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Publié le 20 avril 2010 Mis à jour le 20 avril 2010

Le veilleur, du guetteur solitaire au nageur en eaux vives

Veiller, c'est un peu comme tisser, et les outils pour rassembler et synthétiser l'information font souvent appel à l'univers des tisserands. Les expressions françaises en témoignent : passer au peigne fin, passer et repasser pour croiser, attacher, rattacher, lier. Fondamentalement, les outils ne servent qu'à nous remettre en présence des informations qui à force de revenir finissent par laisser filtrer des relations, des analogies  et du sens pour nous. Curieux ouvrage où le motif n'apparait souvent qu'à postériori et n'est pas le résultat d'un concept, d'un modèle.

Veiller aujourd'hui avec des outils collaboratifs est une activité sensiblement différente : si on veut partager de l'information, cela suppose de savoir à qui on la destine, donc de se poser la question de ce qui peut intéresser les autres, ici et maintenant. Le métier à tisser s'est emballé et il faut se résoudre à ne plus vivre sur le mode des contes et légendes.

Trois documents récents éclairent cette activité complexe, cet exercice de curiosité et de sociabilité lancé à vive allure et optimisé, avec ses limites. Trois points de vue venus de l'entreprise, du journalisme et de la recherche en psychologie.


Tout ce qui n'est pas partagé n'existe pas

Le premier est une vidéo accompagnée d'un diaporama de Jérôme Bondu, auteur du blog Inter-ligere, et veilleur professionnel.

Son intervention auprès d'un public d'entreprise, « Les nouvelles pratiques du web 2.0 et des réseaux sociaux »tente d'en faire le tour en en cernant les limites.

Le souci contradictoire qu'ont la plupart d'entre nous aujourd'hui d'être mieux informés tout en recevant moins d'alertes, de s'ouvrir au monde tout en se protégeant, de faire connaître ce qu'ils font sans y passer tout leur temps, et  c'est aussi le problème de l'entreprise.

Google domine le paysage de la veille et impose ses critères un peu partout; dans le même temps les techniques de recherche d'information restent encore balbutiantes : « Google a simplifié notre travail de veille mais on utilise Google comme une machine à sous, en ne lisant que les trois premiers résultats ».  

Les outils sociaux sont venus bouleverser la donne en facilitant les relations et en désinhibant les contacts.

Auparavant, dit J. Bondu, il nous fallait suivre des cours en intelligence économique pour prendre conscience de l'importance de réseauter (c'est à dire analyser son réseau, rechercher des « superconnecteurs » -ceux qui ont le bras long-, des contacts de ses contacts, rechercher des chemins possibles pour les atteindre). 

Il rappelle que dans le quotidien, les outils sociaux présentent un certain nombre de caractéristiques qu'il faut absolument maîtriser.
Le partage demande certaines précautions: il faut surveiller ses espaces partagés, gérer ses codes d'authentification sur l'ensemble des services en ligne est un véritable casse-tête (pour sa part, en tant que veilleur professionnel,  le tableur de ses différents identifiants ressemble à un panneau d'horaire SNCF avec plus de 150 entrées !), gérer les limites et les bridages des outils, les différentes protections de la vie privée, gérer de nouvelles formes de piraterie.

Il conclut par un axiome séduisant :

Axiome Bondu


Dans tant de sens commun, comment se retrouver ?

Il ya une sorte de désenchantement qui perce chez les professionnels de l'innovation qui ont beaucoup cru aux miracles des outils.

Sur le site de la Fing, Hubert Guillaud , dans un article du 31 mars 2010,S'informer à l'ère du numérique : enjeux et limites revient sur « les outils d’agrégation, les moteurs de recherche, les répertoires de liens “sociaux” et autres outils du web d’aujourd’hui, qui sont censés savoir faire émerger un sens de cette accumulation ». Tout ce qu'ils savent faire, ajoute-t-il, c'est classer.
Et il reproche à ces outils d'intelligence collective de ne fournir que des autoroutes alors qu'il faudrait des chemins de traverse !
Et de conclure : « L’information est assurément un processus personnel ».
Voilà qui ajoute un peu à la confusion que semble générer l'abondance de données qui vient bousculer les pratiques professionnelles.


Rechercher ensemble : une question d'outils ?

Un troisième document, la vidéo d'une conférence de J. Dinet à l'université de Strasbourg, Travail collaboratif et apprentissage semble aller dans le sens contraire et débute par un ensemble d'indications plaidant en faveur des outils collaboratifs dans les activités de recherche d'information : le volume d'informations traitées serait plus important, le temps passé pour une tâche de groupe plus court, les données seraient mieux organisées, les informations partagées ainsi beaucoup mieux retenues et mémorisées et les sites mis en commun seraient moins revisités, ce qui évidemment représenterait un gain de temps pour chacun.

Malheureusement, ces belles idées constructivistes ne sont pas confirmées par la plupart des études et  J. Dinet ajoute avec beaucoup de malice : « La recherche collaborative, cela ne marche pas souvent, et dans un groupe le pouvoir est à celui qui a la souris ».

En effet, les indicateurs de bon nombre d'études jusqu'ici sont des indicateurs du groupe et ne rendent pas compte de la répartition inégale des travaux. Les résultats des enquêtes sont souvent contradictoires et mettent en évidence l'importance de « facteurs méta-cognitifs » dans la gestion de l'activité de groupe. Pour le dire autrement, les relations et les affinités comptent davantage que tous les outils dans l'efficacité d'une recherche collective.

Cependant, J. Dinet dit travailler avec son équipe en collaboration avec Google sur un outil qui tente de tirer partie de la perception personnelle d'un document pour en faire profiter la communauté et la description qu'il en donne ressemble fort à un outil comme Diigo, qu'il ne semble pas connaître.

Serait-ce que nos chercheurs et nos penseurs n'ont pas assez mis leurs pensées et leurs travaux à l'épreuve du partage grâce aux nouveaux outils du web 2.0 et qu'ils ne testent pas beaucoup en dehors de leurs communauté restreinte ?

Le temps de la Haute tour solitaire est en effet bien révolu, nous pensons et apprenons plus que jamais avec et par les autres, et dans la construction d'une intelligence commune, les outils nous renvoient d'intéressantes questions sur nos fonctionnements, nos peurs de partager et de nous projeter hors de nous-mêmes.


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