Apprendre, une affaire d'institution
Pour apprendre, un individu n’a fondamentalement qu’à observer, questionner, expérimenter. L’apprentissage est une activité quotidienne spontanée : apprendre à parler, à s’habiller, apprendre des chansons, des procédures, des activités de plus en plus complexes... jusqu’au jour où un besoin est identifié et que rien ni personne dans son entourage ne peut y répondre de manière satisfaisante.
L’individu choisit ou on choisit pour lui une institution, une référence ou un maître dans les limites de son environnement, de sa culture ou de ses moyens. Les écoles offrent une certaine accessibilité en réponse à ces besoins et favorisent les économies d’échelle. C’est le modèle qui a prévalu jusqu’ici; seule une institution pouvait transmettre massivement de grandes quantités de savoir. La fonction de transmission démocratique du savoir a occulté ses autres fonctions.
La communauté : nouveau joueur
Le phénomène du web social nous rappelle à quel point les avantages d’un groupe sont importants. Même si l’apprentissage est et demeurera toujours une affaire personnelle, le soutien et les apports d’un groupe à tout domaine présentent un avantage tel que le modèle éducatif traditionnel révèle ses lacunes et ne peut résister : les étudiants sont autant d’acteurs positifs d’un groupe éducatif, veulent participer, peuvent participer et apprennent mieux en le faisant. («En moyenne, la formation en ligne au niveau post-secondaire n’est pas juste «aussi bonne» mais nettement plus efficace que l’enseignement face-à-face. Voir Evaluation of Evidence-Based Practices in Online Learning »). Chaque étudiant devient une ressource dans la classe.
Ajoutons la communication en réseau que permet maintenant Internet et la plupart des barrières à l’accès sont devenues poreuses : la connaissance qui était associée à un support (livre, enregistrement) ou une institution - diffuseur (éditeur, université, professeur) est maintenant devenue accessible au-delà des limitations traditionnelles. Dès lors, l’apprentissage peut revenir à une activité quasi spontanée et accessible dans notre environnement pour peu que l’on y investisse quelque effort.
Avec le support du groupe et la connaissance accessible en un nombre croissant de points on pourrait penser que les individus souhaiteraient se passer des intermédiaires que paraissent demeurer les institutions, mais tel n’est pas le cas et pour plusieurs raisons. (The more autonomous, diverse and open the course, and the more connected the learners, the more the potential for their learning to be limited by the lack of structure, support and moderation normally associated with an online course, and the more they seek to engage in traditional groups as opposed to an open network. in «The Ideals and Reality of Participating in a MOOC (Massive Open Online Course).
Le savoir est composé de données structurées et leur structuration est un travail complexe et étendu dans le temps, parfois sur des centaines d’années, tâche qui ne peut être assumée sans responsabilité ni continuité et qui dépasse les compétences de tout individu isolé ou même les initiatives collectives bénévoles. Les institutions sont les garantes de la qualité des sources. De plus les individus ont besoin de l’assurance de la qualité et de la reconnaissance qui ne peuvent être accordées que par des entités responsables et pérennes.
Un rôle inaliénable
Le rôle des institutions de connaissance se déplace de celui de la diffusion vers ceux de la supervision et de la structuration, rôles beaucoup plus riches. Les institutions ont un rôle d’encadrement, de formation méthodologique et de certification inaliénable.
Aussi, il n’y a rien à craindre d’une possible «désintermédiation» qui surgirait d’une «Education 2.0» ou même 3.0. Oui, il y aura une transformation d’un rôle éducatif qui demeure encore associé aux technologies du passé, non il n’y aura pas de changement fondamental à la mission d’organisation du savoir en des unités transmissibles, à celle de formation à une méthodologie du savoir et de l'apprentissage et à la certification du savoir réellement acquis.
Pour un article polémique sur le sujet : Désintermédiation
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