Le magazine américain eLearn Magazine a récemment publié un article intitulé « Using Digital Storytelling for Creative and Innovative e-Learning ». Cet article écrit par Nalin Sharda, enseignant indien spécialisé dans l'étude des interactions homme-machine, défend l'idée que la formation, y compris la plus technique, doit permettre aux apprenants de développer leur créativité, compétence qu'il place bien au-dessus des compétences théoriques ou techniques. Et que, pour cela, la formation se doit d'être créative elle-même.
la formation à distance ne peut se contenter de copier la formation en présence; ceci, afin d'entretenir la motivation et l'engagement de l'apprenant : "les contenus e-learning qui présentent seulement des faits et des schémas ne retiendront pas l'attention de l'apprenant aussi bien qu'un bon enseignant, qui joue de son charisme personnel". La perte de ce contact personnel doit être compensée par "un récit éducatif" (educational story), qui va maintenir l'attention de l'apprenant. Et pour construire un bon récit, rien ne vaut l'expérience et le savoir-faire des meilleurs scénaristes d'Hollywood.
Hollywood au chevet de la formation à distance
La proposition est déconcertante. Néanmoins, en se penchant sur les conseils donnés, on constatera qu'il n'y a rien de révolutionnaire là-dedans : pour intéresser son interlocuteur, mieux vaut que l'histoire soit bonne.
Selon Robert McKee, scénariste, une bonne histoire est celle qui fait varier le degré d'émotion ressenti par le spectateur au fil de son déroulement. Ce déroulement obéit à un schéma simple : incident déclencheur - complications progressives - crise - paroxysme - résolution. Nalin Sharda estime qu'il est possible de transférer ce schéma sur les contenus de formation à distance :
L'incident déclencheur : ce peut être la référence à un événement de la vie réelle qui pose problème, la recherche de solution nécessitant l'appretissage qui constituera le contenu du cours.
Les complications progressives : chaque problème résolu par l'apprenant génère une nouvelle question, qui sera résolue à l'étape ultérieure du parcours.
La crise et le paroxysme : le moment où tout semble perdu. l'auteur de l'article n'ose pas inciter les concepteurs de formation à créer ouvertement des moments de crise... Néanmoins, tout formateur en présence ou à distance connait bien ce moment de doute absolu qui saisit l'apprenant à mi-parcours du chemin, quand il en a appris assez pour avoir conscience de la complexité des questions étudiées, mais pas encore assez pour se sentir en confiance face aux tâches qui l'attendent. Si la "crise" n'est donc pas réellement scénarisable, elle sera pourtant bel et bien présente dans l'histoire et devra trouver des éléments de résolution.
La résolution : la fin du parcours, quand tous les objectifs annoncés au départ semblent atteints, quand toutes les questions posées tout au long du parcours sont résolues.
N. Sharda encourage les concepteurs de formation à distance à utiliser ce type de scénario qui a selon lui l'immense avantage de créer un "fil touge" dans la formation, de lier ensemble ses différents éléments dans une histoire globale.
Développer la capacité des étudiants à créer leurs propres scénarios
Deux défis restent alors à relever, pour développer la créativité des étudiants :
Comment faire intervenir des apports provenant de différents domaines dans la même histoire, sachant que la créativité est précisément cette capacité à lier des éléments apparemment disjoints et à penser "out of the box", hors des cadres préétablis ?
Comment développer la capacité des apprenants à créer leurs propres scénarios, leurs propres histoires ?
Pour répondre à ces questions, N. Sharda conseille l'emploi du Movement Oriented Design ou du Story-Centred Curriculum, qui est la verison simplifiée du scéario hollywoodien et permet d'intégrer les connaissances (contenus) à la narration (enveloppe). L'idée étant de développer des histoires séparées pour chaque domaine de conanissances, histoires qui doivent se rejoindre en certains points. Le concepteur devra expliciter la démarche, afin que l'apprenant puisse à son tour créer de nouveaux récits avec les connaissances récemment acquises et toutes celles qu'il possède par ailleurs.
Si la dernière partie de l'article est moins convaincante que la première, l'article mérite pourtant d'être lu, comme un exemple de "pensée créative" apliquée à la scénarisation de la formation à distance. La métaphore cinématographique n'est d'ailleurs pas tout à fait nouvelle, ni celle de la narration qui donne sens à notre expérience humaine.
Using Digital Storytelling for Creative and Innovative e-Learning, Nalin Sharda. eLearn Magazine, 22 avril 2010.
Crédit photo : Illustir, Flickr, licence CC.
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