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Publié le 17 mars 2010 Mis à jour le 17 mars 2010

Les auteurs francophones sur la toile : rue des boutiques obscures

Vous avez peut-être reconnu, dans le titre de cet article, le titre d'un roman de Patrick Modiano, romancier français célébré comme l'un des meilleurs de l'époque contemporaine.

Patrick Modiano, Jean Echenoz, Marie N'Diaye, Laurent Gaudé : voici quatre auteurs vivants, tous lauréats du Prix Goncourt qui récompense chaque année une oeuvre romanesque et assure à son auteur une certaine célébrité en même temps que quelques centaines de milliers de ventes en librairie. Les quatre auteurs mentionnés ne sont pas des débutants, ou des météorites passant brièvement dans le ciel littéraire francophone. Non, ce sont des auteurs confirmés, qui publient régulièrement, ont des fans, et dont les textes sont même étudiés dans les lycées et les universités.

Où sont ces auteurs sur la toile ? La mention de leur nom dans un moteur de recherche généraliste apporte des dizaines de milliers de résultats. Mais pas de sites personnels. Les romanciers seraient-ils moins dignes d'attention que les chanteurs, les modèles automobiles ou les films qui disposent de leur nom de domaine ?

Cherchez l'auteur

Nos quatre romanciers bénéficient parfois de sites montés par leurs admirateurs (cas de Patrick Modiano, ci-contre, et de Jean Echenoz, le site consacré à ce dernier n'étant plus mis à jour); certains devront se contenter d'un article dans Wikipedia (cas de Marie N'Diaye), parfois à peine ébauché (cas de Laurent Gaudé).

Les sites des éditeurs ne sont pas vraiment généreux avec les auteurs qui les font vivre. Sur les sites des éditions GallimardLe Seuil et Grasset, la recherche de pages consacrées aux auteurs de la maison est fort décevante. D'autres éditeurs, moins grosses maisons sans doute mais fort appréciées des amateurs de beaux textes, font mieux. Les pages « auteurs » des éditions Viviane Hamy par exemple sont accessibles depuis la page d'accueil. Sur la page consacrée à Fred Vargas on trouvera le minimum vital concernant cette célèbre auteure de romans policiers, adorée des Français. Aux Editions Actes Sud, il faut passer par le moteur de recherche interne pour trouver les pages de présentation des auteurs. C'est là que nous trouverons finalement Laurent Gaudé.

Que penser de cette si faible valorisation des auteurs français ? Hubert Guillaud, qui fut éditeur, est maintenant rédacteur en chef d'Internet Actu et s'intéresse de très près à l'édition numérique, a participé à la Conférence « Tools of Change for Publishing »  organisée par O'Reilly (éditeur en ligne) à New York en février dernier. La présence de l'auteur sur le web figurait parmi les questions abordées, et H. Guillaud en a fait un compte-rendu accessible sur son blogue, dans un billet intitulé TOC 2010 : construire la présence de l'auteur en ligne

D'après ce billet, on constate que les participants semblent s'être mis d'accord sur l'impérative nécessité pour les auteurs d'avoir des sites personnels. Notes d'H. Guillaud : « Le rôle du site web de l’auteur doit d’être un hub de son activité en ligne, le point central de l’information pour les lecteurs, une ressource pour les médias, la clef pour construire la marque de l’auteur. Kirk Biglione insiste : ça commence par l’achat d’un nom de domaine. Seul moyen de construire sa présence et de maîtriser, un tant soit peu, ce sur quoi pointe les premiers résultats d’une requête sur votre nom ».

Effectivement. Nous avons tous fait l'expérience décevante d'entrer le nom d'un auteur connu dans la fenêtre de recherche de Google, et de trouver dans les premiers résultats les sites de libraires, ou à la rigueur un article de Wikipedia... L'auteur reste bien caché. Et que l'on ne dise pas qu'il refuserait d'être présent en ligne sous prétexte de ne pas être assimilé à une marchandise; les milliers d'heures passées à écrire, à déchirer des pages, à raturer, se sont bel et bien transformées en marchandises, et personne n'y trouve rien à redire. L'auteur vit dans son œuvre, mais l'inverse est vrai également : l'œuvre vit dans son auteur, qu'on souhaiterait voir plus présent sur la toile.

Mais ne généralisons pas. Il est possible de rencontrer certains auteurs sur la toile. Bernard Werber, par exemple. Ou Anne Robillard, célèbre auteure québécoise de la saga Les Chevaliers d'Émeraude. Ces auteurs, qui ont un lectorat jeune, disposent de sites officiels très complets, qui transportent immédiatement les internautes dans l'univers de leurs livres, assurant ainsi le continuum recherché par les lecteurs qui ne changent pas d'ambiance en passant du livre au site.

Les auteurs anglo-saxons s'affichent fièrement

La pratique du site personnel d'auteur vient du monde anglo-saxon. Les fans se régaleront par exemple avec les sites de William Boyd (Grande-Bretagne), de Jim Harrison (Etats-Unis), et bien sûr de J.K. Rowling (internationale, ci-contre), la maman de Harry Potter, qui bénéficie d'un site en sept langues fort bien animé.

Ces exemples montrent qu'il ne peut ici y avoir de distingo entre la « grande » et la « petite » littérature. Certains auteurs respectés des universitaires et critiques littéraires ont un site officiel, et d'autres n'en ont pas, y compris dans le monde anglo-saxon (c'est le cas par exemple de Paul Auster, qui bénéficie toutefois d'un magnifique site de fan). La majorité des auteurs dits « populaires » ont un site officiel, mais là encore l'on ne saurait généraliser. La distinction tient davantage à l'aire culturelle d'appartenance des auteurs. Globalement, les Anglo-saxons sont mieux représentés sur la toile que les francophones. Et l'on entend encore des gens se plaindre de l'omniprésence de la culture nord-américaine sur Internet ? Il faut savoir ce que l'on veut.

Le billet d'Hubert Guillaud fournit de nombreuses pistes aux auteurs et à leurs éditeurs pour créer des sites intéressants, en forte interactivité avec les lecteurs. Si certains auteurs se sentent peu à l'aise pour alimenter régulièrement le site qui leur est consacré, ils peuvent dédier ces tâches à leurs fans, ou à leur assistant s'ils en ont un.

Personne ne se plaint de l'existence d'un site appelé Victor Hugo. On attend toujours patrickmodiano.fr ou mariendiaye.eu. .



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