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Publié le 12 janvier 2003 Mis à jour le 12 janvier 2003

De la pratique théorique homme-machine pour l’apprentissage

"Modèles formels pour les interactions", "étayage brunnerien", "question intégrative", "atomes narratifs"..., vous ne vous êtes pas trompé, vous êtes bien à une manifestation universitaire. L’IUT de Montreuil organisait le 8 janvier 2003 un colloque " Interfaces Homme-Machine pour l’Apprentissage Humain". Abstraction faite du vocable ésotérique, l’acteur du monde de la " formation à distance " y puise des expériences intéressantes mais également... consternantes ! A travers le maquis conceptuel, retour sur trois thèmes complémentaires : l’aide à l’évaluation de produits pédagogiques multimédias, la mise en place d’une formation à distance pour surmonter des budgets en peau de chagrin et la conception d’environnements en ligne dans un contexte d’apprentissage collectif. L’évaluation humaine de l’interface machineComment aider l’enseignant-concepteur à évaluer un produit multimédia ? Quels critères utiliser ? A partir du projet EMPI issu de la thèse d’Olivier Hû (août 2001) intitulée " Contribution à l’évaluation des logiciels multimédias pédagogiques" (dont la médiatisation en ligne n’est guère "ergonomique", ce qui ne discrédite nullement la qualité du travail accompli), Philippe Trigano du laboratoire Heudiasyc de l’Université Technologique de Compiègne (UTC) insista sur la nécessité d’une "structure adaptative" afin d’affiner les critères génériques d’évaluation (qualités techniques, impressions générales, ergonomie, documents multimédias, activités de l’apprenant, interactivité) de l’enseignant-concepteur. Cette "structure adaptative" se décompose d’une "pondération adaptable" (l’utilisateur peut modifier les pondérations du questionnement en fonction de son intérêt ou de ses compétences) et d’une "adaptation dynamique" (300 questions potentielles sont découpées par thèmes, critères et sous-critères). La prise en compte de la subjectivité (plaisir d’utilisation, motivation, empathie…) est un critère important pour Philippe Trigano. Elle permet de confronter les a-priori de l’évaluateur, de détecter les défauts ressentis et non formulés. Ainsi, l’item "Impressions générales" est-il qualifiable en six couples (déroutant, rassurant, académique, actif, passif…). Une "notation instinctive" (du moins au plus important) permet d’affiner son sentiment. Le prototype envisage même une confrontation de ses propres incohérences (via un "indice de cohérence" de ses réponses). Parmi les développements envisagés, un prototype web est en cours de réalisation. Méta-évaluationProposer une démarche d’évaluation multimédia implique de proposer un vocable commun. Et là force est de reconnaître que l’expérience, les connaissances, les compétences des acteurs varient : entre un chercheur en interactivité, un formateur de Centre de Formation d’Apprentis et un consultant multimédia… la sémantique des uns ne sera pas celle des autres. La possibilité pour l’utilisateur de concevoir ses propres questions d’évaluation est une piste à creuser. Elle n’est pas possible actuellement. Evaluer un produit multimédia, qu’il soit hors ou en ligne, au-delà des compétences nécessaires demande du temps. Cette activité est nécessaire dans les phases de conception d’un projet de développement, et de son corollaire de suivi de réalisation entre le commanditaire et le prestataire technique (le recettage), mais également pour l’enseignant-utilisateur comme critère de choix d’acquisition de ressources formatives. Or, cette démarche évaluative demande du temps. Se pose alors la question du statut de ce temps d’évaluation : comment celui-ci est-il reconnu par l’institution de formation ? Dans la pratique, il est ignoré. Un paradoxe de plus dans le discours de l’élévation des compétences des formateurs en matière de technologies ! La Fàd comme peau de chagrinChristophe Gentil (IUFM de Paris) décrivit une situation dont l’Education Nationale a malheureusement le secret. Mais est-elle la seule ? L’IUFM de Paris doit former les professeurs des écoles stagiaires (PE2) aux technologies éducatives : fonctionnement de l’ordinateur, utilisation pédagogique des TIC et mise en place du Brevet Informatique et Internet (B2i) font partis des objectifs de formation. La réponse formation se faisait par projet multimédia. Problème, les temps changent et la réduction est de rigueur : le volume horaire de formation passe de 60 à 15 h, le dispositif "emplois jeunes" n’est pas reconduit (entraînant une perte de compétences en maintenance informatique), les budgets fondent… Vous ajoutez à cette situation de croissance négative une forte disparité des stagiaires, une réticence du corps professoral au TIC, une culture égocentrique (refus de partage des cours créés)… et vous comprenez que la formation semble bien mal partie. Une Fàd qui a du goûtL’équipe de l’IUFM de Paris a réussi, par contournement d’un contexte difficile, à développer une ingénierie au forceps (tests de niveaux déclaratifs, 15 h de présentiel dit "allégé" dans la mesure où trois stagiaires se partagent un ordinateur, 15 h en Foàd) et un bidouillage d’alternatives techniques gratuites (serveur FTP pour la mise en ligne des travaux et l’échange de fichiers, robot "Sympa" de liste de diffusion, interface webmail, développement d’un serveur vidéo en ligne, version de logiciels non payante)... Quand création rime avec réduction ! L’impact sur la formation semble gagné : forte implication des stagiaires, mise en ligne des travaux, demande de formation sur des thèmes complémentaires... Objectivement, Christophe Gentil lista tant les points positifs (simplicité technique, pas de surcoûts financiers, adhésion du public…) que négatifs :

