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Publié le 16 février 2009 Mis à jour le 16 février 2009

Sur le chemin de La Fontaine

Jean de La Fontaine est dans notre esprit inséparable de la faune qui peuple ses fables. Maître Renard et son corbeau, les rats des champs et des villes ou encore la grenouille se prenant pour un bœuf, nos mémoires enfantines sont emplies de tous ces récits. Et leurs nécessaires morales résonnent sans doute encore dans de nombreuses salles de classes. Mais qui d’entre nous sait que Jean de La Fontaine a puisé nombre de ses récits de Kalila wa Dimna, œuvre du grand naturaliste persan Ibn al-Muqaffa ? Peu importe la source d’inspiration en vérité. Le Kalila wa Dimna est à son tour une adaptation d’une œuvre brahmanique indienne, librement traduite d’abord en arabe donc, puis en français en 1644 soit une vingtaine d’années avant la publication du premier recueil des fables.

La lettre et l’esprit

Ces emprunts étaient aussi fréquents que compris. À une époque où les moyens de transmission étaient incertains, faire voyager les connaissances était faire œuvre utile. Les penseurs arabes ont excellé dans ce rôle de relayeurs des savoirs, entre les cultures grecque, persane, indienne et occidentale notamment. Ils n’ont pas été que cela bien sûr. Ils ont contribué à construire un corpus universel par des œuvres propres mais aussi en facilitant donc l’accès à des œuvres anciennes, souvent ardues.

Les auteurs arabes, ces "passeurs de sciences", traduisaient l’esprit plus que la lettre. De Kalila wa Dimna, La Fontaine retiendra la fonction de critique sociale. À travers les animaux, le fabuliste s’avançait prudemment masqué et croquait les… travers de ses contemporains.

Dialogue par dessus les siècles

La meilleure réponse au racisme imbécile est peut-être de faire dialoguer les œuvres de deux auteurs du gabarit de Jean de La Fontaine et d’Ibn al-Muqaffa. Et de proposer au moins deux exercices intéressants :

- Retrouver la filiation entre Kalila wa Dimna et les fables de La Fontaine (concepts changés et invariants)

- Reconstituer les morales respectives des deux époques pour en repérer les valeurs.

L’objectif de l’exercice est finalement d’initier les jeunes aux valeurs que doit posséder "l’honnête homme" de notre temps à l’instar de celui du siècle de La Fontaine. Et, accessoirement, de leur montrer comment des auteurs ont risqué parfois leur vie – Ibn al-Muqaffa a été exécuté pour irrévérence – pour faire triompher la liberté d’expression. Une liberté qui parait aujourd’hui aller de soi et qui est pourtant si précieuse.

P.S. : Cet article est pour moi l'occasion de rendre hommage à un grand "passeur" de culture marocain décédé en fin de semaine dernière, Mustapha Al Kasri. Traducteur de Saint-Exupéry et de Baudelaire, le défunt était également un grand poète.


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