enquête Speak Up, 30% des étudiants estiment que les tests traditionnels ne mesurent pas efficacement leurs acquis. Encore mieux :  39% d'entre eux considèrent que l'école ne les prépare bien aux emplois qu'ils auront dans le futur. En fait, l'enquête Speak Up mpontre que les jeunes se comportent de plus en plus comme des autodidactes : se servant des outils technologiques à leur portée, ils ont l'impression d'en apprendre davantage qu'à l'école. Un constat qui fait réfléchir.

Le cellulaire est devenu un mode de vie pour les jeunes. L'appareil devient pour eux une plateforme d'information, un centre multimédia et un moyen extrêmement efficace de communiquer et de s'entraider entre pairs. Ces aspects de la technologie mobile doivent être, selon Project Tomorrow, au coeur des préoccupations et de l'évolution de l'école du 21ème siècle. Mais quel genre d'utilisation du téléphone cellulaire en classe ? Là encore, Speak Up 2008 donne des indications. Par exemple, un tiers des étudiants aimeraient pouvoir utiliser la technologie mobile pour communiquer avec leur professeur, enregistrer leurs cours magistraux pour pouvoir les réécouter par la suite et se créer et partager des échéanciers/calendriers numériques. Plus de la moitié des répondants souhaitent recevoir des alertes sur leur téléphone de dates de remises de devoir ou d'échéanciers de projets et 53% aimeraient avoir accès à des livres ou manuels électroniques pouvant être téléchargés sur leur cellulaire, de façon à avoir accès à de la matière scolaire en dehors de l'école.Ces demandes ne semble pas difficiles à satisfaire : il suffit d'adapter, ou même d'adopter, les applications déjà proposées sur le web et sur les ENT, de manière à pouvoir les utiliser su mobile.

Personne ne souhaite voir la tricherie se répandre. Il faut cependant être conscient que nous sommes face à une génération qui est née avec cette technologie disponible et qui perçoit, peut-être mieux que quiconque, les possibilités qu'elle nous offre. Or, pour l'instant, l'école n'utilise peut-être pas à son plein potentiel les technologies mobiles, offrant ainsi une brèche pour cette génération qui y voit alors un moyen de tricher. Il faut donc non seulement sensibiliser la gent estudiantine envers la tricherie, mais également saisir l'opportunité d'être en phase avec cette génération en lui offrant des possibilités d'apprentissage dans la vie quotidienne. De telles enquêtes peuvent servir d'électrochocs et stimuler la réaction du système éducatif. Un vaste dossier à suivre.


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