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Publié le 27 octobre 2009 Mis à jour le 27 octobre 2009

Professeurs de maths : de l'utilisation à la cocréation des ressources numériques

Les ressources en ligne pour l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques foisonnent (d'après les auteurs de l'article cité ci-dessous, on en compte plus de 15 millions aujourd'hui). Comment les enseignants peuvent-ils les utiliser en classe ? Michèle Artigue (Université Paris 7) et Ghislaine Gueudet (IUFM Bretagne) font part des analyses réalisées à partir d'expérimentations, dans une communication faite lors de l'Université d'été 2008 de la DGESCO (Direction générale de l'éducation scolaire, Ministère de l'Education nationale).

Les chercheuses notent en premier lieu que les enseignants en mathématiques utilisent bien d'avantage les ressources en ligne que les logiciels de mathématiques, tels que les logiciels de géométrie dynamique ou les logiciels de calcul formel. Cet appel aux ressources en ligne intervient aussi bien lors du travail documentaire (préparation de cours) qu'en classe. Pourquoi ces ressources ont-elles un tel attrait ? Au-delà du "confort d'enseignement" acquis grâce à ces ressources, qui permettent un investissement plus important des élèves que les traditionnels exercices papier-crayon, les chercheuses ont souhaité mesurer l'impact de l'utilisation de telles ressources sur les apprentissages des élèves et les pratiques pédagogiques des enseignants.

Deux expérimentations, aux résultats fort différents

Les deux chercheuses ont participé à deux expérimentations d'usage de ressources en ligne en cours de maths.

Création d'une banque d'exercices, utilisation de la ressource intégrée à un scénario pédagogique.

La première concerne l'usage de ressources en ligne proposées par Mathenpoche (communauté Sésamath), visant l'apprentissage des proportionnalités, avec des élèves de CM2 (fin du cycle primaire) et 6e (première année de secondaire). Il s'agissait bien là d'évaluer les apprentissages réalisés (et non pas seulement la consolidation ou l'entraînement sur des notions déjà vues en classe) par le biais de l'usage des ressources en ligne, usage inscrit dans un scénario pédagogique de 9 heures sur ce sujet. Les élèves ont travaillé pendant plus de la moitié du temps sur les resosources en ligne, une banque d'exercices accompagnée de cours et de commentaires. Les chercheuses ont eu la possibilité de créer elles-mêmes les exercices proposés aux élèves, car elles n'étaient pas entièrement satisfaites de ceux qui existait dans la banque de Mathenpoche.

Leur évaluation de l'expérimentation est très positive : les élèves ont effectivement acquis de manière visible des connaissances nouvelles, ont pu les identifier et les reformuler. Les chercheuses insistent là sur le fait que le fait de pouvoir créer les resosurces les mieux adaptées s'est avéré essentiel, et que la communauté d'auteurs de Sésamath est fort réactive lorsqu'ils'agit d'intégrer les modifications issues de l'usage.

Evaluation des usages d'une ressource préexistante utilisée en soutien scolaire.

La seconde expérimentation était d'une tout autre ampleur, puisqu'elle concernait 4 000 lycéens et 130 enseignants de la région Ile-de-France. Le but était ici d'une part d'évaluer la pertinence du choix de ressources pédagogiques mathématiques en ligne pour des élèves ne pouvant, pour des raisons économiques, bénéficier des cours de soutien auxquels les familles aisées font si souvent appel; d'autre part, d'analyser les scénarios d'usage de ces ressources créés par les enseignants.

A partir de leur usage personnel de la ressource, de l'observation des comportements des élèves et des pratiques des enseignants, les chercheuses ont évalué la ressource sur trois critères : utilisabilité (facilité d'utilisation), utilité (le fait que la ressource permet d'apprendre ce qu'elle est censée faire apprendre), acceptabilité (compatibilité de la ressource avec les contraintes, les objectifs des apprenants et de l'institution de formation). Leur évaluaiton est plutôt sévère : la ressource s'est révélée utilisable, mais peu utile et encore moins acceptable. Précisons que cette phase de l'expérimentation s'est déroulée en 2004 et que le produit évalué (Paraschool) n'était pas aussi complet et sophistiqué qu'il l'est aujourd'hui. Mais les principaux défauts de cet outil méritent d'être détaillés : le modèle pédagogique choisi est on ne peut plus classique, transmissif - explicatif. Les exercices proposaient principalement des réponses sous forme de QCM, ce qui invitait les élèves à trouver la bonne réponse (voire à la mémoriser d'une fois sur l'autre jusqu'à obtenir un résultat juste et donc, un bon score) plutôt qu'à la produire. La médiatisation était pauvre, essentiellement écrite, sans appel à des outils de visualisation ou d'animation, ni à des outils mathématiques spécifiques.

