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Publié le 07 mars 2011 Mis à jour le 07 mars 2011

Réjean Payette :"Il faut assurer la synergie des compétences individuelles pour réussir l'intégration des Tice"

Monsieur Payette, vous avez accompagné au Québec l'organisation de l'accompagnement TICE depuis la fin du siècle dernier. Quelles en ont été les principales étapes ?

Tout a débuté en 1988 quand le Ministère de l’éducation a mis sur pied les Cemis (Centre d’Expertise en Micro Informatique Scolaire) afin de promouvoir et de développer la formation des enseignants aux technologies. Cela a duré une année ou deux et très vite on a délaissé l’enseignement de l’informatique pour se tourner vers l’intégration des Tic en classe. Il y avait 35 Cemis (31 locaux et 4 nationaux) qui se sont formés progressivement sur la base des projets initiés par les enseignants et leur impact sur les apprentissages.

En 1997, les autorités éducatives ont recommandé d’accroître la présence du personnel des CEMIS auprès du personnel enseignant afin de soutenir de façon plus particulière « l’émergence et la diffusion d’une culture de réseau ».

Cette orientation a pris une tournure nouvelle en 2000/2001 lorsque, sur la base des CEMIS existants, un réseau de personnes ressources a été créé dans les commissions scolaires et au niveau national. Ces personnes travaillent  en contexte d’entraide, de partenariat et de partage d’expertise, en réseau et en direct au développement des compétences des élèves par l’intégration des technologies. La nouvelle dénomination du réseau Cemis actualisé c’est le Récit (Réseau du développement des compétences des élèves par l’intégration des TIC).

Intégration réussie des Tice dans le primaire

10 ans après la création du Récit, que pouvez-vous nous dire des particularités de l'usage des Tice dans le système scolaire québécois ?

L’une des particularités au Québec c’est que l'intégration des Tice est particulièrement forte en maternelle et au primaire. En effet un instituteur passe beaucoup de temps avec ses élèves et il peut investir les outils proposés dans les apprentissages. D’ailleurs le matériel le plus performant est alloué aux petites classes en priorité. Nous misons sur la facilité d’acquisition des plus jeunes qui, de plus, sont nés dans un environnement numérique et participent aux activités intégrant les TICE sans inhibition.

Un autre projet au Québec « l’école éloignée en réseau », fonctionne  mieux lui aussi au primaire qu’au secondaire. C’est une expérience dont peuvent s’inspirer les pays qui ont des écoles isolées où il n’y a pas de cours spécialisés. Le prof donne son cours dans sa propre classe et les classes distantes peuvent suivre et interagir entre elles. Il n’est pas là question de puissance technique car à une certaine époque on utilisait des moyens nettement moins performants qu'aujourd'hui. Par exemple, on avait choisi le logiciel gratuit de visioconférence iVisit; des classes francophones dont des classes tunisiennes ont participé à ce projet.

Tunisie : des compétences individuelles remarquables, à mettre en synergie

Puisque vous connaissez bien la problématique des Tice dans le système scolaire tunisien, pouvez-vous nous parler de ses aspects remarquables ?

J'effectue des missions Tice en Tunisie depuis 1997. Au début le souci majeur en Tunisie comme partout était l’équipement et la connexion Internet dans les établissements. Mais les questions relatives à la formation des enseignants à l'utilisation d'Internet à des fins pédagogiques est apparue très tôt, tout comme la volonté de créer des enseignements spécifiques, comme le  Bac Web.

En 2009/2010, j'ai relevé trois préoccupations majeures liées aux Tice :

  • La certification des compétences des élèves et des enseignants;
  • La constitution de guides méthodologiques d'intégration des Tice;
  • Le suivi et l'évaluation des activités d'intégration déjà engagées. 

Ce qui correspond bien à l'état de maturité de votre projet global d'intégration. Une particularité peu commune en revanche de ce que j'ai pu observer lors des formations d'enseignants et de mes visites dans les établissements, c'est le haut niveau technique atteint par les formateurs dans les productions de supports multimédias. Les compétences individuelles sont énormes. Maintenant, il faut travailler à améliorer la  synergie entre les formateurs, la capitalisation et la mutualisation des expériences, la valorisation et la promotion des réussites dans le domaine. Ce sont les axes d'intervention que j'ai privilégiés lors de mes dernières missions en Tunisie, car il y a vraiment des réalisations intéressantes; il faut trouver le moyen de généraliser les approches prometteuses. 

