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Publié le 11 octobre 2010 Mis à jour le 11 octobre 2010

Passer des listes à puces aux cartes mentales pour forger son raisonnement

Lorsque l'avenir se fait menaçant, la philosophie constitue un refuge. Aujourd’hui que la pensée philosophique est reléguée au rang de curiosité intellectuelle, on peut se demander si ce vide ne constitue pas la véritable menace pour nos sociétés.

Mais "A quoi sert la philosophie ?" pourraient rétorquer nos étudiants confrontés à cette sempiternelle question lors des examens. À plus grand-chose est-on tenté de penser. De fait, la philosophie en tant qu’objet, méthode et même mode de vie ne s’apprend plus, ne se transmet plus ou si peu. Et avec elle, ne s’apprennent plus le savoir-être critique et cette aptitude à poser un regard analytique, et forcément distant, sur la marche du monde et les querelles des hommes. Face à l’emballement du progrès technique ce regard semble pourtant plus nécessaire que jamais. Ne serait-ce que pour enraciner dans les têtes de nos élèves l’incrédulité qui façonne l’esprit scientifique et le doute qui prémunit de la folie[1]. Alors comment justement utiliser les nouvelles technologies dont on mesure la puissance chaque jour pour réimplanter la philosophie au cœur de nos apprentissages ? Deux exemples antinomiques permettent de lancer la réflexion.

Quand l’outil façonne la pensée

Certains outils connaissent un succès massif sans que personne ne se préoccupe de mesurer leur influence sur le façonnement de notre pensée ou de notre expression. Si le travail a été mené pour les outils anciens tels que l'écriture, peu nombreux sont les observateurs qui font part de leurs conclusions sur les outils numériques. Ce n’est que récemment que certains ergonomes se sont penchés sur la question en se demandant par exemple si le standard incontesté en matière de présentation, Powerpoint,ne rendait pas stupideson utilisateur. Un logiciel qui avait été déjà mis à l’index par… l’armée américaine pour expliquer certains de ses échecs sur le terrain. Et qui demeure pourtant omniprésent – qui n’y a pas recours de nos jours pour exposer un contenu ou accompagner un discours ? – au point qu’on parle d’une « pensée Powerpoint » !

Mais le support technique est-il toujours à l’origine du formatage de la pensée ? Ce formatage ne dépend-il pas aussi de l’usage qui est fait de cet outil ? Outil et pensée, support et raisonnement, moyen et démarche…, le questionnement sur ce lien ne date pas d’aujourd’hui comme le montre cette très instructive visite virtuelle de la Maison de l’outil.

Pour autant, un autre exemple d’utilisation d’un logiciel de présentation en enseignement montre que l’intention pédagogique intervient de manière décisive pour orienter l’apprentissage vers plus de créativité.

La créativité comme paradigme

L’exemple concerne un outil dont l’usage se répand : les cartes heuristiques. La Finlande, dont le système éducatif est souvent cité en modèle de réussite, l’utilise depuis plusieurs années, y compris dans les petites classes. Il faut dire que contrairement à d’autres applications, la créativité semble avoir été au centre des préoccupations des concepteurs. L’utilisation de ce type de logiciel (on parle de logiciels de mindmapping) pour mener un brainstorming (ou remue-méninges comme préfèrent dirent les Québécois) peut s’avérer d’une grande efficacité. Et ce n’est pas un hasard si ces cartes sont qualifiées d’heuristiques (on parle aussi de "cartes mentales"), l'heuristique désignant l'art d'inventer et de faire des découvertes.

La méthode heuristiquesert précisément à faire découvrir par l’apprenant ce qu’on désire lui enseigner. Piaget préconise « d'accorder la préférence à l'investigation heuristique des questions plutôt qu'à l'exposé doctrinal des théorèmes. » Il ne s’agit pas ici d’asséner des vérités mais bien de partir d’un manque voire d’une tabula rasa pour faire émerger la connaissance. La méthode lacunaire est bien connue des concepteurs de scénarios pédagogiques dans l’enseignement à distance. Elle constitue un des moyens les plus utilisés pour développer la créativité comme le met en évidence cet excellentRéseau pensant pédagogique. 

En cours de philosophie, certains professeurs commencent à faire un usage pédagogique des plus innovants de ces cartes mentales. La démarche du mindmapping s’apparente au demeurant à la maïeutique socratique, une célèbre méthode d’accouchement des idées que pratiquait le sage d’Athènes.

Mais le mapping mental pourrait servir à illustrer bien d’autres raisonnements philosophiques. Dans l’histoire de la philosophie, d’autres maîtres ont fait prévaloir l’introspection comme méthode d’enseignement et de quête du savoir. Socrate et ses disciples certes mais aussi, dans l’espace culturel arabo-musulman, Al-Fârâbî et Ibn Rochd (Averroès) notamment. On trouvera dans ce document une synthèse érudite sur l’originalité de la philosophie arabo-musulmane.

En définitive, les nouvelles technologies font bien plus que renouveler l’enseignement de la philosophie. En induisant de nouveaux parcours pédagogiques, elles pourraient donner aux générations montantes le goût de l’introspection et de cette quête raisonnée du savoir dont nos sociétés en mal de sens ont tant besoin.

 

[1] « Ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude » proclamait Nietzsche.


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