L'OCDE a pubié en septembre 2009 sa nouvelle édition du rapport Regards sur l'éducation. À cette occasion, le magazine britannique Times Higher Education a rendu compte des réflexions de Philip Altbach, directeur du Centre international pour l'enseignement supérieur au Boston College (Etats-Unis) sur un point particulier du rapport de l'OCDE, à savoir la massification de l'accès à l'enseignement supérieur partout dans le monde.
P. Altbach pointe que la progression de l'accès aux études supérieures a été de 4,5 % par an depuis 1998 en moyenne dans les pays de l'OCDE, et même de 7 % par an dans des pays comme l'Espagne et la Turquie.
Dans les pays de l'OCDE, une personne sur trois en moyenne possède désormais un diplôme de l'enseignement supérieur, une sur deux au Canada, en Corée du Sud et au Japon.
Cette massification de l'enseignement supérieur pose une question cruciale : qui paie ?
Les Etats paient, mais pas assez
Les États de l'OCDE ont incontestablement fourni un effort financier considérable, mais P. Altbach note malgré tout que la part du financement public des établissements d'enseignement supérieur est passé de 78 % en 1995 à 72 % en 2006. Les financements publics ont donc cru moins vite que les besoins générés par l'augmentation rapide du nombre d'étudiants. A l'inverse, les familles ont vu augmenter le montant de leurs contributions. Nous sommes donc devant une nouvelle répartition des financements publics / privés pour l'accès aux études supérieures, avec accroissement régulier de la part des financements privés.
Car le montant des frais d'inscription n'a pas baissé pour autant, loin de là. Le rapport de l'OCDE souligne que seuls quelques pays du Nord de l'Europe résistent à l'augmentation des frais de scolarité. La France fait partie de ce groupe et se voit d'ailleurs encouragée par l'OCDE à augmenter le montant des frais de scolarité, pour accroître les financement disponibles et améliorer ainsi les conditions d'accueil des étudiants, déplorables dans de nombreuses universités publiques.
P. Altbach se félicite certes de l'accroissement du nombre d'étudiants dans tous les pays de l'OCDE, mais alerte sur la nécessité d'accompagner les étudiants jusqu'à leur diplôme. Son pays, les États-Unis, connaît en effet sur ce point de sérieuses difficultés : s'il effectue un excellent travail pour favoriser l'accès aux études supérieurs, il n'est pas en mesure d'assurer un niveau de diplômation équivalent. L'important taux d'échec ou d'études inachevées au États-Unis fait chuter ce pays de la deuxième à la quatorzième place du classement de l'OCDE, entre 1995 et 2007. Dans le même temps, la Finlande passait de la dixième à la troisième place.
La Finlande fait précisément partie des pays dans lesquels les frais d'études supérieurs sont bas. Alors qu'aux États-Unis, les études supérieures coûtent une vraie fortune, dont la plus grande partie est à la charge de l'étudiant et de sa famille. Comment s'étonner alors que de nombreux étudiants ne puissent aller jusqu'au bout de leur cursus ?
La Californie en banqueroute, l'éducation trinque
Et les choses ne semblent pas prêtes à s'arranger, dans un contexte de crise économique persistante. L'état de Californie, qui est le plus endetté des états américains, a effectué des coupes sombres dans ses subventions aux Universités et Collèges. Ce qui s'est traduit, entre autres choses, par une augmentation de 9 % des droits d'inscription à l'Université de Californie, en attendant l'augmentation de 30 % qui interviendra l'an prochain. Dès cette année, les Community Colleges ont du augmenter eux aussi leurs droits d'inscription de 30 %.
Pourtant, le rapport de l'OCDE souligne que l'investissement dans l'enseignement supérieur est une bonne affaire. P. Altbach reprend les chiffres avancés : un diplômé de l'enseignement supérieur peut s'attendre à un gain brut de 186 000 dollars sur l'ensemble de sa vie professionnelle, par rapport à une personne ayant arrêté ses études à la fin du secondaire. Globalement, l'investissement public dans l'enseignement supérieur rapporte environ deux fois la mise initiale. Il s'agit donc d'un investissement rentable, dit P. Altbach, et les États ne doivent pas se désengager.
L'enseignement à distance constituerait-il un élément de solution pour accueillir un nombre croissant d'étudiants, sans pour cela faire peser sur eux des frais excessifs ?
Les campus virtuels, solutions anti-crise ?
Christopher Edley, doyen de l'école de droit du campus de Berkeley,
appartenant à l'Université de Californie, le pense. Il milite pour la
création d'un onzième campus à l'Université de Californie, un campus
virtuel. Ceci, pour que les étudiants les moins avantagés
financièrement (principalement issus des minorités) puissent
suivre des études de haut niveau sans supporter des frais de vie qui
alourdissent considérablement le coût des études. C. Edley souligne
d'ailleurs que de nombreux étudiants ont préféré s'inscrire à
l'Université de Phoenix qui distribue tous ses cours en ligne, plutôt
qu'à l'Université de Californie, précisément pour limiter leurs frais
d'entretien. C. Edley est bien sûr conscient des résistances que lui
opposeront ses collègues enseignants, peu habitués au e-learning, mais
il estime qu'il s'agit là d'une des rares solutions permettant
d'assurer un minimum de justice sociale au système universitaire
californien.
Toutes les Universités devraient se pencher sur la proposition de M. Edley, qui constitue un élément de réponse aux inquiétudes et interrogations de M. Altbach. Plus largement, aucun État ne peut raisonnablement couper les vivres à l'enseignement supérieur, dans un environnement qui exige la formation tout au long de la vie et des savoirs en renouvellement rapide. S'ils ne trouvent pas des solutions, des millions de diplômés manqueront à l'appel dans quelques années.
Regards sur l'éducation, OCDE, édition 2009. pdf.
Big time : welcome to the age of « mass access » worldwide, Times Higher education, Grande-Bretagne, septembre 2009
Budget cuts devastate California higher ed. eSchool news, Etats-Unis, août 2009
Online Campus could solve many U. of California problems, a Dean says. The Chronicle of Higher education, Etats-Unis, juillet 2009
Voir plus d'articles de cet auteur