La
réception enthousiaste et la consécration du film documentaire de
Depardon, " La vie moderne"
en
2008, tourné dans des fermes d'Ardèche, de Lozère et de
Haute-Loire et nominé aux Césars nous permettent de comprendre
combien le mythe du "bon
paysan "sacrifié
à l'autel des méchants céréaliers peut avoir la vie dure.
Raymond Depardon
dit au sujet des agriculteurs qu'il a filmés : " Le monde paysan n’est pas "un monde qui disparaît " ou "un monde à part ", c’est un monde qui n’est pas si éloigné du nôtre. Ils n’attendent plus rien de personne. Ils savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
Quelle que soit la valeur humaine et artistique du film, on
peut reprocher à "La
vie moderne "de
tomber dans le pittoresque et d'associer avec un esthétisme malvenu
vie à la campagne et lenteur contemplative. On peut aussi lui
reprocher de ne pas assez croire à la force des gens qui s'associent
et échangent pour résister et faire vivre leur entreprise, qu'elle
soit petite ou grande.
Objet
de fantasmes des gens des villes, nos moins de 2% de travailleurs de
la terre nationaux, peau de chagrin qui fait tout de même vivre une
population de 60 millions d'habitants, plus une partie de la planète
(4e exportateur mondial en moyenne !) composent une grande mosaïque
d'individus et d'intérêts divers. Les paysans de vallées
déshéritées présentés par Depardon continuent malheureusement à
véhiculer cette vision misérabiliste du monde de l'agriculture :
la nostalgie se vend mieux que le réalisme et l'observation de la
diversité des conditions de vie, avec leurs complexités.
Une
balade sur internet permet de sortir du sépia trompeur et nous
montre paradoxalement la vraie vie des exploitants agricoles. Certes,
la fracture numérique est bien visible sur le territoire français
( 50
à 60 000 agriculteurs ne sont pas raccordables à l’ADSL en 2009 ). Mais la majorité a comblé le légendaire retard en matière
d'informatique et de connexion internet, et dépasse nettement en
matière d'équipement les ménages ouvriers et employés. Source Insse
Le
blog de Christian Gentilleau, ingénieur en agriculture et créateur
du site Web-agri, Les NTIC en agriculture
est
une bonne introduction au monde de l'agriculture connectée.
Il
remarque dans cette vidéo, à partir des résultats de l'enquête
2008/09 : Agrinautes êtes vous innovateurs? que
les usages personnels précèdent toujours les usages professionnels
et que par conséquent :
-Grâce
à l'adoption du GPS
dans
la vie quotidienne,
on
va assister à un fort développement de l'agriculture de précision,
dans un premier temps dans les grandes structures, puis chez les
petits exploitants agricoles.
- Grâce aux services sur téléphone
portable,on va voir la naissance de nouvelles applications liées à
la localisation dans les parcelles ou aux animaux.
Il
note également que peu à peu les modes de consultation d'Internet changent et
évoluent de
la recherche simple d'informations de type météo à une plus grande
variété de ressources via Google, ou à une progression des
abonnements aux newsletters.
On est loin de la participation, de la
mutualisation mais si l'on jette un coup d'oeil sur l'agrégateur Netvibes de Christian Gentilleau, TICAGRI, on est surpris de constater que si
peu d'internautes agriculteurs génèrent tant de contenus !
On note que le forum Agricool
est géré et modéré par des agriculteurs et qu'il est fort de 3500
membres, que le site RDVAgri
se présente comme un site de réseau social et qu'il s'organise pour
des ventes directes.
Peut-être objectera-t-on que toute cette vie en ligne n'est l'affaire que de quelques ingénieurs agronomes ou de conseillers en agriculture mais les
agriculeurs blogueurs existent bel et bien, comme l'auteur du journal d'une ferme en Bourgogne qui rend compte de la
vie dans une ferme d’élevage charolais traditionnel dans la région du Sud Morvan.
Tenir un blog c'est quoi ?
"Il ya des gens qui font beaucoup mieux que moi mais moi je voulais raconter ce que je vivais au jour le jour [..] J'arrive à la retraite et...bon, c'est une agriculture un peu dépassée mais il y a des jeunes qui arrivent, qui vont faire beaucoup mieux que moi et puis je me fais pas de souci pour eux ".
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