Innover en pédagogie universitaire
Denis Bédard, professeur à l'Université de Sherbrooke, situe historiquement l'université d'aujourd'hui et la posture de ses acteurs : professeurs et étudiants.
Publié le 27 janvier 2009 Mis à jour le 27 janvier 2009
En quoi spécifier un objectif, un point important ou une donnée précise est-il un acte pédagogique valable ? N’est-il pas plus formateur de laisser une personne découvrir les choses par elle-même ?
La pédagogie de la découverte (laisser les étudiants découvrir par eux-mêmes) ou celle par projet (guider les étudiants dans le développement de leurs projets) tournent parfois en succès ou au contraire en pure insignifiance sans pour autant que l’on ait identifié de facteur précis autres que personnels, tels la motivation des étudiants, leurs capacités ou celles de leurs professeurs…
Le test d'attention
Voici un court vidéo où on vous demande simplement combien de passes l’équipe en blanc fait avec son ballon.
Comme on vous a dit quoi regarder, votre intérêt se concentre en attention sur le ballon. Et vous trouvez la réponse.
Sans consignes, vous auriez probablement vu tout autre chose, ou peut-être même rien remarqué du tout. Comme pour la lecture d’une carte : si on ne sait pas où l’on est ni où l’on va et qu’en plus on ne connaît pas les codes de la carte, son étude risque de ne pas mener très loin.
En ne spécifiant pas ou en ne sachant pas les importances relatives ou vitales des données soumises, les étudiants peuvent passer à coté des données essentielles et s’attarder à tout autre chose, surtout s’ils perdent de vue pourquoi ils ont commencé leur démarche. Et c’est ici que les pédagogies ouvertes manquent leur coup quand elles échouent, tout comme les autodidactes débutants manquent parfois le leur.
En d’autres termes, spécifier les importances des données en fonction de l’objectif d’un cours fait partie du geste pédagogique. Ne pas le faire revient à placer l’étudiant dans le rôle initial du professeur : il aura lui-même à découvrir ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Il a payé pour accélérer et faciliter son apprentissage, pas pour redécouvrir le domaine.
Proposer une expérience peut-être vu comme une indication de l’importance des données que l’on peut y découvrir. Mais tout laisser ouvert ne mènera probablement pas à grand chose en termes de résultats pédagogiques et diminue d’autant l’utilité du professeur.
Discipline ?
Internet est fantastique pour l’ouverture : tout peut y être accédé indifféremment, avec une facilité accrue pour les anecdotes.
Suivre des cours par Internet revient à proposer aux étudiants de devenir des autodidactes et représente un risque : celui de diluer leur attention parmi des dizaines de possibilités. À commencer par les jeux, les activités sociales et instantanées, la musique parallèle et les suggestions intempestives sans compter les liens mêmes suggérés par les cours en ligne, liens qui mènent à d’autres sites souvent dessinés pour retenir les visiteurs et les faire dévier dans une autre perspective.
On peut toujours rêver d’auto discipline des étudiants, ce qui se développe, mais on peut aussi construire des cours en ligne qui créent un environnement d’apprentissage suffisamment riche, avec de véritables gestes pédagogiques.
Accompagnement
Pour les professionnels de l’élaboration de cours, le réflexe spontané sera de limiter les «fuites» d’un cours à des sites fiables et bien ciblés, qui ne risqueront pas d’avaler leurs étudiants; mais au-delà de ce soin, empêcher toute «fuite» produit habituellement des cours étouffants où l’étudiant se sent contraint. La pédagogie «par projet» dont le projet est ouvert sera plus populaire que celui limité au pojnt qu'il ne correspond plus aux capacités à développer et aux intérêts des étudiants.
En précisant les objectifs et en rappelant régulièrement à l’étudiant les siens propres, on augmente la pertinence du cours pour lui-même et du même coup l’étudiant commencera à développer ses critères pour reconnaître les éléments pertinents au cours et s’auto discipliner dans ses pérégrinations internet.
Le tuteur, le guide ou le compagnon trouve ici un premier axe d’intervention face à l’étudiant dispersé : l’outiller de façon à ce qu’il reconnaisse les sources de «satisfaction» du cours.
Le tuteur ou le concepteur de cours limite autant les points de dispersion
et sûrement d’autres moyens… l’objectif étant de garder l’intérêt de l’étudiant concentré en attention sur les éléments en relation avec ses propres objectifs.
L’apprentissage peut être vu comme un voyage, avec un point de départ et d’arrivée. Le cours étant la carte qui aide à parcourir le territoire sans trop errer.
Pour le voyageur, l’objectif peut-être précis ou vague, ce qui déterminera l’ampleur de ses errements, mais avec un objectif, il visitera assurément bien des endroits. La carte peut-être détaillée ou générale, ce qui déterminera en grande partie son utilité pour le voyageur. Son guide lui rappellera ses objectifs s’il s’en éloigne trop.
Illustration par Circulating CC
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