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Publié le 25 mai 2010 Mis à jour le 25 mai 2010

La question redoutable des effets des TICE sur l'apprentissage

Le mercredi 10 mars, l'éditeur d'ouvrages pédagogiques Retz et le magazine Sciences humaines organisaient un forum portant un titre déjà familier aux pédagogues : Le numérique va-t-il bouleverser les pratiques pédagogiques ?

Parmi les nombreuses vidéos des conférences en ligne, nous avons retenu celle d'André Tricot, dont les travaux de recherche portent sur les apprentissages et la recherche d’information avec des documents hypermédias, selon une approche cognitive et ergonomique.

Sa synthèse sur la question classique des apports et des limites des TICE en matière d'apprentissage est tout à fait éclairante et constitue une brique solide qui permettra à chacun de faire une pause dans l'inflation de discours messianiques autour des outils dans l'éducation d'aujourd'hui. 

Cette brique est décomposable grâce à une animation en Flash, où chaque séquence est ré-écoutable , re-visionnable en regard du diaporama qui l'accompagne. Merveille déjà bien classique, me direz-vous, mais merveille dont on ne saluera jamais assez la simplicité et l'efficacité !  Ajoutons que la valeur est autant dans la fonctionnalité que dans l'intelligence du parcours, rigoureux, accessible, le modèle de l'étayage. Où l'on comprend que la médiatisation est bien liée au message et au contenu, au style de l'orateur.

Un retour sur l 'histoire des technologies

André Tricot rafraichit un peu les esprits échauffés par les délires des marchands de produits « révolutionnaires » et replace les outils numériques dans la longue chaine des outils apparus depuis... 6000 ans, lorsque l'homme s'est mis à les utiliser pour inscrire des données sur des supports afin d'échanger, de communiquer et de stocker des connaissances. Au fil du temps, avec le passage à l'ère industrielle, l'imprimerie exigera une certaine normalisation orthographique et grammaticale et internet intervient alors comme ultime outil d'externalisation de la mémoire.


Schéma histoire TICE

Le chercheur en psychologie qu'il est rappelle qu'il y a deux sortes de connaissances, celles que l'on apprend de façon implicite, sans effort, en grandissant, et celles justement qui sont liées aux TIC au sens large, que l'on apprend à l'école.

Au passage, il est toujours utile de reprendre sa définition de  l'apprentissage : 
- la capacité d'un organisme à s'adapter à un environnement d'abord,
- et parce que cette capacité n'est pas suffisante pour nos technologies du savoir, la capacité à acquérir les normes spécifiques aux outils de connaissance comme l'écriture.

L'école pour quoi faire ?

Et pour cela, on a besoin de l'école, on a besoin d'enseignants, on a besoin d'une institution qui détermine des lieux, des temps et des tâches. En psychologie cognitive, on sépare bien les connaissances primaires (acquises « naturellement » par imprégnation et adaptation) des connaissances secondaires (nécessitant des efforts, de la motivation et un enseignement explicite).

La question est d'abord de savoir si les technologies améliorent l'apprentissage, et sur ce point la réponse est paradoxale : on stocke à l'extérieur, dans les livres, les cahiers, les encyclopédies des connaissances pour ne plus avoir à les mémoriser mais on a besoin d'apprendre les techniques qui nous permettent de les lire et de les comprendre. Certains apprennent plus facilement que d'autres, et pas forcément ceux qui maîtrisent les outils numériques.

Depuis une vingtaine d'années en tous cas, qu'en est-il des effets constatés des TIC sur l'apprentissage ?

Il faut distinguer les changements induits par le changements de supports et ceux induits par le type d'application.

Passer du papier aux documents en ligne : une richesse motivante mais perturbante

Si une bonne partie de l'efficacité tient à l'effet de mode, à la séduction de la nouveauté, la diversité introduite par le multimédia a des impacts positifs sur la motivation. Cependant, il faut bien signaler les effets discriminants du changement de support :

La richesse à priori apporte des choses mais elle apporte avant tout des difficultés de traitement. Pour être capable de traiter l'abondance d'informations, il faut des habiletés, des stratégies qui correspondent à des stades cognitifs supérieurs. Ceux qui en bénéficient le plus sont les meilleurs élèves.

Le multimédia est un univers à la fois fabuleux et complexe. André Tricot montre bien à travers l'exemple d'une tâche classique de traitement de documents multi-sources (un même thème d'actualité vu par différents medias) que l'activité requiert des compétences que le jeune lecteur moyen  est très loin de posséder. 

Comprendre une collection de documents ne peut se faire qu'à partir d'un modèle des sources (pourquoi untel a dit ça, à partir de quoi il le dit ?).

Descendre au cas par cas : on ne prête qu'aux riches

Il examine tour à tour chacune des applications suivantes : ludo-éducative (serious game), exerciseur, hypermédia, micromonde, plate forme d'apprentissage  collaborative, documents électroniques (MP3, TBI, diaporamas)  simulation, tuteur intelligent, projet pédagogique impliquant une réalisation TICE.

Assez sévère sur les « serious games » ( on n'a pas trouvé à ma connaissance une seule étude empirique, avec une méthodologie scientifique, qui montre un effet positif sur l'apprentissage) il leur concède un intérêt pour la motivation.

Si les exerciseurs donnent l'impression d'un apprentissage en autonomie, là aussi il précise que les études sur le sujet révèlent qu'en grande majorité, les étudiants survolent les QCM et les exercices interactifs et n'apprennent pas vraiment.

Quant aux tâches données sur de sites web culturels, elles sont particulièrement difficiles à exécuter et les élèves ont besoin d'un tel étayage méthodologique de la part du professeur, l'exploration est tellement guidée que ce n'est plus de l'exploration.

Dans les plates-formes de type Moodle, les résultats sont décevants par rapport au présentiel, et les compétences requises, d'ordre organisationnel (gestion du temps, découpage des tâches) sont une fois de plus hors de portée de bon nombre d'apprenants.

Le même problème se pose avec les documents comme les fichiers MP3, les diaporamas, les ressources pour les TBI : l'élève doit maitriser des stratégies complexes.

Très réservé enfin sur les tuteurs intelligents (systèmes censés interpréter les erreurs faites par l'élève), il ne connait aucune application convaincante.


Importance du contexte

Loin de répondre à la question du bouleversement des pratiques par les outils, trop générale, cette communication est une invitation à considérer le contexte, à analyser chaque situation d'enseignement et d'apprentissage en rapport avec des outils précis, à faire le bilan rigoureux des avancées en partant  toujours des pratiques enseignantes. Et André Tricot de conclure :

Il faut plutôt se demander en quoi telle pratique enseignante est susceptible d'intégrer telle application.

Quels sont les apports et les limites des TICE en matière d'apprentissage ? Conférence d'André Tricot, Forum Retz-Sciences Humaines, 10 mars 2010.


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