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Publié le 15 novembre 2010 Mis à jour le 15 novembre 2010

Le plagiat entre partage et pillage des ressources*

La copie sans citation des sources, assimilée de nos jours à un pillage d’œuvres, n’a pas toujours eu mauvaise presse. Au contraire, pendant des siècles, la reproduction de l’œuvre originale était considérée comme faisant partie elle-même de l’activité artistique. Les copistes du Moyen-âge, notamment en Orient, étaient reconnus comme des maillons essentiels de la chaine du savoir. L’acte de reproduction d’une œuvre était en soi considéré comme un art à part entière. Pourquoi aujourd’hui les choses ont-elles changé à ce point ? La question mérite d’être éclaircie si elle peut nous montrer comment inciter nos élèves à investir leurs efforts dans l’apprentissage et l’assimilation des savoirs. Et à la maitrise des savoir-faire de manière autonome et créatrice.

A nous aussi de leur montrer comment devenir autonomes et créatifs en puisant dans les innombrables fonds de connaissances, dont ils disposent aujourd’hui grâce aux nouvelles technologies, sans mettre en péril le droit de l’auteur. Et faire de ces fonds le point de départ d’un enrichissement et non d’une répétition stérile de solutions disponibles.

Pour se prémunir de la facilité que suggère l’Internet, qui constitue à coup sûr le plus grand danger qui guette toute entreprise basée sur le nécessaire cheminement pédagogique, voici quelques pistes à méditer bien originales même si elles… semblent copier parfois des recettes anciennes.

La calligraphie et le zellige arabes, arts aboutis de la reproduction

La civilisation arabe et islamique célèbre à l’infini le signe dans l’art de la calligraphie et du zellige. Dans l’un comme dans l’autre, la création de motifs originaux côtoie avec bonheur la reproduction des figures pensées par d’autres artistes. Cette copie est alors perçue comme une forme d’hommage à ces créateurs passés.

Ainsi, en calligraphie, dont l’un des représentants les plus connus est l’Irakien Hassan Massoudy, l’artiste crée une œuvre originale mais peut tout aussi bien en reproduire une en y adjoignant sa touche personnelle. C’est précisément cet enrichissement de l’original, cette valeur ajoutée dirions-nous aujourd’hui, qu’il convient de repérer et de valoriser en apprentissage. Elle constitue le signe d’une autonomisation progressive de l’apprenant qui apprend, comme l’artisan d’autrefois, à produire ses propres dessins après avoir assimilé le code auprès du maâlem, c’est-à-dire le maitre, celui qui l’a précédé dans cette praxis.

La reproduction est également une activité reconnue et célébrée lorsqu’il s’agit d’insérer les motifs géométriques dans l’art du zellige. En classe, cet art du pareil peut très pertinemment servir à introduire cette fois la notion de symétrie. Dans un récent article sur Thot-Cursus, bien d’autres pistes d’exploitation des techniques de la céramique pour enseigner géométrie et mathématiques avaient été explorées.

La question qui se profile derrière ces deux exemples d’un "art" du plagiat est la suivante : comment utiliser cette pratique pour apprendre aux élèves les bons réflexes d’apprentissage ?

Plagier les bonnes pratiques d’apprentissage

La plupart des institutions de formation s’efforcent de prévenir le plagiat en faisant appel au sens de l’éthique des étudiants. Des guides sont mis en ligne pour aider ces étudiants sincères à éviter la fraude. On peut penser que certains cas de copiage sont le fruit de l’ignorance plus que de la malveillance… En montrant les dangers mais aussi la contre-productivité du plagiat, ces guides font œuvre utile et aident les "fraudeurs de bonne foi". Parfois, l’aide est plus ciblée. Ainsi, sur un intéressant portail des tuteurs à distance, on s’efforce de montrer aux étudiants comment constituer une bibliographie sans copier.

Dans le même temps, comme pour faire bonne mesure, le net propose de nombreuses solutions logicielles pour « traquer la fraude. » Des solutions toujours plus performantes et dont ce numéro se fait l’écho.

Bref, dans cette bataille sans merci engagée contre les emprunteurs de tout acabit, l’idée ici, un peu à la manière de certains arts martiaux, est de mettre la force déployée pour copier au service du partage et de la mutualisation des ressources. En toute transparence et légalité.

En effet, la question du plagiat recouvre des enjeux aussi importants qu’apparemment incompatibles. La marge de manœuvre est étroite. Il est impératif de définir avec précision les règles du jeu de tout échange des savoirs, comme l’illustre ce cahier des charges établi par les étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

On le voit, la problématique du plagiat se situe au carrefour de plusieurs voies. Entre la copie pure et simple d’une œuvre et le partage heuristique d’une idée qui la sous-tend. Entre un "pillage" des droits d’auteurs, comme il en existe dans tous les pays pour les productions audiovisuelles, et la nécessaire démocratisation de l’accès à la culture.

Demeure l’enjeu principal qui est in fine de dupliquer les bonnes pratiques de l’apprentissage afin de stimuler la créativité et d’accroitre les contributions originales et partant, les richesses intellectuelles et culturelles universelles.


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