L’un des défis les plus importants à relever pour la formation
à distance est sans doute de fidéliser les apprenants. En effet, en l’absence
d’un tuteur bienveillant, comme peut l’être l’enseignant en classe, les taux
d’abandon en formation à distance seraient ainsi bien supérieurs à ceux
enregistrés en formation traditionnelle.
La présence humaine à même d’assurer cet apport émotionnel
parait donc indispensable dans tout dispositif d’enseignement. Est-ce si
sûr ? La question pourrait en réalité être posée autrement : la
présence du professeur suffit-elle à tous les coups à rassurer l’apprenant et à
le motiver ? La déperdition scolaire persistante voire en augmentation
dans les systèmes éducatifs traditionnels pousse à nuancer les choses.
Les émotions aident-elles à apprendre ?
Le magazine de vulgarisation scientifique Sciences et Avenir n’en
doute pas et explique « Pourquoi les émotions rendent plus
intelligent »… Questionnant la notion d’intelligence émotionnelle, la
revue revient sur le fait, à présent avéré il est vrai, de l’utilité de savoir
gérer ses sens pour réussir dans la vie professionnelle.
Un psychologue n’hésite pas à écrire, dans le même ordre
d’idées, sur la revanche
du QE (pour Quotient Émotionnel) sur le vénérable QI (Quotient Intellectuel).
Même si l’opposition entre ces deux paramètres semble illusoire.
On peut en conclure que la formation a aussi besoin d’émotions,
et donc d’affect, pour bien fonctionner. La présence humaine donnerait à
l’enseignement en présentiel un avantage indéniable sur la FAD en terme de
motivation des apprenants. Encore faut-il préciser de quelle forme de FAD il
s’agit. On peut supposer que les problématiques sont différentes lorsqu’il
s’agit de tutorat à distance, de visioconférence ou d’autoformation face à une
console. L’isolement de l’apprenant étant pour ce dernier cas vraiment réel.
L’autre point qui pousse à nuancer le jugement est l’idée que
l’implication de l’élève est moins tributaire de la présence du professeur que
de la qualité de l’écoute que développe celui-ci. Autrement dit, toutes les
présences ne se valent pas. Le sociologue américain Edward Hall a développé à
la fin des années soixante sous le nom quelque peu accrocheur de « dimension
cachée » une idée sur l’appréciation de la distance et, plus
généralement, la gestion de l’espacechez
l’homme. L’intérêt de cette approche en éducation est évident. Elle a été
utilisée notamment par Bruno Bettelheim pour expliquer
le succès de la prise en charge des enfants autistes à l’École Orthogénique de
Chicago.
Il s’agit certes d’un exemple extrême mais Bettelheim affirmait
que ses méthodes pédagogiques pouvaient aussi servir à améliorer les approches
d’enseignement destinées aux enfants sans problèmes particuliers. Le psychologue a montré notamment
qu’en fonction de la distance adoptée, l’enfant pouvait se sentir écouté et
soutenu ou, au contraire, délaissé. La question est sans doute plus une affaire
de posture et de qualité de l’écoute que de métrage. En développant cette
notion de distance pédagogique est-il possible
d’imaginer des dispositifs de formation à distance plus attractifs et même plus
"chaleureux" ?
Responsabilisation de l’apprenant et disponibilité des pairs
En réalité, pour espérer assurer un minimum de « persistance
scolaire » de l’apprenant dans les dispositifs de FAD, principalement
ceux où l’intervention du tuteur est limitée voire absente, il est nécessaire
de décortiquer la notion de motivation avant même que de proposer des pistes
d’amélioration.
Le pari implicite de la FAD est sans doute que la disponibilité
à toute heure d’un contenu d’apprentissage de qualité suffirait à assurer un
enseignement efficace. Ce n’est qu’en partie vrai. La pratique montre que la
motivation est en la matière un critère de réussite
essentiel. Or, pour motiver les apprenants il faut pouvoir analyser précisément
leurs besoins comme l’explicite cet article.
Une fois ces besoins spécifiques identifiés, les pistes pour
améliorer la motivation de l’apprenant en enseignement à distance sont
multiples. Il y a d’abord la responsabilisation
de l’apprenant, une voie explorée ici même par Tété Enyon
Guemadji-Gbedemah.
La responsabilisation peut passer par une augmentation de
l’interactivité dans les dispositifs de FAD. En effet, avec des exercices
interactifs de qualité, la distance réelle peut se transformer en proximité
pédagogique.
Le tutorat par les pairs apporte également un bénéfice socio
affectif certain. Et pour peu que ces pairs soient des anciens, il s’agit
là d’une solution qui parle forcément à l’apprenant africain. La culture du
continent ne fait-elle pas une place de choix aux maâlem, c’est-à-dire aux
maitres qui ont la capacité d’accompagner avec bienveillance,
pour reprendre un terme de coaching, les plus jeunes dans leurs parcours
d’apprentissage ?
C’est tant mieux car l’enjeu est crucial pour l’enseignement
sous toutes ses formes en Afrique.
Et pour cause, la FAD est en passe de devenir incontournable dans des contrées très
vastes et dramatiquement dépourvues d’équipements éducatifs comme d’éducateurs
expérimentés.
Voir plus d'articles de cet auteur