Articles

Publié le 22 septembre 2009 Mis à jour le 22 septembre 2009

Concilier vie familiale et formation continue, un casse-tête très féminin.

Face à la formation professionnelle continue, les travailleurs français sont relativement chanceux : le droit à la formation est inscrit dans le code du travail, et le Droit Individuel à la Formation (DIF) garantit à chaque salarié le droit à 20 heures de formation rémunérée par an. Mais les difficultés d'accès à la formation professionnelle n'ont pas pour autant disparu. Et celles-ci touchent les femmes encore plus que les hommes.

Un récent numéro de Bref, édité par le Céreq (centre d'études et de recherches sur les qualifications, France), fait le point sur ce sujet. Les données analysées dans ce numéro ont été recueillies au travers de l'enquête Formation Continue 2006, qui a interrogé 17 500 personnes sur les formations continues qu'elles ont suivies, ainsi que sur le contexte dans lequel elles évoluent et sur les contraintes qui structurent leur activité.

Aucune marge de manoeuvre dans l'emploi du temps des femmes

Le constat d'ensemble est très clair : face à la formation continue, femmes et hommes ne sont pas égaux. Car les femmes, bien plus que les hommes, assurent l'essentiel des tâches familiales. Lorsqu'elles ont un emploi, leur emploi du temps est tiré au cordeau, et laisse bien peu de marge de manoeuvre. Si vous avez déjà quitté une réunion en catastrophe après avoir reçu un coup de téléphone de l'école vous informant que votre petit dernier a la fièvre et qu'il faut venir le chercher, vous voyez certainement de quoi on parle.

Travailler à l'extérieur requiert donc une solide organisation pour les femmes, qui doivent jongler avec les horaires de garderie, les demi-journées pendant lesquelles les enfants ne vont pas à l'école, les vacances... et l'entretien de la maison. Et tout cela peut dangereusement être remis en question lorsqu'intervient la formation continue.

En effet, la majorité des actions de formation continue proposées aux travailleurs se déroulent hors de leur lieu de travail : on pense immédiatement aux fameuses formations "intra", qui concernent plusieurs entreprises et regroupent les salariés dans un lieu spécifique. Mais il faut évoquer aussi  les séminaires et les formations dispensées au siège d'une entreprise, obligeant les salariés des agences ou filiales à se déplacer et à faire exploser leurs horaires habituels. Et, bien sûr, les formations longues, réalisées dans le cadre d'une réorientation professionnelle, qui peuvent éloigner le participant de chez lui pendant plusieurs mois, selon la formation choisie.

Les mères d'enfants de moins de 6 ans sont celles qui doivent le plus se réorganiser pour suivre une formation, dont les horaires et la localisation diffèrent de ceux qui ont cours sur le lieu de travail. Elles sont suivies de près par les mères des enfants de 7 à 18 ans. Les pères sont également touchés par cette nécessité de réorganisation, mais dans une moindre mesure (les pères de jeunes enfants doivent se réorganiser 1,9 fois plus que les hommes sans enfants; les mères de jeunes enfants doivent se réorganiser 3,2 fois plus que les femmes sans enfants). L'exercice d'un emploi à temps partiel n'améliore pas la situation : lorsqu'elles ne sont pas au travail, les femmes qui exercent une activité professionnelle à temps partiel ne passent pas vraiment leur temps à se laquer les ongles sur le sofa; elles s'occupent de leurs enfants et de leur maison.

La formation continue écorne le capital temps et argent des familles

Le Cereq souligne également le recours de plus en plus fréquent à des formations suivies hors du temps de travail. Car si le DIF garantit le droit à la formation, il n'oblige en aucun cas l'employeur à autoriser son employé à suivre sa formation sur son temps de travail. On sait par exemple que la plupart des salariés effectuant un bilan de compétences le font le samedi, ou sur leurs congés. Quid, alors, de l'organisation familiale, si personne n'est présent pour prendre le relai auprès des enfants ?

Le suivi d'une formation hors temps de travail ou selon des horaires et en un lieu différents de l'emploi habituel génère également fréquemment des coûts supplémentaires : frais de déplacement, frais de garde des enfants en particulier. 25 % des femmes amenées à se réorganiser pour suivre une formation ont ainsi été obligées de supporter des coûts supplémentaires. Les femmes demandeuses d'emploi, qui disposent de ressources réduites, et les travailleuses à temps partiel se retrouvent ici en position très délicate.

Ce qui peut amener un nombre important de femmes à abandonner un projet de formation : "Les réorganisations parfois nécessaires pour suivre une formation interrogent les conditions de mise en oeuvre des mesures édictées aux termes de la loi de 2004 sur la formation tout au long de la vie. (...) Le développement des formations suivies tout ou partie hors du temps de travail, notamment celles s'inscrivant dans un projet d'évolution professionnelle, pose la question des possibilités réelles de formation des salariés dont les emplois du temps sont les plus contraints et les moyens financiers les plus limités. Parmi ceux-ci, les femmes sont particulièrement concernées. Peut-être est-il temps d'envisager des mesures d'accompagnement des formations qui permettent à toutes et tous de s'y engager quand les contraintes familiales en limitent l'accès ?"

Vers une harmonie des temps ?

En effet. L'article se termine sur ces mots, et on aurait aimé qu'il pousse un peu plus loin la réflexion, en citant notamment les exemples de ceux qui ont bénéficié de conditions favorables à la conjugaison de leurs différents temps de vie. La formation à distance sur et hors lieu de travail, la formation informelle sur poste, la formation sur mobile... constituent autant de pistes à explorer pour considérer enfin la formation professionnelle dans un continuum temporel et pour mieux l'intégrer au projet de vie, tant professionnelle que privée, dans son ensemble. Car, s'il est vrai que pour beaucoup, le temps de la formation constitue une rupture bienfaisante avec le quotidien du travail, pour encore plus de travailleurs, et surtout de travailleuses, c'est une source de complication et de désorganisation. Pour nombre de travailleurs en effet, la "formation tout au long de la vie" est synonyme de "formation aux dépens de ma vie". On ne peut dès lors espérier qu'ils adhèrent massivement à ce bel idéal. 

Concilier vie familiale et formation continue, une affaire de femmes. Bref, bulletin du Céreq, mars 2009.


Voir plus d'articles de cet auteur

Le fil RSS de Thot Cursus - Besoin d'un lecteur RSS ? Feedly, NewsBlur


Les tweets de @Thot


Accédez à des services exclusifs gratuitement

Inscrivez-vous et recevez nos infolettres en pédagogie et technologies éducatives

Vous pourrez aussi indexer vos ressources préférées et retrouver votre historique de consultation

M’abonner à l'infolettre

Superprof : la plateforme pour trouver les meilleurs professeurs particuliers en France (mais aussi en Belgique et en Suisse)


 

Ajouter à mes listes de lecture


Créer une liste de lecture

Recevez nos nouvelles par courriel

Chaque jour, restez informé sur l’apprentissage numérique sous toutes ses formes. Des idées et des ressources intéressantes. Profitez-en, c’est gratuit !