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Publié le 14 novembre 2010 Mis à jour le 14 novembre 2010

Plagiat, remix, hommage : la confusion règne*

Qu'est-ce que le plagiat ? L'action de copier tout ou partie des oeuvres d'autrui en se faisant passer pour leur auteur. Une définition succincte pour un geste extrêmement délicat à cibler dans la vraie vie. Particulièrement sur Internet où la ligne entre plagiat et citation s'est passablement brouillée.

C'est peut-être pourquoi les écoles tiennent tant à faire la chasse aux plagiaires de nos jours: pour dénoncer ces coquins qui préfèrent user du copier-coller plutôt que de mettre en forme leurs idées. Si l'on peut comprendre cette option institutionnelle, il est tout de même intéressant d'entendre un point de vue plus marginal : et si notre vision du plagiat ne fonctionnait plus dans la culture du partage qui règne sur le Web ? Il s'agit de la thèse lancée par Emmanuelle Erny-Newton sur OWNI en juillet dernier.

Présumés coupables jusqu'à preuve du contraire

Au Canada, la question du plagiat dans les écoles a profondément bouleversé le gouvernement de la province ontarienne qui a décrété qu'à partir de la rentrée 2010, toutes les écoles publiques utiliseraient Turnitin, une solution informatique commerciale très connue. Le principe est simple: on entre le travail de l'étudiant dans une base de données et l'on vérifie son niveau d'originalité. Une fois que cela est fait, le document y reste afin de pouvoir déceler si d'autres élèves copient à leur tour ce travail. Une idée paradoxale, selon Mme Erny-Newton, qui dénonce que pour sauvegarder la propriété intellectuelle des autres, on va brimer celles des étudiants.

Aspect problématique supplémentaire: le logiciel semble changer le statut pénal des étudiants. En effet, deux universités québécoises (Laval et McGill) admettent que, désormais, tout étudiant soupçonné de copier est présumé coupable jusqu'à preuve du contraire. Un message coercitif qui ne plaît pas à tous, deux universités canadiennes ayant d'ailleurs refusé d'utiliser la solution technologique dans leur lutte contre le plagiat.

Que veut-on dire par plagiat ?

La question est assez pertinente, car si l'on s'entend sur la définition proposer plus haut, l'école est alors une plagiaire confirmée. Après tout, n'est-ce pas ce que font nos établissements : reprendre des théories du passé avec quelques modifications pour les transmettre à des personnes aujourd'hui.

L'auteure de l'article publié sur OWNI raconte d'ailleurs une anecdote particulière. Sa fille de 10 ans recopiait pour un travail scolaire un paragraphe de Wikipédia. Lorsqu'elle a proposé à sa fille de le reformuler, elle lui a répondu: "Pourquoi ? C'est beaucoup mieux écrit ici !" Russell Hunt qui a écrit "Four Reasons to be Happy about Internet Plagiarism" donne un exemple similaire dans son papier : Il montre d'abord un paragraphe de la biographie de Frida Khalo écrite par Hayden Herreran et ensuite l'extrait d'un travail réalisé par une étudiante paraphrasant le passage en question. Hunt dira alors que l'exercice est inutile, qu'elle aurait mieux fait de copier intégralement le passage, car manifestement l'apprenante ne voulait pas s'en servir davantage.

On parle alors de fainéantise, bien souvent reliée au plagiat, car l'une des causes relevées par les experts serait la paresse intellectuelle. Or, le problème ne serait-il pas plutôt lié -- s'interrogent Russell Hunt et Emmanuelle Erny-Newton -- au manque d'attractivité, de passion dans les évaluations et travaux que l'on demande aux étudiants d'effectuer ? Par exemple, se soucie-t-on vraiment de l'opinion des étudiants dans une dissertation ? Ou n'est-on pas là pour vérifier seulement s'ils ont saisi les concepts de base liés au cours ? On exige de l'apprenant qu'il argumente et appuie ses dires sur des faits. Or, si au bout du compte, on ne vérifie que les points appartenant au patrimoine commun de connaissances, pourquoi se forcerait-il ?

Le remix, ou les paradoxes de You Tube

Mais le plagiat tel qu'on le rencontre dans les cénacles universitaires posent des problèmes beaucoup moins complexes, finalement, que ceux qui se rencontrent désormais dans d'autres espaces numériques. Sur Internet, les pratiques de partage des idées et des réalisations est plus présent que jamais. Les parodies ou adaptations de films ou d'émissions de télévision culte se multiplient, on s'échange des paroles de chanson, des passages de livre et de poésie sur les réseaux sociaux, etc.

Le remix est même devenu la culture dominante de la jeune génération. D'ailleurs, YouTube envoie des messages très contradictoires à ce propos. D'un côté, il est interdit de mettre en ligne des extraits de film, d'émissions de télévision et même, parfois, de jeux vidéo commerciaux ou des vidéos amateurs de coulisses d'un film. Cependant, lorsqu'un abonné met en ligne ses créations, il doit accepter que celles-ci puissent être utilisées, reproduites et distribuées dans le monde entier.

Les générations successives ne considèrent pas de la même façon ce qui relève du plagiat et de l'attaque contre le droit d'auteur. Certains analystes et défenseurs de l'industrie de la culture estiment qu'il faut s'en tenir aux règles édictées avant la naissance d'Internet et des outils numériques de création. D'autres, comme Mme Erny-Newton, estiment qu'il faut au minimum débattre avec les jeunes de ce que protège la législation sur la propriété intellectuelle afin de faire évoluer cette dernière. Est-ce à dire que le copier-coller doit devenir la norme ? Non, mais il y a peut-être une flexibilité, une philosophie plus moderne à adopter sur la question du plagiat.

Comme amorce de discussion, vous pourriez visionner le documentaire canadien (en anglais seulement) Rip! A Remix Manifesto de Brett Gaylor disponible gratuitement sur le site de l'ONF.

"Le plagiat dans la culture du partage", Emmanuelle Erny-Newton, OWNI, 28 juillet 2010.


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