Avant que les images
dans leur version numérique n’envahissent l’école jusqu’à satiété, les maitres
d’autrefois savaient faire parler figures, dessins, esquisses et autres
productions graphiques. Qui ne se souvient de ces grands tableaux accrochés au
mur de la classe pour illustrer la vie quotidienne d’un château-fort au moyen-âge
ou encore la charge de la cavalerie lors d’une bataille napoléonienne ? L’exercice
de description de la fresque s’avérait être un excellent stimulant pour l’imagination
de l’élève. Il permettait surtout la construction d’une vision du réel
commune à l’ensemble des enfants. Les outils d’aujourd’hui facilitent-ils de la
même façon ce partage, moment essentiel du processus d’apprentissage ?
De l’image au texte et… inversement
On en conviendra, illustrer
un texte et commenter une image constituent l’alpha et l’oméga de bien des moments
d’apprentissage. Les objectifs pédagogiques sont multiples mais
tendent tous peu ou prou à s’assurer que l’élève a bien maitrisé ce qu’il est
censé apprendre.
Cela se complique un
peu lorsque l’image est bannie dans une aire culturelle comme celle de l’Islam,
ou des temps passés comme l’époque médiévale. La lettre du texte se fait alors
image pour faciliter la compréhension du sens. La calligraphie arabo-musulmane
montre à quel point de perfection l’art de figurer sans image, de représenter
sans dessiner, de signifier sans donner à voir, peut être porté. Sans transgression
formelle de l’interdit.
De la même façon, l’art de l’enluminure des manuscrits
et des textes anciens participe de cette volonté de restituer au-delà des mots
la complexité du réel, tout en faisant appel à une esthétique sacrée.
L’art du zellige
islamique, que j’ai déjà abordé ici,
traduit également cette volonté de fusionner l’écrit au signe graphique. Le maâlem
(maitre) grave dans la pierre et le plâtre les écrits divins, ou la sagesse
prophétique, à des fins d’enseignement et de transmission. La frontière entre
le texte et l’image est alors des plus fluctuantes.
Le couple image-texte
n’a pas fini de fasciner pédagogues et chercheurs. Un groupe de
recherche tente d’en explorer les moindres arcanes et de cerner ce qu’il
pourrait apporter à l’enseignement moderne.
Les supports numériques entre texte
et image
Les supports d’aujourd’hui
décuplent ces possibilités de métamorphose. Pour l’étude de l’image, matière
incontournable des écoles d’enseignement de l’art, les TIC ouvrent de nouveaux passages
entre texte et vidéo par exemple.
Plus pragmatique, et
plus générique, est cette illustration
de l’intérêt pédagogique du rapport entre l’image et le texte dans un album
pour la jeunesse. La bande dessinée, qui combine dessins et paroles, est ainsi
un beau moyen d’aborder des œuvres classiques que les jeunes d’aujourd’hui,
gavés d’animations graphiques, jugent bien trop rébarbatives.
Cependant, c’est bien
la fonction hypertexte des traitements de texte actuels, ultime avatar de la longue
mutation de l’écrit, qui recèle des combinaisons aussi riches qu’intéressantes.
La possibilité d’illustrer immédiatement un propos, à travers un lien et
un fenêtrage appropriés, remet à l’honneur l’adage bien connu qui veut qu’une
image vaut mieux qu’un long discours !
Pour autant, le
recours systématique à l’image n’est pas sans risque, tant s’en faut. En effet,
l’omniprésence de l’image dans nos sociétés que facilite les nouveaux outils
numériques - et le milieu scolaire n’y échappe évidemment pas -, pourrait
conduire à un appauvrissement de la pensée et des facultés de raisonnement. La psychologie
du développement de l’enfant insiste depuis longtemps sur l’importance de l’image
mentale cette fois, c’est-à-dire l’image imaginée indépendamment du support
visuel, dans la construction des
connaissances. Une importance mise en évidence par cet exemple
dans le secteur de la santé.
En définitive, que ce
soit hier à travers des tableaux statiques ou aujourd’hui avec les tablettes
numériques, l’équilibre doit être trouvé, et renouvelé !, entre l’image et
le texte. En gardant constamment à l’esprit l’essentiel : mettre le
support graphique ou écrit au service de l’apprenant et de son cheminement pas
toujours aisé vers la connaissance.
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