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Publié le 11 mai 2010 Mis à jour le 11 mai 2010

Le crowdsourcing, pratique controversée

En 2006, Jeff Howe du magazine Wired écrivait ceci dans un article intitulé The Rise of Crowdsourcing : "Vous vous rappelez l'externalisation ? Déplacer des emplois en Chine ou en Inde est tellement dépassé. Désormais, voici le nouveau bassin de main d'oeuvre pas chère: des gens ordinaires qui utilisent leur temps libre pour créer du contenu, résoudre des problèmes et même faire du marketing pour des entreprises."

Le crowdsourcing mot-valise difficilement traduisible en français (on peut néanmoins tenter "approvisionnement par les foules") est devenu depuis 4 ans une pratique en vogue. Il intéresse bien des entreprises et secteurs économiques qui voient cette collaboration de masse qui ne coûte (presque) rien comme une bénédiction. Un phénomène intrigant qui amène son lot de questions et de critiques, mais qui apporte une nouvelle idée: et si la personne ordinaire avait un impact sur la manière de faire des affaires en 2010 ?

Le crowdsourcing pour les nuls

Réglons toute de suite la question pour celui ou celle qui ne comprendrait toujours pas le principe du crowdsourcing. Il suffit de regarder cette image créée par Daren C. Brabham pour le compte de Wikipédia:

Voici la traduction française de ce schéma:

  1. Une compagnie a un problème.
  2. Elle communique celui-ci en ligne.
  3. On demande à la "foule numérique" de trouver une solution.
  4. Les gens soumettent leurs idées.
  5. Ils votent pour la (les) meilleure(s).
  6. La compagnie récompense ceux qui ont trouvé les solutions gagnantes.
  7. Elle s'approprie celles-ci.
  8. Elle fait des profits.

Il ne faudrait pas croire cependant que le crowdsourcing ne sert qu'à des entreprises commerciales. En fait, plusieurs sollicitaitons de la foule ont été réalisées dans d'autres buts. Par exemple, rappelons l'initiative des 7 nouvelles merveilles du monde qui s'est déroulée en 2007. En effet, sur la période allant jusqu'au 7 juillet 2007 (07/07/07), les Internautes du monde entier étaient conviés à voter sur les bâtiments et lieux  qu'ils considéraient comme les 7 merveilles du monde moderne. D'ailleurs, une autre période de vote est en cours jusqu'en 2011 sur le site officiel de l'initiative pour que les internautes se prononcent sur les 7 merveilles du monde naturel.

Autre exemple de crowdsourcing dont nous avons parlé sur Thot, le jeu en ligne Evoke où des gens ordinaires sur la toile sont invités à partager leurs opinions sur l'avenir de la planète, à partager des solutions et à discuter entre eux sur ces sujets. Bien qu'elle soit réalisée dans un contexte de jeu, cette intiative permettra de proposer des pistes de réflexions lors de colloques politiques à venir sur l'avenir des pays en voie de développement.

Des changements importants, particulièrement pour le tourisme

Mais les entreprises restent les premières intéressées par cette nouvelle forme de résolution de problèmes. L'implantation du crowdsourcing bouleverse les habitudes des différents secteurs économiques en question.

Le journalisme, par exemple, a adopté cette nouvelle pratique. C'est le cas notamment du Guardian, quotidien britannique. En effet, dans une section réservée sur son site, la rédaction invite les lecteurs à déceler dans des documents les dépenses des membres du gouvernement qui pourraient être jugées scandaleuses ou questionnables. À l'heure actuelle, plus de 25 000 personnes ont analysé près de la moitié du contenu qui comprend environ 460 000 fichiers.

Le secteur touristique est l'un des plus gros utilisateurs. Comme le révélait Michèle Laliberté dans son analyse pour la Chaire de tourisme Transat de l'UQÀM, de nombreux organismes touristiques se sont tournés vers le crowdsourcing pour améliorer l'offre à la clientèle et, du même coup, se faire une bonne publicité:

  • Airbus propose, depuis 2008, le concours "Fly your ideas" pour améliorer l'aviation mondiale, ses impacts sur l'environnement, l'offre de services, etc. La troisième édition commencera d'ailleurs en juillet prochain.
  • L'agence de voyages YokmoK, quant à elle, propose des voyages exploratoires. Au lieu d'envoyer ses propres employés tester un nouvel itinéraire, elle invite des clients à participer, donner leurs avis et peut ainsi proposer des nouveaux voyages correspondant au goût des consommateurs.
  • iBAHN, un spécialiste des solutions Internet et du divertissement numérique dans le milieu hôtelier, a demandé aux Internautes quels seraient les services désirés dans leur chambre d'hôtel idéale ("Our hotel room"). Plus de 1000 personnes ont participé et les résultats se trouvent sur ce site.

En fait, la montée du crowdsourcing et l'impact des avis des clients sur les prestations touristiques sont devenus si importants qu'on a développé un dérivé expressément pour ce secteur: le guestsourcing (dont on peut voir quelques démonstrations ici). Les entreprises, surtout dans ce domaine, n'ont pratiquement plus le choix. Un article de l'Entrepreneur explique clairement que si les compagnies n'emboîtent pas le pas, elles seront de toute façon victimes du crowdsourcing puisqu'il y a déjà de nombreux sites Internet sur lesquels les gens commentent et notent les compagnies aériennes, les agences de voyages et les prestataires d'hébergement.

Des questionnements, des critiques, mais aussi un potentiel pour l'avenir

Bien sûr, cette sous-traitance bon marché laisse perplexe certains acteurs qui voient le crowdsourcing comme de l'exploitation 2.0. Par exemple, des traducteurs sont inquiets de voir que désormais des entreprises commerciales font traduire leur site pour presque rien par les visiteurs. Cela explique notamment pourquoi Facebook est désormais disponible en français, en allemand ou en espagnol, sans que la compagnie californienne n'ait eu à débourser un sou.

D'autres, au contraire, voient des opportunités immenses pour le monde du travail et des entreprises. Le fondateur de CrowdSpirit (un site de crowdsourcing francophonea écrit un texte où non seulement il réfute les critiques sur cette nouvelle manière de faire, mais dans lequel il émet l'opinion suivante: le crowdsourcing influencera positivement la consommation puisqu'elle obligera les compagnies à prendre en compte ce que les gens veulent vraiment. Supposition: si la population désirait et proposait des idées réalisables d'emballages écologiques, les entreprises devraient alors se tourner vers cette option populaire pour conserver leurs clients.

Si le crowdsourcing soulève de nombreuses questions éthiques sur l'utilisation de main d'oeuvre à bas prix qui méritent d'être débattues, il possède également un grand potentiel qui pourrait avoir une influence décisive sur l'économie des prochaines décennies. En fait, même le secteur de la formation pourrait intégrer les idées de ses apprenants pour améliorer l'offre pédagogique.

La question de fond reste bien entendu celle de l'exploitation commerciale des apports de la foule : toutes les organisations ont besoin de l'avis de leurs clients; mais sont-elles autorisées, moralement parlant, à transférer leurs efforts de recherche et développement sur des bénévoles qu'on pourrait considérer comme naïfs, qui leur donneront gratuitement de nouvelles ouvertures commerciales ?

Si, dans un cadre non lucratif, l'apport des foules permet de réaliser de magnifiques projets et est porteur d'innovation, dès que l'argent rentre en jeu, il doit être régulé.


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