L'actualité tragique de ces derniers jours au Sud de l'Italie montre à quel point les relations entre les travailleurs migrants 'saisonniers en l'occurrence) et résidents locaux peuvent vite tourner au drame, dans un contexte de crise économique qui autorise les pires dérapages sur le marché de l'emploi.
Ces événements, et les réactions violentes qu'ils ont provoquées en Afrique, n'arrêteront pourtant pas les flux migratoires entre l'Afrique et l'Europe. L'Union européenne s'est saisie de la question depuis bon nombre d'années, notamment au travers du Fonds européen pour l'intégration des ressortissants des pays tiers, qui finance le programme Solidarité et gestion des flux migratoires.
C'est dans ce cadre qu'est financée une initiative originale intitulée "Une province vers le futur". De quoi s'agit-il ?
Formation à distance pour préparer son départ
Cinq étudiants sénégalais de l'Université Cheick Anta Diop de Dakar effectuent en ce moment, et ce, depuis le mois de novembre, une formation à distance, dont l'objectif est de les imprégner des réalités culturelles, sociales et éconmiques de l’Europe en général et notamment de l’Italie. Ce projet est mis en oeuvre par la Province de Verbania (Italie du Sud), en
collaboration avec le ministère italien de l’Intérieur et diverses associations italiennes oeuvrant dans le domaine social. Une telle collaboration, effectuée de concert avec les Africains, contribue à réduire les malcompréhensions entre le peuple italien et les immigrés africains résidant sur le sol italien, par une familiarisation avec la culture et le droit national et européen effectuée avant le départ.
Le Cosa, le Centre d’orientation des études africaines de
Milan, est à l'origine de cette opération qui se focalise sur plusieurs thèmes, par exemple, la langue et culture italiennes, le marché du travail, les informations sur l’entrée légale en Italie et l’espace Schengen. Tout au long de la formation qui se déroule sur quatre mois, les étudiants disposeront d'informations sur les opportunités d'études et d'emploi qu'ils sont susceptibles de trouver en Italie. Dans le même temps, des ressortissants étrangers déjà présents sur le
sol italien suivent eux aussi une formation aux réalités italiennes.
Émigration et immigration choisies
On attend avec impatience les résultats de cette initiative pilote. Les modalités de formation sont en effet suffisamment originales, dans le secteur considéré, pour que l'expérience soit suivie de près. Certes, les étudiants qui ont intégré le programme auraient pu trouver par eux-mêmes sur Internet les informations nécessaires à leur éventuel projet d'émigration; mais le fait que la Province de Verbania et ses partenaires proposent un ensemble structuré d'informations est significatif : il s'agit là de la contrepartie de l'immigration choisie, qui fait florès chez les dirigeants européens.
On ne peut en effet imaginer que ce type de formation en ligne soit généralisé à la majorité des candidats africains au départ vers l'Europe. Mais, même si elle ne touchait que la population étudiante, l'initiative resterait intéressante, en témoignant de l'effort de compréhension mutuelle et la volonté d'anticiper sur une situation porteuse d'incertitude pour les parties concernées. La formation à distance est ici bien mieux adaptée que le traditionnel dossier papier : elle peut être étendue à de grands nombres d'étudiants sans coûts supplémentaires, elle est aisément actualisable et autorise l'interaction.
On regrettera pourtant le nombre ridiculement bas de personnes touchées par cette initiative, même dans le cadre d'une expérience pilote. Doit-on y voir le reflet symbolique du volume de migrants que souhaite accueillir l'Europe ? Souhaitons qu'une phase d'extension de l'initiative nous donne tort, en prouvant que l'Europe prend les moyens de ses ambitions en matière d'intégration des migrants.