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Publié le 22 avril 2009 Mis à jour le 22 avril 2009

Comparaison transatlantique sur l’usage des TICE

La publication en quelques semaines de trois articles consacrés à l'intégration des TIC dans le monde éducatif aux Etats-Unis, au Québec et en France permet d'intéressantes comparaisons.

Etats-Unis : encore des barrières humaines et techniques à l’utilisation des TICE

Aux Etats-Unis, une enquête a été menée en février et mars derniers auprès des responsables des technologies dans 500 districts scolaires (unité territoriale de l’administration scolaire aux Etats-Unis). Cette enquête visait à mieux connaître les usages effectifs des technologies dites du Web 2.0 dans les établissements. Une synthèse des résultats est disponible sur eSchool News, journal en ligne gratuit.

Ces résultats font apparaître que la plupart des établissements utilisent les TICE pour :

  1. Mieux prendre en compte les besoins individuels des élèves;
  2. Renforcer l’intérêt des élèves pour les apprentissages ; 
  3. Accroître les possibilités d’accès des élèves aux apprentissages et aux enseignements.

Bien entendu, tous les établissements n’en sont pas au même point, en matière d’utilisation des outils du Web 2.0. Mais la majorité d’entre eux utilisent malgré tout régulièrement les outils de communication, avec les élèves et les parents. Une large part des enseignants utilise aussi fréquemment les outils numériques multimédias pour enrichir leurs cours et les travaux à réaliser par les élèves.

En revanche, les pourcentages d’utilisation baissent dès qu’il s’agit d’outils permettant aux enseignants de générer leurs propres contenus et, surtout, d’utiliser les réseaux sociaux à des fins pédagogiques. L’utilisation des réseaux sociaux est entravée par différents freins : manque de formation des enseignants à l’utilisation de ces outils dans le cadre de leur métier ; manque d’intérêt des enseignants pour ces outils, dont ils ne voient pas la valeur pédagogique. Les barrières technologiques tiennent aux craintes en termes de sécurité des données et des échanges, ainsi qu’au manque de support technique, notamment de personnel spécialisé.

Mais ce sont pourtant bien les enseignants qui réclament une utilisation des différents outils, notamment de ceux qu’ils utilisent peu. Preuve, s’il en est besoin, qu’ils ne manquent pas d’intérêt, mais d’accompagnement, pour exploiter plus largement les possibilités offertes par les outils numériques dans un cadre éducatif. On constate là que le mouvement suit une dynamique du bas vers le haut, des utilisateurs de terrain vers les administrateurs et décideurs. On ne s’en étonnera pas, dans la mesure où ce sont effectivement les enseignants qui ont à faire, au quotidien, avec le désintérêt croissant des élèves pour les supports papiers…

Québec : les enseignants pionniers s’épuisent

Comment, alors, comprendre le virulent article publié sur Infobourg au début du mois d’avril 2009, qui en appelle à un « plan numérique pour le Québec » et donc, à un effort accru de la part de l’administration en matière d’encouragement de l’utilisation des TICE ? C’est sans doute parce que les animateurs de ce site sont bien conscients de la très petite minorité d’utilisateurs effectifs des outils… L’intégration des TIC à l’école semble, pour l’auteure de l’article qui cite de multiples sources, patiner : « La « non intégration » a de multiples causes : enseignants non intéressés ou craintifs de l’utilisation des technologies, non accès à des ordinateurs ou au matériel, rigidité de gestion des ordinateurs dans une école, blocage de sites Web ou d’outils technos, bande passante insuffisante ou surprotégée, etc. De « bonnes raisons » qui sont de moins en moins valables, et souvent même incompréhensibles ». Le problème viendrait-il alors d’une trop faible motivation de la part du Ministère de l’Education et des commissions scolaires ? Le Ministère est en effet montré du doigt : « Que peut-on attendre d’un ministère qui se fait répéter que les technologies doivent jouer un rôle dans l’apprentissage des jeunes (Rapport Ouellon, Rapport de l’ACSAQ), mais qui ne prend aucune initiative en matière de technologie? »

L’auteure cite a contrario les initiatives du Ministère français de l’Education nationale, et notamment sa volonté d’équiper toutes les écoles rurales d’ordinateurs, ou encore la création du label Ecoles Internet. Certes, l’herbe est toujours plus verte dans le champ du voisin…

France : des ordinateurs à l’école, oui, mais des utilisateurs… pas beaucoup.

