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Publié le 22 mars 2011 Mis à jour le 22 mars 2011

Lorsque les ordinateurs remplacent les enseignants en classe

En Floride, les premières classes sans enseignants ont vu le jour. Une manifestation supplémentaire de la capacité des administrations scolaire à transformer les meilleures idées en machines à faire des économies.

Nous posions récemment la question dans Thot Curusus : a t-on besoin d'enseignants pour apprendre ? Il semble bien que la Floride ait trouvé la réponse à cette question en ouvrant des classes sans professeurs, les contenus étant accessibles aux élèves par le biais de cours en ligne. Il ne s'agit pas ici d'eLearning au sens traditionnel du terme : les élèves n'étudient pas "à distance" de l'institution éducative; ils sont en classe, dans les murs de l'établissement. Mais le grand absent, c'est l'enseignant.

La mise en place des "labos d'apprentissage électronique" est l'une des conséquences d'une mesure pourtant plébiscitée par les enseignants de par le monde : la réduction du nombre d'élèves par classe. Cette mesure n'a pas été accompagnée d'une augmentation de budget, compte-tenu de la situation difficile que connaissent les états américains à ce niveau. Ce sont donc 7000 élèves de l'enseignement public qui se sont retrouvés, parfois sans en avoir été avertis au préalable, dans des classes sans enseignants pour une partie de leur horaire scolaire.

Deux journaux français ont rendu compte de cette information. L'Express d'une part, qui a publié une brève intitulée "Seriez-vous prêt à suivre des cours sans professeur ?", suivie d'un appel a commentaires qui a eu peu de succès (3 réactions publiées à ce jour). Courrier International d'autre part, qui a publié une traduction de l'article original paru dans le New York Times, sous le titre "Une salle de classe sans prof". Ces ceux articles mettent l'accent sur les nombreuses protestations qui ont suivi la mise en place de ces classes. Courrier International termine le sien par une brève mention d'avis plus nuancés, qui admettent l'intérêt des dispositifs hybrides d'apprentissage, associant cours en ligne et cours en présence. Il faut signaler que la traduction réalisée par Coiurrier International ne reprend pas l'article du New York Times dans son intégralité. Dans cet article en effet, plusieurs initiatives de cours en ligne intégrés à l'enseignement scolaire sont mentionnées, ainsi qu'une opinion favorable aux dispositifs hybrides que nous traduisons ici : "'Il ne fait aucun doute que l'apprentissage hybride peut être aussi efficace et souvent plus efficace qu'une classe', dit M. Moore, qui est également rédacteur de The American Journal of Distance Education. Il ajoute néanmoins que la recherche et ses propres expériences ont montré qu'une conception de qualité et l'encadrement par un enseignant dans la classe restent nécessaires. 'Un animateur qui se borne à contrôler les progrès des élèves et à gérer les problèmes techniques dans le laboratoire virtuel ne peut être considéré comme une composante suffisante d'un modèle d'apprentissage hybride', dit-il. 'Les autres composantes de ce modèle incluent 'la maturité et l'habileté de l'étudiant', ajoute t-il".

On constate donc une différence de traitement de l'information entre la presse française et la presse américaine, due sans aucun doute au niveau de familiarisation des lecteurs et des journalistes de ces deux pays avec l'enseignement en ligne. Alors que la presse française présente la mesure comme un changement radical, témoin d'une dégradation de l'enseignement, le New York Times traite aussi de ses aspects qualitatifs : si la création des "virtual labs" dans les écoles publiques de Floride est critiquable, c'est plus à cause de la précipitation et de la communication désastreuse caractérisant cette mesure que de ses fondamentaux, à savoir la diversification des modalités d'enseignement dans les écoles américaines en réponse aux contraintes et aux opportunités de la société actuelle.

En filigrane derrière cette différence de traitement, on pourra voir la différence de culture éducative entre la France et les USA, ainsi que la présence d'enjeux fort différents. En France, le combat des éducateurs porte toujours sur le maintien des moyens alloués à l'éducation. Dans cette perspective, le "remplacement" d'enseignants par des ordinateurs est immédiatement disqualifié, comme preuve de la volonté politique aveugle de faire des économies à tout prix. Ce qui est d'ailleurs le cas de toute proposition émanant "du sommet" dès qu'elle est soupçonnée de répondre à des impératifs économiques. S'ajoute à cela la difficulté immense qu'a le système éducatif français à intégrer les Tice, comme en témoigne régulièrement par exemple Bruno Devauchelle sur son blog, sans même parler des cours à distance pour l'instant cantonnés à un complément d'offre dans les établissements qui n'ont pas assez de candidats pour les options rares. Aux Etats-Unis, l'enseignement à distance est depuis longtemps intégré à l'offre éducative de nombreux établissements scolaires, comme le signale d'ailleurs l'article du New York Times. Le cas de la Floride y est donc présenté comme moins scandaleux, moins atypique, et comme une manifestation de l'évolution de l'enseignement, qui n'est pas partout synonyme de dégradation.

Il faudra suivre l'évolution de cette mesure : quels seront les résultats des élèves aux examens de fin d'année ? L'encadrement par les enseignants sera t-il renforcé, tout comme la qualité des cours en ligne ? Il semble bien que nous soyons au début de quelque chose, aux Etats-Unis du moins, et que l'initiative prise en Floride ne soit que "la partie visible de l'iceberg", comme le dit l'une des enseignantes interrogée par le New York Times.

In Florida, Virtual Classrooms With No Teachers. New York Times, 17 janvier 2011.

Seriez-vous prêt à suivre des cours sans professeur ? L'Express, 14 mars 2011.

Une salle de classe sans prof. Courrier International, 14 mars 2011.

 


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