Dans tous les pays, les institutions publiques de formation à distance telles le CNED, le CNEFAD, la SOFAD, le CCFD, la Téluq, la FAD de la communauté française de Belgique, le CEI (Ontario), ont toujours été considérées comme des services connexes au système éducatif régulier.
Leur développement suivait celui des besoins et des choix politiques du moment. La plus grande d’entre elles, le CNED, avec ses 300 000 étudiants annuellement ou la plus prestigieuse, la Téluq avec ses 20 000 inscrits universitaires, ne sont que des poids plumes par rapport à la masse des étudiants du système régulier. Et si on tient compte de leur personnel d’enseignement et de soutien, la proportion est encore plus démesurée.
L’arrivée d’Internet
Avec l’arrivée d’Internet, les institutions de FAD ont cru, un moment, leur heure de gloire arrivée : enfin elles pourraient étendre leurs activités et être considérées comme des acteurs importants du système éducatif, avec des budgets, des ressources, etc...
Mais le système éducatif régulier, ce boeuf paisible, lève un sourcil de son paturage et prend doucement conscience de ce qui se passe. Quel boeuf accepterait d’être avalé, dirigé ou même conseillé, autrement qu’accessoirement, par une souris ?
En ce qui concerne le parc d’ordinateurs (en France), les chiffres ont évolué de la manière suivante depuis 1997 : - au lycée : de 12 élèves par ordinateur à 6 élèves par ordinateur ;
- au collège : de 26 élèves par ordinateur à 14 élèves par ordinateur ;
- à l’école : de 100 élèves par ordinateurs à 14 élèves par ordinateur.
Quant au taux de connexion à Internet, les chiffres ont évolué de la manière suivante depuis 1997 : - au lycée : de 32 % à 100% ;
- au collège : de 11% à 100% ;
- à l’école : de 0% à 62%.
Parallèlement, sous l’impulsion du ministère de l’éducation nationale, de nouvelles pratiques pédagogiques voient le jour dans les classes, grâce à un plan massif de formation des enseignants, à la modification des programmes disciplinaires dans le primaire et le secondaire et à la mise à disposition de produits multimédia. Ainsi, la diversification des modes d’apprentissage et les nouveaux outils d’enseignement soutiennent les autres réformes engagées par le ministère de l’Education nationale. Dans le supérieur, les actions entreprises ont permis de développer les campus numériques français pour l’enseignement à distance (dont les dix premiers ont été ouverts à la rentrée 2001) et de mettre en place de nouvelles formations pour les nouveaux métiers de la société de l’information. (66 autres intitiaves ont élé cautionnées pour 2002 NDLR) Source : http://www.education.gouv.fr/presse/2002/actionticcp.htm |
À partir du moment où les institutions et écoles comprennent que la vague de la e-éducation n’a rien de passagère; que les professeurs apprennent à se servir des outils mis en place; que les étudiants sont de plus en plus habiles et équipés, ces institutions réalisent alors qu’elles aussi peuvent être des institutions de formation à distance ! (voir encadré)
Leur masse est innombrable ou presque. Comme les héros du Seigneur des anneaux, les institutions de FAD doivent faire face à des assauts de plus en plus importants et préçis remettant en question leur rôle et leur autonomie.
À toutes on réclame leur expertise; dans tous les cas on désire les dépouiller de leur spécificité d’institution d’enseignement à part entière.
Le cas de la Téluq, et dans une moindre mesure du CNED, sont évocateurs. Les cas de la SOFAD et du CCFD sont également en jeu. Typiquement, avec quelques variantes, on veut en faire des fournisseurs de services aux institutions «sérieuses»; on leur laissera leur autonomie en ce qui concerne leur expertise en formation à distance (formation spécialisée en FAD) et pour le reste, on se partagera les secteurs et les spécialités entre institutions régulières.
L’alternative
Mais qui dit que les institutions de FAD n’ont pas leur propre vision de l’éducation et leur propres traditions d’enseignement ?
La survie des institutions d’enseignement du système régulier passe par la FAD, elles s’en rendent compte et on ne peut pas faire comme si elles ne toucheront pas à la FAD. Elles s’en viennent en nombre avec leur force et leur poids politique.
La survie des institutions de FAD, elle, passe par l’affirmation de leur spécificité. La Téluq a déjà accompli des formations à grande échelle qui ont eu des impacts sociaux visibles en quelques mois; idem pour la SOFAD avec des formations comme «Femme debout et en santé». Le CNED en a sûrement à son actif. Les institutions qui sont capables d’effectuer des formations populaires à grande échelle sont les institutions de FAD traditionnelles.
Elles ont toujours eu la vocation sociale : étant considérées comme complémentaires et palliatives, elles ont cette sensibilité d’accessibilité et de succès non-élitique que n’ont généralement pas les institutions du système régulier.
C’est leur point commun. C’est aussi leur force. La Sorbonne et le MIT et bien des institutions ont sans doute leur prestige universitaire ou autre mais elles n’ont pas et n’auront probablement jamais la réputation d’être accessibles. Le CNED et les autres institutions de FAD ont la reconnaissance des centaines de milliers d’étudiants qu’elles ont dépanné, accompagné, soutenu et fait réussir envers et contre tous.
La beauté est ici.
Elles sont aussi celles qui ont permis à des milliers d’individus sans reconnaissance et sans assurance d’accéder à des formations de qualité, même de niveau universitaire alors que partout ailleurs les portes étaient fermées.
Enfin elles sont celles qui ont parfois décidé de confronter et de s’occuper de problématiques nationales éducatives ou sociales. Elles en sont capables et sont prètes à le faire. Elles peuvent même s’attaquer à des problématiques internationales maintenant.
Il est temps de s’extraire de la transe hypnotique d’Internet et de réaliser ce à quoi on va l’utiliser; il est l’heure de sonner le réveil des institutions de formation à distance.
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