Le CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) est un établissement particulier dans le paysage de l'enseignement supérieur français : premier établissement français de formation professionnelle des adultes, rattaché au Ministère chargé de l'enseignement supérieur, il est présent partout en France, grâce à ses centres régionaux, qui dispensent tout ou partie des formations proposées par l'établissement parisien. Le CNAM accueille principalement des adultes en formation continue, qui prennent sur leur temps libre pour suivre des formations diplômantes à leur rythme, en cours du soir et pendant les fins de semaine.
Compte-tenu de son public, il semblait logique que le CNAM investisse dans la formation à distance. On conçoit aisément en effet que les adultes en formation continue apprécient de ne pas se déplacer, parfois fort loin, dans le centre proposant la formation qui les intéresse.
Le CNAM est effectivement très investi dans la FOAD, puisqu'un tiers de ses unités d'enseignement est aujourd'hui disponible à distance, dans des domaines aussi variés que les ressources humaines, l'informatique ou l'électronique. Mais cela ne s'est pas fait en un jour.
Alain Cazes est le grand ordonnateur de la FOAD au CNAM, en tant que directeur du Centre d'études et d'applications des nouvelles technologies éducatives (Ceante) qui est chargé en particulier de mettre en place les infrastructures et ressources nécessaires à la FOAD dans l'établissement parisien et en régions.
Dans une entrevue réalisée pour Educpro en mars dernier, il revient sur les étapes clés de la stratégie d'implantation de la FOAD au CNAM.
Une entrée par les outils
On s'étonnera peut-être du parti-pris d'A. Cazes qui a d'abord proposé aux enseignants des technologies de captation de cours et une plateforme d'enseignement à distance, avant d'être assuré de leur pleine collaboration. Mais la suite a montré qu'il avait vu juste : devant l'intérêt manifeste du public du CNAM pour la FAD d'une part, et la facilité d'usage des outils proposés d'autre part, les enseignants se sont peu à peu familiarisés avec cette nouvelles façon de distribuer de la formation. Classiquement, certains enseignants ont d'abord craint que les inscrits ne viennent plus en cours, préférant suivre les enseignements depuis leur domicile (crainte partagée par nombre d'enseignants en phase de démarrage d'un projet FAD, comme nous l'avions vu par exemple à la faculté de Droit de l'université Lyon 3). Certains d'entre eux se sont également sentis « dépossédés de leur savoir par les centres régionaux », qui réalisaient leurs propres ressources de formation.
En effet, l'implantation de la FAD s'est immédiatement effectuée au niveau national, à Paris et en régions. Cinq régions pilotes ont d'abord été identifiées et équipées de studios permettant la captation des cours et conférences, et d'un espace spécifique sur la plateforme développée pour l'institution, Pléi@d.
A. Cazes fait remarquer que le coût de tels équipements n'a jamais constitué un problème. Non que le CNAM aime jeter l'argent par les fenêtres, mais plutôt parce que les choix technologiques sont qualifiés de « technologies de compromis », pour lesquelles la facilité d'utilisation s'avère au moins aussi importante que la sophistication de la performance. A. Cazes s'inscrit ici en faux contre les budgets pharaoniques distribués aux universités pour mettre en place des outils de FAD, alors que la priorité n'est manifestement pas là.
Priorité à l'accompagnement pédagogique
La priorité se situe plutôt au niveau pédagogique, et c'est là que les ingénieurs du même nom entrent en scène : « Les ingénieurs pédagogiques aident les profs à construire leurs cours, mais pas à utiliser les outils ».
Les résultats de cette stratégie sont à la hauteur des efforts : « 18 % des auditeurs du CNAM (soit 18 000) sont inscrits en FOD, contre 2 % dans les universités », souligne Fabienne Guimont qui a réalisé l'entrevue avec Alain Cazes.
Fait encore plus remarquable et qui confirmera les tenants de la FAD dans leur opinion, les inscrits aux formations n'utilisent plus seulement les cours en ligne pour pallier à leurs difficultés de déplacement, mais en complément à leurs cours en présence. La FAD apparaît donc comme un dispositif d'enrichissement de l'enseignement et de l'apprentissage. « Le plus gros gain pédagogique est le couplage entre une diffusion sur la plateforme en direct et en différé », dit A. Cazes qui, lui-même enseignant, a intégré l'apport le potentiel des outils techniques à ses pratiques, notamment en proposant des documents pour préparer ses interventions.
Des efforts à réaliser au niveau de la communication
Alors, s'agit-il d'une stratégie parfaite ? Alain Cazes reconnaît que la communication autour de ces dispositifs d'enseignement à distance ou hybrides (les pratiques en ce sens se multipliant) n'est toujours pas optimale. Effectivement, le CNAM est fort discret sur les réseaux sociaux par exemple, et ses représentants ne font pas souvent partie des têtes d'affiches lors des colloques sur la formation à distance. Sans doute parce que, conformément à la vocation de l'établissement, ils préfèrent agir plutôt que parler...
L'expérience d'Alain Cazes et de ses collègues mérite pourtant d'être largement diffusée auprès des responsables FAD des établissements qui hésitent encore sur la stratégie à adopter. Nul doute qu'elle ne dissipe quelques craintes et montre les portes d'entrée ayant des chances de déboucher sur des réalisations efficaces, grâce à une optimisation des coûts et une claire hiérarchie des priorités d'accompagnement.
A noter :
Le CNAM dispose d'un site public très riche, sur lequel vous découvrirez de nombreuses conférences en accès libre (le CNAM ayant une mission de vulgarisation de la culture scientifique et technique), telle celle qui traite de L'intelligence artificielle et les jeux vidéo.
Alain Cazes, chargé de mission FOAD au CNAM : “On a d’abord pensé aux outils, les enseignants sont venus ensuite”. Educpros, 24 mars 2010
Vidéo de présentation de la plateforme Plei@d
Le site du CNAM
Photo : dalbera, Flickr, licence CC.
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