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Publié le 09 avril 2010 Mis à jour le 09 avril 2010

Enseignement de l'informatique au lycée en France : la valse-hésitation

Faut-il enseigner l'informatique à l'ensemble des jeunes fréquentant le lycée en France ? La question n'est toujours pas tranchée, et les partisans d'un enseignement de la techique (ou science, selon les points de vue) informatique affrontent ceux qui estiment que l'enseignement approfondi des usages des outils numériques est prioritaire.

Si l'on remet ce débat dans une perspective historique de court terme (l'informatique étant une technologie encore jeune), on note qu'il existait dans les années 80 du siècle dernier une série de Bac avec spécialité informatique, la série H. Celle-ci à disparu, à mesure que les ordinateurs devenaient des outils banals. Puis nous avons vu apparaître les fameux B2I et C2I, qui semblaient alors consacrer la victoire des tenants des usages, laissant l'intérieur des machines et la programmation au seul domaine de l'enseignement spécialisé professionnalisant. Ces dernières années, la question de l'enseignement systématique de l'informatique dans toutes les séries du lycée général est revenue sur le devant de la scène. Elle a finalement été restreinte à un enseignement optionnel en série S (scientifique). Mais, aussi modeste que soit cette nouveauté pas si nouvelle que ça, elle déchaîne toujours les passions, certains la trouvant bien éloignée des ambitions et nécessités ayant présidé à sa création, les autres estimant qu'elle ne sert vraiment à rien.

Les termes du débat

Les tenants de l'enseignement technique de l'informatique estiment qu'il est urgent d'aider les jeunes à apprendre le fonctionnement des ordinateurs et programmes qui ont innervé l'ensemble de nos activités, que cela permettrait une meilleure appréhension globale des questions qui aujourd'hui agitent la société  (les lois anti-piratage, la conservation des fichiers, etc.). De plus, ils mettent en avant le fait que le secteur des nouvelles technologies joue un rôle capital dans l'économie mondiale, et qu'il convient d'attirer le plus grand nombre possible de jeunes dans ce secteur d'emploi. 

Cette position est défendue en particulier par les membres de l'EPI (enseignement public et informatique), présidé par Jean-Pierre Archambault, et certains enseignants chercheurs en informatique, tel Gilles Dowek, qui expose son point de vue dans un podcast mis à disposition sur le site Interstice animé par l'INRIA.

Les tenants des usages, eux, prennent acte du fait que l'ordinateur a changé de statut : d'objet technique servant à programmer, il est devenu médium, servant à diffuser et publier du contenu. Les usages de proximité ont remplacé les pratiques d'excellence, comme le souligne Bruno Devauchelle dans un le billet intitulé "Empêcher les jeunes de maîtriser le numérique ?". 

Les deux parties s'accordent au moins sur un point : le potentiel des B2I et C2I n'est actuellement pas pleinement exploité. Les "durs" de l'enseignement de l'informatique reprochent à ce système de certification d'une part de n'être pas opérationnel (les enseignants ont en effet la charge théorique de valider, chacun dans leur discipline, les différents items des certificats, ce qu'ils font rarement et sans cohérence pédagogique globale), et d'autre part de ne pas aborder les questions techniques. Les défenseurs de l'éducation aux usages estiment qu'il y a bien des aspects qui échappent aux certificats. Notamment, comme le dit B. Devauchelle, "la part d’humain qui est contenue dans les dispositifs numériques qui nous entourent. En effet cette part d’humain à souvent les couleurs d’une humanité douteuse (la surveillance systématique par exemple, la perte de l’intime, l’absence de possibilité d’effacer ses données etc…). Or cette part d’humain qui au départ était relativement facile à percevoir dans la machine devient de plus en plus difficile à repérer. Et pourtant chaque machine n’est pas qu’un outil qu’on peut adapter à soi, c’est aussi une intention contenue dans la façon même dont elle se laisse utiliser. Or ce qui est le plus grave ce n’est pas que l’on ne connaisse pas la technique sous-jacente, mais que des concepteurs ont mis leur intention dans la technique dispositive elle-même de manière à rendre l’usager dépendant".

Des 'natifs numériques' bien désarmés

Après une phase d'euphorie qui nous a fait voir dans tout gamin de 14 ans un petit génie informatique, on constate aujourd'hui que les fameux "natifs numériques" (digital natives) ont bien besoin de l'accompagnement des adultes pour maîtriser les outils numériques. On constate aussi la nécessité chaque jour plus grande d'un minimum de compréhension (si ce n'est de maîtrise) de la technique sous-jascente aux outils informatiques, pour accroître l'autonomie des utilisateurs. La question est alors de savoir s'il faut laisser l'apprentissage de rudiments techniques au seul bon vouloir des utilisateurs, comme c'est par exemple le cas des utilisateurs de voitures dont la majorité se fie au garagiste mais dont certains aiment à mettre les mains dans le moteur, ou si l'enjeu économique et social mérite d'intégrer l'enseignement de la technique et des usages dans un tronc commun de connaissances.

L'EPI répond en partie à cette question en décrivant les pratiques à l'oeuvre, en matière d'enseignement informatique à l'école, dans différents pays. Mais on peut aussi considérer que les rudiments ne servent pas à grand chose, que la compétence technique doit s'acquérir au niveau du supérieur, et pour certains métiers seulement. C'est par exemple ce qu'illustre la création d'un cursus informatique - journalisme qui a récemment ouvert à l'Université Columbia de New York.

Quoi qu'il en soit, les premières promotions de bacheliers ayant bénéficié de l'enseignement informatique et réseaux devraient nous aporter des éléments intéressants pour évaluer la pertinence d'une extension du dispositif... ou un nouvel abandon.


Crédits photos : Stefan Schlautmann et Escapedtowisconsin, Flickr, licence CC.


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