Quels sont les acteurs clés qui permettront de développer cette mise en synergie ?

Il y a deux groupes d'acteurs clés, en plus des enseignants : les  directeurs des établissements scolaires et les inspecteurs d’une part, les formateurs TICE nationaux et régionaux d’autre part. L’engagement de la direction et de l'encadrement disciplinaire est primordial . Ces deux instances de tutelle peuvent si elles sont savamment impliquées à travers le projet d'établissement ou l'accompagnement de projets de classe s'avérer facilitatrices. Par ailleurs, je préconise de distribuer les équipements en fonction des projets, et non de manière uniforme dans les établissements. La quasi-totalité des établissements dispose désormais d'un équipement de base. Les équipements supplémentaires doivent aller à ceux qui réalisent effectivement des actions intéressantes et fédératrices.

Il faut évidemment s'appuyer sur les enseignants et développer certaines de leurs compétences. Les réseaux d'enseignants ont été jusque-là la pierre angulaire des échanges de pratiques innovantes et sont également impliqués dans la promotion et la valorisation des projets de classe. Ils doivent acquérir quelques techniques de valorisation, pourquoi pas issues du monde du marketing, comme la présentation régulière des projets dans leur progression, l'établissement d'un palmarès des meilleurs projets... Ils doivent également faire passer le message suivant : utiliser les Tice, ce n'est pas ajouter encore des contenus aux programmes, c'est faire différemment et en adaptant les contenus aux préoccupations et pratiques des générations actuelles. Enfin, l'approche par projets permet l'interdisciplinarité et le développement des compétences transversales. L'approche purement disciplinaire doit être complétée par une approche qui intègre à la fois plusieurs domaines de connaissance et de comportement pour un meilleur savoir être et savoir devenir.

La certification des compétences

Pensez-vous qu'il soit utile de certifier les compétences Tic des enseignants et des élèves et comment faut-il s'y prendre ?

La priorité se situe au niveau de la formation des conseillers Tice. On peut soit créer une nouvelle formation, qui permettra d'obtenir un corps de formateurs bien identifié et organisé; ou alors, et c'est l'approche que je recommande, on peut profiter du contingent déjà formé selon plusieurs méthodes et qui est déjà actif sur le terrain. La fonction de conseiller pédagogique disciplinaire existe déjà et on pourrait imaginer que ce soit l'inspecteur qui désigne le conseiller qui va le seconder dans ses tâches selon un contrat annuel. L'avantage c'est que le conseiller n'est pas nommé à vie, c'est plutôt une charge renouvelable selon l'efficacité sur le terrain. De cette façon également, le conseil en TIC qui se faisait informellement pourra être reconnu et soutenu dans ses fonctions et jouir des avantages qui s'en suivent tels la progression dans son grade, la mutation entre régions, etc. chose impossible actuellement avec la procédure de détachement à l'INBMI, qui certes profite aux réseaux mais handicape les individus dans la progression de leurs carrières.

Pour savoir ce que font les élèves avec les équipements informatiques, il faut privilégier un système électronique entièrement automatisé non seulement pour recueillir les données, mais également pour les traiter et produire des rapports synthèses.

Après, pour attester des compétences individuelles, il y aurait lieu de mettre en place un système de portfolio informatisé, éventuellement pour l’ensemble des élèves. Nous avons une expérience significative de ce dispositif au Québec : plusieurs commissions scolaires se sont dotées d’un système de portfolio électronique et ont alloué un espace de 20 Mo à tous leurs élèves afin qu’ils puissent déposer et conserver le résultat de leurs projets numériques en intégration des TIC. Un tel système permet à l’élève de voir ses progrès dans la maîtrise de ses compétences TIC, comme il permet à ses parents, à ses enseignants, et à son directeur d’école de suivre son évolution. Avec un portfolio numérique, de nouvelles fonctionnalités pourraient être implantées dans « Eduserv » votre système de gestion de la vie scolaire, afin de connaître en tout temps le nombre exact de projets TIC réalisés par les élèves. De plus, la centralisation du portfolio sur Eduserv permettrait aux directions régionales et au Ministère de l’Éducation de constater les progrès dans la maîtrise de la compétence TIC chez l’élève.

Voir la seconde partie de l'entrevue avec M. Réjean PAYETTE : « Il ne s'agit pas pour un pédagogue de faire mieux que l'autre, mais d'aider l'autre »

 

Quelques projets du Récit :


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