Fréquence Ecoles, organe dédié à l'éducation aux médias, a réalisé, avec le soutien de la Fondation pour l'Enfance, une étude sur les usages que les jeunes font d'Internet. Cette étude a récemment été rendue publique et est téléchargeable sur le site de Fréquence Ecoles (rapport complet ou synthèse).
Cette étude sociologique a été menée en Région Rhône-Alpes (France) auprès de 1000 jeunes, élèves de l'école primaire, du collège et du lycée. 50 entretiens individuels à domicile ont été réalisés, complétés par un questionnaire pour la totalité des jeunes.
L'enseignement majeur de cette étude est que les actions de prévention actuellement menées visant à alerter les jeunes sur les dangers de l'Internet sont inadaptées aux réalités de leurs comportements et attitudes. Les jeunes sont en effet bien moins naïfs, face à Internet, que l'on se plaît à le croire : "Pendant que les adultes redoutent une mauvaise rencontre, les jeunes réclament une meilleure formation".
Voyons dans le détail quelques-uns des résultats apportés par cette étude.
- Les jeunes surfent massivement, mais sont moins accros à l'Internet et plus raisonnables dans leurs pratiques que ce que pensent les adultes.
- Le taux d'équipement dans les foyers a largement augmenté : 33,9 % des répondants disent vivre dans un foyer possédant deux ordinateurs, 1,4 % seulement n'en ont aucun.
- Le surf sur la toile est totalement intégré à leurs activités. 90 % des
jeunes vont sur Internet au moins une fois par semaine. Deux-tiers des
lycéens surfent tous les jours.
- Mais la majorité des jeunes ne surfe pas plus de deux heures par jour.
Seuls 4,3 % d'entre eux surfent souvent plus de huit heures par jour.
- Les jeunes utilisent avant tout Internet pour communiquer avec leurs amis.
- La quasi-totalité des lycéens a un compte sur Facebook.
- Même quand ils ne sont pas sur les sites dédiés au réseau social, les
jeunes postent des ressources destinées à leurs amis. C'est notamment
le cas lorsqu'ils postent des vidéos sur YouTube.
- Les jeunes communiquent peu avec des personnes qu'ils ne connaissent
pas. Lorsqu'ils le font, c'est dans le cadre de forums, de jeux, et
ils nouent des relations ponctuelles et contextualisées.
- Plus
globalement, 2 jeunes sur 3 refusent toute demande de contact
d'inconnus. Seuls 7,70 % d'entre eux ont été soumis à une demande de rendez-vous avec un inconnu.
- Les jeunes ne naviguent pas au hasard.
- 50 % d'entre eux vont toujours sur les mêmes sites.
- Lorsqu'ils en découvrent de nouveaux, c'est majoritairement à la suite de recommandations d'amis.
- Facebook, YouTube et MSN sont leurs sites préférés, mais 340 sites ont été cités lors de l'enquête comme sites préférés.
- La variété de leurs pratiques augmente avec l'âge.
- Les jeunes sont conscients des dangers et limites d'Internet.
- Cete conscience augmente avec l'âge et la maturité.
- Presque tous les lycéens disent être conscients que l'information diffusée sur Internet n'est pas toujours fiable.
- Les jeunes ne cherchent pas l'exposition systématique de leur vie privée.
- Ils fournissent leurs coordonnées personnelles comme les adultes, pour s'inscrire sur des sites qui les demandent (Facebook).
- Ils délaissent les blogues, ne les mettent pas à jour, préfèrent
largement Facebook. Quand ils postent des vidéos sur lesquelles ils
figurent, c'est pour augmenter leur nombre d'amis. Ils adhèrent à la
logique majoritaire qui associe la valeur d'un site ou d'une resosurce
à son niveau de popularité (Google ne fait pas autre chose pour classer
les résutats de recherches qui passent par son moteur).
- Les jeunes ne sont pas systématiquement des pirates.
- Les pratiques de téléchargement illégal augmentent avec l'âge, et concernent surtout la musique, les morceaux étant ensuite intégrés à leurs lecteurs MP3.
- Pour les films, ils préfèrent le streaming, qui répond bien à leur
désir d'instantanéité et ne nécessite pas de manipulations techniques.
- Les jeunes sont demandeurs d'informations sur les dangers d'Internet et surtout sur la manière de mieux l'utiliser.
- Ils ne maîtrisent pas du tout son fonctionnement technique et ne savent pas vraiment ce qu'ils peuvent y trouver.
- L'école a ici un rôle important à jouer, car elle socialise leur
pratique au-delà de leurs usages habituels : "En étant obligé d’utiliser «professionnellement» les technologies à l’école, l’élève va être confronté à des usages contraints qui imposent d’utiliser différemment les technologies. Il ne pourra s’exprimer de la même manière qu’à titre privé, il sera obligé de faire appel à des outils de création et de production au lieu de s’en tenir à la consultation et la conversation. Il en tirera une diversification de sa perception de l’univers numérique et en aura une approche plus mature, enrichie d’un certain recul." (Yves-Armel Martin, directeur du centre multimédia Erasme, en charge de l'ENT laclasse.com).
- Les jeunes partagent volontiers Internet avec les membres de leur famille et leurs parents. Ils
surfent parfois ensemble et apprennent de la part de leurs parents qui
sont, contrairement à ce que l'on dit souvent, parfois plus avancés
qu'eux dans l'utilisation de ce média.
On retiendra de cette enquête qu'il faut sans doute minorer les messages relatifs aux "dangers" d'Internet qui, à force d'être répétés, peuvent accroître l'incompréhension entre jeunes et adultes, dans la mesure où les messages transmis par les seconds ne correspondent pas à l'expérience majoritairement vécue par les premiers. En revanche, les jeunes sont demandeurs de formation et d'information car ils sont conscients des limites de leurs usages actuels. Fort logiquement, en ce domaine comme dans les autres, leurs pratiques s'améliorent à mesure qu'ils gagnent en maturité. L'éducation aux médias a de beaux jours devant elle, à condition d'être plus centrée sur l'accroissement de l'autonomie (savoir tirer parti du meilleur, être prêt à affronter le pire) que sur la dénonciation des dangers .
Les jeunes et Internet : de quoi avons-nous peur ? Synthèse de l'étude sociologique réalisée par Fréquence Ecoles, téléchargeable en .pdf.
Le site de Fréquence Ecoles.
Voir plus d'articles de cet auteur