L'observation des comportements des élèves et des usages des enseignants a confirmé cette relative inadaptation de la ressource aux objectifs poursuivis. Ce type de ressource est utilisé "a minima" par les élèves, qui se contentes de réaliser rapidement les exercices et n'utilisent ni les aides, ni les commentaires. Les enseignants n'avaient pas d'utilisation suivie de la ressource et l'intégraient peu à leur progression de cours.

Les choses ont radicalement changé quand les enseignants volontaires ont eu la possibilité de participer à la création de nouveaux exercices, auprès de concepteurs de l'IREM (Institut de recherche sur l'enseignement mathématique). Les nouveaux exercices proposaient des modes de résolution plus variés, des outils mathématiques spécifiques étaient utilisés, des outils de travail collaboratif ont été mis à la disposition des élèves... Et Paraschool, stimulé par l'évaluation très moyenne de son produit, y a également apporté des amélorations substantielles.

Tous les enseignants devraient être capables de créer des ressources en ligne

Sur la base des résultats de ces expérimentations et d'autres recherches en cours, les chercheuses soutiennent qu'une ressource est d'autant mieux utilisée en cours de mathématiques qu'elle est évolutive, adaptable en fonction des retours des utilisateurs. Et à ce niveau, l'édition web offre un avantage incomparable face à l'édition papier : "Une ressource y semble systématiquement conçue comme un objet destiné à évoluer, dans une dynamique qui va faire interagir concepteurs et usagers. Il s’agit donc moins de proposer d’emblée l’objet le plus abouti possible que de proposer un objet qui soit à la fois suffisamment abouti, et susceptible de permettre l’échange fructueux, d’amorcer la dynamique évolutive. Il s’agit de profiter de la multiplicité des retours d’usage qu’autorise la technologie en un temps court et de la facilité qu’il y a à implémenter certaines au moins des modifications suggérées. Il s’agit aussi de construire les partenariats qui vont pouvoir donner lieu à des évolutions productives".

Les auteurs insistent vigoureusement sur l'impérative nécessité de la formation des enseignants à la création de ressources. C'est à ce niveau, disent-elles, que se situe la véritable valeur ajoutée des ressources numériques vis-à-vis des ressources papiers, dont elles sont complémentaires. Plus que de savoir repérer les ressources pertinentes ou même de les intégrer adéquatement dans des scénarios pédagogiques, les enseignants doivent savoir produire des ressources, en les créant de toutes pièces ou en adaptant les resosurces préexistantes. Nous sommes là dans une fonction centrale du métier de l'enseignant, à savoir sa capacité à réutiliser ce qu'ont fait les autres, à transformer l'existant, à agglomérer des ressources issues de différentes sources et surtout, à les adapter en fonction de leurs propres utilisations. Cette adaptation permanente constitue sans aucun doute une cause majeure du succès de Sésamath, dont le site reçoit plus d'un million de visites par mois, dont les auteurs (plusieurs milliers) font preuve d'une remarquable réactivité et d'un esprit d'innovation constant.

La création de ressources pédagogiques numériques devrait donc faire partie de la formation de tout enseignant. Les auteurs insistent également sur l'accompagnement méthodologique indispensable auprès des jeunes enseignants, pour qu'ils acquièrent ce réflexe créatif. Nul doute alors que des enseignants rompus à la création de leurs propres ressources, intégrés dans une communauté active, n'acquièrent en plus de remarquables capacités à évaluer les ressources préexistantes qui foisonnnent sur la toile.

Ressources en ligne et enseignement des mathématiques. Communication de M. Artigue et G. Gueudet, 2008, téléchargeable en pdf.


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