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Publié le 31 mai 2010 Mis à jour le 31 mai 2010

L'école : renverser ou réformer ?

Le discours sur l'école est aujourd'hui catastrophiste, de quelque point de vue que l'on se place.

Dans les discours sur la crise de l'école et sur la solution miracle des TIC, un petit passage par l'étape indispensable de vérification des sources et de leur origine (qui parle et à partir de quel contexte ?) ne nuit pas à la compréhesion des enjeux. Il nous semble raisonnable, pour ne pas perdre pied dans ce flux d'opinions autorisées ou non, de s'assurer des points de sécurité, au délà des convictions personnelles.

Qu'est-ce qu'il y a à vendre ?

Si on prête attention à toute la littérature qui se bouscule en ce moment autour du constat de la crise de l'école, on trouvera par exemple ce blog, GénérationS, dont l'auteur principal a commencé une carrière d'“Attraction Manager” à Disneyland Paris.

Sur ce blog on trouve des assertions sur l'apprentissage, qui ne nous choquent plus à force de les voir un peu partout.

L'école serait désormais complètement inadaptée parce qu'elle n'aurait pas compris qu'à l'ère du web 2.0, "Il s’agit d’apprendre par l’échange de trouvailles, de questions, de liens, d’idées ou de trucs et astuces"  et les enseignants devraient  faire face à une révolution de societé qui remet profondément en question leur identité. A la clé la formation assurée par Génération 2.0 bien entendu, censée apprendre aux enseignants comment regagner leurs" clients consommateurs" avec de bonnes techniques de marketing.

Les voix qui dominent nos écrans, remplissent les listes de conférences, de podcasts, les interventions sur les sites de réseaux sociaux se rangent sur ce genre de discours, celui de l'habile bonimenteur, de ce que Gilles de Rosnay appelle sans mépris des "courtiers". Les élus politiques renchérissent sur ces généralités faciles, et soucieux avant tout de gérer à moindre coût, plongent tête baissée dans l'idôlatrie technologique : ENT, TBI et iPad feraient renaître notre école, bien protégée derrière des mots de passe, des logiciels de contrôle de plagiat, de vérification d'identité numérique.

Etre reconnu à sa juste valeur

Le discours des praticiens, des enseignants enthousiastes appartenant  aux institutions, de ceux qui veulent tout simplement partager leur découvertes, leurs tâtonnements dans leur discipline, et qui généralement le font collectivement comme au Café pédagogique est un peu différent. Ceux-là ne se posent peut-être pas la question de la révolution de l'école, parce qu'ils ont passé un concours , qu'ils sont fonctionnaires et qu'ils doivent composer avec des contraintes qui, si elles les accablent parfois, sont autant de ferments à leur imagination. Ce qui ne les empêche pas de vouloir réformer, parfois avec beaucoup de véhémence. Le ferment de l'activité est ici une reconnaissance que l'institution ne donne pas, alliée à une solide vitalité, car il en faut !

Les observateurs

l y a enfin toute la gamme des passeurs, intellectuels, blogueurs et journalistes, qui défendent une certaine idée du service public, de la gratuité scolaire pour tous et qui restent aux côtés des institutions. La voie que prend l'éducation en France ne les satisfait pas, ils font partie des pionniers de l'usage des TICE et ils ont créé des structures qui permettent de dialoguer avec les collectivités territoriales et nationales dans un rapport de partenariat. Leur position d'observateur des usages leur donne un peu plus de prudence dans les propos. Ils pensent notamment , ô sacrilège, que l'amélioration du système scolaire ne passera pas forcément par les outils. L'équipement, la formation, le développement de ressources numériques ne peuvent à eux seuls le faire changer rapidement.

Loin de vouloir faire exploser les murs de la classe et lancer chacun dans la course à l'autonomie et à l'autodidaxie, ils pensent que l'école a un besoin urgent de vision et qu'elle ne doit pas céder à la tentation de l'utopie.

Ce que le passé apprend

Dans un texte très clair, "Tic et éducation : dessiner un horizon qui ne soit pas une utopie", Serge Pouts-Lajus affirme d'abord, à la suite du rapport d'Alain Chapsal et de la conférence d'André Tricot au forum Retz -Sciences humaines, dont nous avons parlé récemment, qu'il n'y a aucune preuve scientifique de l'efficacité de l'apprentissage : c'est une affaire de conviction.

Il revient sur une observation de classe unique de petit village faite il y a 12 ans, à Piquecos dans le Tarn-et-Garonne et constate que depuis lors il ne s'est pas passé grand chose de nouveau, excepté  "ll'ampleur qu'a pris aujourd'hui la marchandisation de la sociabilité" et tire un certain nombre de leçons de la pratique pionnière de l'instituteur de cette classe.

Si les TICE doivent jouer un rôle, c'est sur un mode presque accessoire. Omniprésents, les outils ne sont là que pour servir un fonctionnement dont la relation entre l'enseignant et les élèves constitue le coeur. Un enseignant fait travailler, dialogue , fixe des objectifs, contrôle le déroulement des projets collectifs multiples, comme un chef d'entreprise, mentionne t-il.

Il perçoit  un avenir pour les outils numériques à partir de trois idées :

  • L'idée de travail : assez différente de celle d'imprégnation, de jeu, de plaisir assez à la mode. La classe est bien une ruche. L'école serait alors le lieu idéal de "projets de production et de diffusions de biens culturels originaux".
    "L'ordinateur est un instrument de travail intellectuel auquel le réseau fornit un cadre social et culturel."
  • L'ecole est une expérience pédagogique collective, et le réseau est evidemment la forme privilégiée de cette expérience. A ce propos il donne une très belle définition de l'autonomie :
    "Etre autonome, ce n'est pas faire les choses seul, c'est être capable de prendre sa part dans un projet collectif"
  • L'école c'est l'articulation du local et du global.
    L'enseignant est celui qui guide vers le plus large. Il doit partir d'un ancrage géographique précis pour ouvrir la classe au monde. Pour qu'il puisse s'acquitter de cette tâche, Il faut que l'école abandonne la tentation de la sanctuarisation, tentation hélas encore bien présente.

L'école va mal, écoutons aussi ceux qui veulent lui porter secours !

 

Serge Pouts-Lajus :

A quoi sert l'innovation pédagogique ? : un article sur les cahiers de l'ingénierie pédagogique (2008)

 


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