  • surestimation des connaissances des stagiaires via les tests déclaratifs ;
  • fréquentation faible du serveur vidéo car ne répondait pas aux besoins des enseignants stagiaires ;
  • multiplicité des outils entraînant une dispersion du temps de formation ;
  • confusion du rôle des outils et des logiciels ;
  • diversités des mots de passe pour l’accès aux services créés ;
  • recours inexsitant aux listes de diffusion ;
  • absence de création de groupes de travail ;
  • incompréhension du principe de la Foàd ;

L’évolution envisagée consiste à mettre en place une plate-forme dédiée (sous Ganesha) comme support d’appui à une formation qui se déroulerait entièrement à distance. De 15 h en présentiel la formation tomberait à 0 mais resterait illimitée à distance ! Mais une Fàd au goût amer !L’histoire pourrait en sortir grandie : avec des contraintes fortes, la Foàd sauve la mise. Seulement, ce retour d’expérience est caractéristique d’une vision simpliste de la Foàd comme transfert du coût de la formation non pas sur l’institution ou sur l’entreprise mais sur la personne, le stagiaire. Sur quel temps cette formation va-t-elle s’effectuer ? Quel crédit lui attribuer si le temps de formation n’est plus reconnu en tant que tel ! Le co-investissement participe à cette dichotomie. Il n’est pas question d’incriminer l’équipe de l’IUFM de Paris, bien au contraire ! Tout juste d’avertir sur les déviances institutionnelles et managériales consistant à considérer la Foàd comme un substitut permettant de former à coûts réduits. Pour une ingénierie des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage HumainThot avait déjà relayé la thèse de Sébastien Georges, SPLACH : un environnement informatique support d’une pédagogie de projet. Ce travail de recherche instructif visait à favoriser l’aspect social de l’apprentissage dans un contexte d’apprentissage à distance en proposant un environnement support à la pédagogie de projet. Chaque fonctionnalité technique était conçue en fonction d’activités socio-pédagogiques précises. Un bel exemple de réflexion pour la mise en place de critères de choix d’une plate-forme de téléformation… Partant de cette expérience, Pierre Tchounikine du Laboratoire d’Informatique de l’Université du Maine (LIUM) s’interrogea sur la nécessité d’une vision pluridisciplinaire des processus de conception d’environnement informatique à visée pédagogique. Tout concepteur se doit d’identifier les théories pédagogiques pertinentes (approches constructivistes, théorie des situations didactiques, théorie de l’activité, zone proximale de développement, cognition distribuée…). Or, les théories de référence "sont conçues pour interpréter des situations et non pour prescrire" des types de développement informatique. Le concepteur d’environnement informatique pédagogique se doit également de comprendre les articulations entre la théorie, le modèle de développement et l’artefact final, en sachant que "le schéma théorique qui permet de construire un modèle qui spécifie entièrement l’artefact est illusoire. La conception passe toujours par un processus itératif." Pour Pierre Tchounikine, il importe de connaître l’intentionnalité du concepteur. Constatant que "les théories des sciences humaines ne permettent pas à un informaticien de construire une interface satisfaisante" et qu’"en même temps, l’informaticien seul ne peut le faire", il en appelle à la création d’une "métadiscipline" autour des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH). Le lecteur intéressé se reportera à l’article de l’auteur paru dans la revue I3I. Le fun pour la finUne journée riche en interventions : une dizaine sans compter les démonstrations lors de la pause. Deux contributions laissent toutefois l’observateur attentif quelque peu perplexe : Karine Ducrot ( Société Auralog) s’est évertuée à montrer en quoi les technologies Internet (messagerie, forum, chat, webcam…) offraient de "Nouvelles solutions d’apprentissage des langues". De son côté, Antoine Dubost ( Société E-Charlemagne), tel un empereur des temps modernes, vantait les mérites de l’"éducation nouvelle" afin de "rendre l’apprenant maître de sa formation" pour mieux proposer ses suites logicielles. Bienvenue à l’ère du "push pédagogique" car comme le reconnaît Antoine Dubost, la problèmatique du e-learning est de "garder l’attention de l’élève pour qu’il reste accroché à son ordinateur." Un nouveau processus de vassalité pédagogique en préparation ? 70 inscrits, un peu moins dans l’amphithéâtre. Un public de chercheurs et d’enseignants en informatique pour la plupart. Quelques oiseaux rares : entrepreneurs, didacticiens, chargés de formation... La pluridisciplinarité était un leitmotiv porté par des enseignants issus du monde de l’informatique. Gageons que pour son prochain colloque, des didacticiens, des sociologues, des créatifs, des apprenants, des psychologues… interviendront afin de mettre en acte les paroles entendues.



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