Car, vu du champ français, la prairie semble un peu moins vigoureuse. En fait, l’herbe commence à peine à pousser. C’est la situation que décrivent deux articles récents du Monde. On lira par exemple dans l’un d’entre eux : « Les technologies actuelles semblent donner raison au discours tenu il y a dix ans annonçant, avec l'ère du numérique, la fin de l'enseignement traditionnel, l'éclatement de la classe, et la disparition du découpage de la semaine en juxtaposition de séquences horaires non poreuses entre elles. Le tableau de l'école du futur est convaincant. Il est possible aujourd'hui, il existe même, mais à l'état de fragments et reste extrêmement minoritaire ». 

Car l’équipement ne fait pas tout. Certes, la France a consenti un effort très important pour équiper ses écoles en ordinateurs fixes et portables : « les conseils généraux pour les collèges et les conseils régionaux pour les lycées consentent de gros efforts financiers et l'on considère aujourd'hui que nombre d'établissements scolaires sont suffisamment équipés. Mieux : dans les Landes, les Bouches-du-Rhône, l'Ille-et-Vilaine, rejoints ce mois d'avril par l'Oise, les conseils généraux ont équipé les élèves et leurs professeurs des classes de 4e et de 3e d'ordinateurs portables individuels. On a constaté que le développement des usages scolaires qui en avait résulté était sans commune mesure avec la hauteur de l'investissement consenti ». 

Pourquoi, mais pourquoi donc, les enseignants français n’utilisent-ils pas d’avantage les beaux outils tout neufs mis à leur disposition ? Selon certains spécialistes cités dans l’article, la raison tient à l’incompatibilité de la culture scolaire française avec ces technologies trop fortement reliées, dans l’imaginaire collectif, à la culture anglo-saxonne… Diable, l’utilisation des TICE serait-elle une affaire de géographie ? Et nos amis Québécois, plutôt que de tourner leur regard vers la France, devraient-ils plutôt baisser les yeux vers leur grand voisin du continent nord-américain ?

Et si on parlait de pédagogie ?

La géographie n’a évidemment rien à voir avec l’intégration des TIC à l’école. Cette rapide comparaison de trois analyses suffit à le montrer. De plus, tous les observateurs s’accordent à admettre que les jeunes, quelle que soit leur aire géographique, utilisent massivement ces outils technologiques. Prenez le bus à Cleveland, à Lyon ou à Sherbrooke, vous y verrez des ados qui hochent la tête au rythme de la musique par leur baladeur ; qui préparent leurs exposés grâce à Wikipedia ; qui tapent leurs SMS tout en se brossant les dents. 

Alors, si on parlait plutôt de pédagogie, et de mission conservatrice de l’école ? Le Monde relève ce qui constitue le credo de Thot – Cursus : les TIC ont provoqué une réflexion sur les modalités d’apprentissage et le rôle de l’enseignant, y compris dans l’enseignement supérieur. Grâce à toutes les ressources en ligne, souvent d’excellente qualité (et à condition de savoir les trouver et d’en autoriser l’usage…), les enseignants peuvent se concentrer sur l’accompagnement des élèves. Pour nombre d’entre eux, c’est un domaine dans lequel ils s’estiment, à juste raison, compétents, et qui leur procure de grandes satisfactions; ce qui, en retour, augmente encore leur efficacité.

Quant à la mission conservatrice de l’école, il ne faut ni la nier, ni la critiquer : pourquoi l‘école devrait-elle embrasser toutes les nouveautés ? Sa fonction est bien d’accompagner les élèves dans l’acquisition d’une culture commune, d’un patrimoine permettant de ne pas sans cesse réinventer la roue, de s’appuyer sur le passé pour créer l’avenir. Elle est également de les aider à acquérir l’autonomie, l’adaptabilité et le sens du « vivre et apprendre ensemble » qui leur permettra de continuer à apprendre tout au long de leur vie. Si la première mission semble totalement intégrée, la seconde l’est moins, tant la fonction sociale de l’école se confond aujourd’hui avec une fonction de sélection, plutôt que d’intégration. On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, que les outils sociaux basés sur l’échange, le partage et le lien aient du mal à y entrer.

Mais restons optimistes : la cause des TIC avance partout, avec ou sans injonction gouvernementale, toujours avec beaucoup de motivation, et toujours enfin sous la pression tranquille des jeunes. Comme le dit Le Monde : « Le changement annoncé prendra du temps mais il est inéluctable et le pessimisme n’est pas de mise ». 

eSchool News : Survey shows barriers to Web 2.0 in schools (article intégral accessible après inscription gratuite sur le site).

Infobourg : Intégration des TIC, quelle intégration ?

Le Monde :

École numérique : la révolution tranquille

Etudiants et professeurs adoptent volontiers une « Wiki attitude » . 


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