La copie sans citation des sources, assimilée
de nos jours à un pillage d’œuvres, n’a pas toujours eu mauvaise presse. Au
contraire, pendant des siècles, la reproduction de l’œuvre originale était
considérée comme faisant partie elle-même de l’activité artistique. Les copistes du Moyen-âge,
notamment en Orient, étaient reconnus comme des maillons essentiels de la
chaine du savoir. L’acte de reproduction d’une œuvre était en soi considéré
comme un art à part entière. Pourquoi aujourd’hui les choses ont-elles changé à
ce point ? La question mérite d’être éclaircie si elle peut nous montrer
comment inciter nos élèves à investir leurs efforts dans l’apprentissage et
l’assimilation des savoirs. Et à la maitrise des savoir-faire de manière autonome
et créatrice.
A nous aussi de leur
montrer comment devenir autonomes et créatifs en puisant dans les innombrables
fonds de connaissances, dont ils disposent aujourd’hui grâce aux nouvelles
technologies, sans mettre en péril le droit de l’auteur. Et faire de ces fonds
le point de départ d’un enrichissement et non d’une répétition stérile de
solutions disponibles.
Pour se prémunir de
la facilité que suggère l’Internet, qui constitue à coup sûr le plus grand
danger qui guette toute entreprise basée sur le nécessaire cheminement pédagogique,
voici quelques pistes à méditer bien originales même si elles… semblent copier
parfois des recettes anciennes.
La calligraphie et
le zellige arabes, arts aboutis de la reproduction
La civilisation arabe
et islamique célèbre à l’infini le signe dans l’art de la calligraphie et du
zellige. Dans l’un comme dans l’autre, la création de motifs originaux côtoie
avec bonheur la reproduction des figures pensées par d’autres artistes. Cette
copie est alors perçue comme une forme d’hommage à ces créateurs passés.
Ainsi, en
calligraphie, dont l’un des représentants les plus connus est l’Irakien Hassan Massoudy,
l’artiste crée une œuvre originale mais peut tout aussi bien en reproduire une
en y adjoignant sa touche personnelle. C’est précisément cet enrichissement de
l’original, cette valeur ajoutée dirions-nous aujourd’hui, qu’il convient de
repérer et de valoriser en apprentissage. Elle constitue le signe d’une
autonomisation progressive de l’apprenant qui apprend, comme l’artisan
d’autrefois, à produire ses propres dessins après avoir assimilé le code auprès
du maâlem, c’est-à-dire le maitre,
celui qui l’a précédé dans cette praxis.
La reproduction est
également une activité reconnue et célébrée lorsqu’il s’agit d’insérer les
motifs géométriques dans l’art du zellige. En classe, cet art du pareil peut
très pertinemment servir à introduire cette fois la notion de symétrie.
Dans un récent article sur Thot-Cursus, bien d’autres pistes d’exploitation des
techniques de la céramique pour enseigner géométrie et mathématiques avaient
été explorées.
La question qui se
profile derrière ces deux exemples d’un "art" du plagiat est la
suivante : comment utiliser cette pratique pour apprendre aux élèves les
bons réflexes d’apprentissage ?
Plagier les bonnes
pratiques d’apprentissage
La plupart des
institutions de formation s’efforcent de prévenir
le plagiat en faisant appel au sens de l’éthique des étudiants. Des guides
sont mis en ligne pour aider ces étudiants sincères à éviter la fraude. On peut
penser que certains cas de copiage sont le fruit de l’ignorance plus que de la
malveillance… En montrant les dangers mais aussi la contre-productivité du
plagiat, ces guides font œuvre utile et aident les "fraudeurs de bonne
foi". Parfois, l’aide est plus ciblée. Ainsi, sur un intéressant portail
des tuteurs à distance, on s’efforce de montrer aux étudiants comment
constituer une bibliographie
sans copier.
Dans le même temps,
comme pour faire bonne mesure, le net propose de nombreuses solutions
logicielles pour « traquer la fraude. » Des solutions toujours plus
performantes et dont ce numéro se fait l’écho.
Bref, dans cette
bataille sans merci engagée contre les emprunteurs de tout acabit, l’idée ici,
un peu à la manière de certains arts martiaux, est de mettre la force déployée
pour copier au service du partage et de la mutualisation des ressources. En toute
transparence et légalité.
En effet, la question
du plagiat recouvre des enjeux aussi importants qu’apparemment incompatibles.
La marge de manœuvre est étroite. Il est impératif de définir avec précision
les règles du jeu de tout échange des savoirs, comme l’illustre ce cahier
des charges établi par les étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques de
Paris.
On le voit, la
problématique du plagiat se situe au carrefour de plusieurs voies. Entre la
copie pure et simple d’une œuvre et le partage heuristique d’une idée qui la
sous-tend. Entre un "pillage" des droits d’auteurs, comme il en
existe dans tous les pays pour les productions audiovisuelles, et la nécessaire
démocratisation de l’accès à la culture.
Demeure l’enjeu
principal qui est in fine de
dupliquer les bonnes pratiques de l’apprentissage afin de stimuler la
créativité et d’accroitre les contributions originales et partant, les
richesses intellectuelles et culturelles universelles.
Voir plus d'articles de cet auteur