Selon le philosophe Gilbert Simondon, nous sommes en train de faire le passage d’une économie fondée, depuis deux siècles et demi d’industrialisation, sur une opposition entre le producteur d’un côté et le consommateur de l’autre, vers une économie de la contribution.
Bernard Stiegler, philosophe de formation et directeur du Département du Développement Culturel au Centre Georges-Pompidou et de l’Institut de Recherche et d’Innovation a exposé ce point de vue, à l’occasion des 40 ans de l’INRIA (Institut français de Recherche en Informatique et Automatique) à Lille le 10 décembre 2007.
Gilbert Simondon analyse les grands événements qui ont marqué le développement de la civilisation humaine à savoir,
- La création de système de numération écrite
- L’apparition de l’écriture
- L’invention de l’imprimerie
- L’invention des machines outils
- L’invention des technologies analogiques
- L’invention des réseaux numériques
Il considère que le point commun entre toutes ces inventions est le fait qu’elles permettent de discrétiser et de spatialiser la continuité temporelle des fonctions de notre cerveau et de notre corps pour nous permettre d’exercer un plus grand contrôle sur ces fonctions.
Ainsi, par exemple, l’invention de l’écriture a permis la discrétisation de la continuité de la parole par un système alphabétique. Ce qui a facilité la diffusion du savoir et a permis la transformation des idiomes, du savoir et de la société. L’invention de l’imprimerie a accéléré cette diffusion en réduisant le coût de la reproduction des documents écrits.
De même, l’invention des machines outils à la fin du 18 ème siècle a permis la discrétisation des gestes des travailleurs. Ce qui a permis un gain énorme de productivité et, à son tour, a résulté en une importante modification de la société.
Cela a été suivi par l’invention des technologies analogiques qui ont permis la discrétisation de la continuité temporelle des séquences d’images. Cela a favorisé la naissance d’une économie de l’attention qui consiste à capter l’attention des consommateurs pour leur faire adopter des modèles comportementaux conformes aux investissements industriels.
Gilbert Simondon juge qu’aujourd’hui, ce modèle est en crise notamment à cause d’un problème de perte de motivation chez les consommateurs. Ceux-ci sont de moins en moins heureux de consommer parce qu’ils se sentent privés du rôle de participation et de contribution dans la production du monde.
Quel est donc le modèle alternatif ?
L’informatisation de la société entre les années 60 et 80 a été suivie par une numérisation de la société permettant aux objets mécaniques de communiquer entre eux. La logique du monde numérique est que quand on reçoit quelque chose on est appelé à le partager en le modifiant ou en y ajoutant des éléments tels que des métadonnées, des codes, des commentaires, etc.
Cette situation permet d’envisager un tout autre modèle industriel non plus basé sur l’opposition entre producteur et consommateur, client et fournisseur, concepteur et usager, mais basé sur la contribution. C’est dans ce contexte que se développent les technologies de l’intelligence collective dites wiki ou web 2.0 ou encore le modèle
open source
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Voir directement la vidéo de la conférence " Le réseau numérique à l’origine d’un nouveau modèle industriel"
Voir la vidéo sur le site Interstices