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Publié le 13 mars 2011 Mis à jour le 13 mars 2011

Le médiateur : un rôle essentiel et paradoxal

la médiation ne risque t-elle pas d'être instrumentalisée dans des politiques de communication ?

La médiation a envahi des domaines très divers, du droit aux cultures (scientifique, artistique...), en passant par l'urbanisme, la diplomatie ou le domaine bancaire. Un consensus existe sur l'utilité de la médiation et des médiateurs, notamment pour minimiser les conflits ou faciliter l'accès aux cultures légitimes. Pourtant, on peut se demander si ce rôle à l'importance grandissante n’est pas simplement devenu un avatar de la société de communication dans laquelle nous vivons.

C’est la question posée  par un article de Vincent Rouzé dans un dossier de l’Université Stendhal Grenoble 3 sur La (les) médiation(s) en SIC (Sciences de l'Information et de la Communication).

Qu’est-ce qu'un médiateur?

Le médiateur est toujours un tiers facilitateur, entre différents groupes, différentes personnes, ou encore entre des personnes et des objets (objets culturels ou scientifiques par exemple). Le médiateur est apparu au XIXe sièce dans les pays scandinaves, sous le nom d'ombudsman, chargé de régler les différends administratifs entre les citoyens et les secteurs publics et privés. Mais le champ de la médiation s'est rapidement étendu à bien d'autres domaines : 

  • Famille
  • Société
  • Vie professionnelle
  • Relations avec les organismes bancaires ou de crédit
  • Culture artistique
  • Culture scientifique...

On parle même de la médiation animale, c’est tout dire! Malgré la diversité des champs dans lesques elle est sollicitée, la médiation peut se satisfaire d'une définition générique, citée par V. Rouzé : "la médiation se définit comme l’action de mettre en relation, par un tiers appelé médiateur, deux personnes physiques ou morales appelées médiées, sur la base de règles et de moyens librement acceptés par elles, en vue soit de la prévention d’un différend ou de sa résolution, soit de l’établissement ou du rétablissement d’une relation sociale". Une idée que l’on retrouve également dans la définition de Médiation professionnelle du Québec.

La médiation culturelle est enrichie d'une dimension éducative et récréative. Ici, l’intermédiaire devient le point de rencontre entre des œuvres et le grand public comme il l'est clairement expliqué dans un document du Ministère français de la Culture et de la Communication. Le portail de la médiation culturelle de la ville de Montréal définit cette activité comme "des initiatives qui facilitent l’appropriation de la culture par les citoyens. Ces actions créent une opportunité de rencontres et d’échanges personnalisés favorisant le contact des clientèles avec les oeuvres et les créateurs. Elles permettent de faire le pont entre le citoyen et l’offre culturelle professionnelle montréalaise". L'activité « Tu vois ce que je veux dire ? » est représentative des formes originales que prend aujourd'hui la médiation cuturelle : une personne a les yeux bandés et visite un quartier avec un guide artistique afin de stimuler ses autres sens et sa curiosité. On en voit un extrait dans cette vidéo se déroulant à Lyon :

Les paradoxes d’un rôle devenu crucial

Médiateur est encore une fonction bien plus qu'un métier. Par exemple, sur le site du Ministère de la Justice québécois, on constate que nombre de professionnels exerçant des métiers fort différents peuvent être investis de la fonction de médiateur juridique. Ces professionnels peuvent être membres des ordres suivants : 

  • du Barreau du Québec ;
  • la Chambre des notaires du Québec ;
  • l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec ;
  • l'Ordre des psychologues du Québec ;
  • l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.

Les Centres jeunesse peuvent aussi accréditer leur employé comme médiateur.

La diversité est tout aussi grande dans le domaine culturel. Des promoteurs de spectacles, des animateurs, des guides, des attachés de presse, peuvent avoir une importante fonction de médiation avec les publics.

A l'inverse, la fonction de médiateur se professionnalise. Notamment dans le champ de la médiation familiale, de la médiation juridique et de la médiation culturelle et scientifique. Ceci, dans un effort de clarification de la fonction et d'identification de filières professionnelles et de formation.

On l'a vu dans les définitions citées plus haut de la médiation, celle-ci implique l’idée d’impartialité et de neutralité de la part du médiateur. Deux caractéristiques difficilement applicables dans tous les domaines de la médiation : lorsque le médiateur est employé d'une société, d'une organisation, d'un syndicat... il défend son point de vue.

Le médiateur culturel est lui aussi soumis à quelques paradoxes. Si son existence même relève de la défense du droit à la culture pour tous, dans les faits il sert directement la stratégie marketing de l'organisme qui l'emploie. Par exemple, on peut voir dans une étude en ligne que la ville de Montréal attribue des objectifs très nobles à la médiation culturelle : contrer l’exclusion culturelle et sociale, développer des connaissances et compétences culturelles, accroître la participation à la culture, etc. Cependant, il faudrait être naïf pour croire qu’il ne s’agit pas aussi de répondre à une logique économique. Particulièrement quand une municipalité dépense 2,3 millions de dollars en cinq ans sur ces services, comme le fait la ville de Montréal. Au-delà de leur mission pédagogique, les médiateurs (humains ou technologiques) dans les différents services culturels et scientifiques participent à la stratégie marketing pour attirer les foules.

L'article de V. Rouzé montre que l'institutionnalisation et la formation d’ordres professionnels de médiateurs risquent de compromettre l'une des caractéristiques importantes de leur travail : l’adaptation aux situations. Normaliser la médiation revenant alors à imposer une "bonne" approche, au risque de limiter la liberté d'accès et d'interprétation des oeuvres et objets par le public, sous prétexte de faciliter cet accès. La contradiction est de taille, on en conviendra.

En conclusion, le médiateur est, pour l’instant, pris entre deux feux. D’un côté, il fait œuvre utile dans la pacification des relations familiales, sociales, commerciales et il est même pédagogue en permettant un contact plus simple entre les arts ou la science et une participation citoyenne plus importante. De l’autre côté, il devient l’avatar d'une société cherchant à normaliser sa communication; son institutionnalisation lui enlevant une flexibilité indispensable dans le rapprochement des parties en présence. Il y a donc une réflexion à mener pour que la médiation se démarque de la communication commerciale et conserve sa pertinence.

« Médiation/s : un avatar du régime de la communication ? » par Vincent Rouzé dans le cadre du dossier "La (les) médiation(s) en SIC" coordonné par Jean Caune pour l’Université Stendhal Grenoble 3, mis en ligne le 21 décembre 2010.

Portail officiel de la médiation culturelle de la Ville de Montréal

Illustration : Enrique Pellejer, Shutterstock.com


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