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Publié le 04 mai 2010 Mis à jour le 04 mai 2010

Les enseignants et le Web 2.0 : pour travailler ensemble

Ici, première partie de l'entrevue : comment enseigner l'histoire aujourd'hui ?

 

Les outils numériques ont-ils modifié les habitudes de travail des enseignants ?

Bien entendu. Ils ont la possibilité de travailler ensemble, bien plus qu'avant. Et les attitudes des enseignants ont changé.

Les "profs Web 2.0" n'hésitent plus à intervenir sur les travaux de leurs collègues. Pendant longtemps, des enseignants déposaient des séquences de cours, les visiteurs approuvaient, et c'était tout. Maintenant, on construit ensemble : un enseignant lance une idée, tous ceux qui le souhaitent contribuent, on expérimente, on rectifie, et vient enfin le temps de la production finale, stabilisée. Nous avons appris à communiquer et interagir de façon positive. L'agressivité, qu'on trouvait notamment sur les forums, a disparu.

Par exemple, je coordonne un dossier des Cahiers pédagogiques sur le Web 2.0 qui sortira en juin prochain. J'ai sollicité, via Twitter, des collègues pour écrire un article sur les profs et le Web 2.0. Nous avons utilisé Etherpad pour regrouper les contributions , son outil de clavardage pour l'organisation, complété par des séances Skype pour discuter de la mise en forme. Le texte final est beaucoup plus riche que ce que l'un de nous aurait pu écrire seul.

En quoi est-ce important ?

En premier lieu, pour le contact. Personnellement, je doute beaucoup de ma façon d'enseigner, et je ne suis pas la seule... J'expérimente beaucoup en classe, ça rate parfois. Nous ne sommes pas vraiment accompagnés par notre administration sur la mise en oeuvre des nouveaux programmes et le changement de posture professionnelle. Nous nous sentons isolés. Alors, grâce à Twitter, à la communauté Ning Clionautes, je ne me sens plus seule. La pédagogie doit constamment se renouveler, et le réseau est très utile pour cela.

Et le travail collaboratif oblige à s'améliorer en permanence. Avant, au temps des simples dépôts d'objets, on piquait le cours du voisin, on l'adaptait à sa classe, rien de plus. Depuis que nous construisons ensemble, nous approfondissons les sujets, car les autres sont là, on ne veut pas décevoir ou avoir l'air ridicule ! La collaboration nous oblige à nous améliorer sur les contenus et sur la manière d'enseigner. Ces temps de travail collectif, cette relation régulière via Twitter, sont des mises en relation intimes dans notre univers professionnel. Chacun a accès à la boîte noire de l'autre.

Quels sont vos espaces de travail collectif ?

C'est principalement la communauté Ning Clionautes. Il y a plus de 300 membres dans cette communauté.

Mais il y a aussi le site Clionautes, alors pourquoi avoir créé une communauté du même nom ?

Le site Clionautes garde tout son intérêt, notamment pour déposer les productions finalisées. Il y a énormément de visiteurs, il fait partie des communautés "historiques" d'enseignants francophones, avec Sésamath et Weblettres. Aujourd'hui, le site Clionautes illustre bien le débat qui se déroule parmi les enseignants d'histoire-géo, entre ceux qui sont par principe opposés à toute réforme de la discipline (son horaire étant remis en question, notamment au lycée), et les expérimentateurs, les "tuyaunautes", comme on nous a gentiment surnommés. Le site Clionautes a manifestement un rôle politique à jouer.

J'ai ouvert une communauté pour évoluer dans un environnement plus informel, plus dynamique, plus simple aussi pour ce qui est de la production collective. On constate partout que les associations structurées ont du mal à mobiliser des militants actifs, les gens ne veulent pas s'engager sur le long terme, alors qu'ls sont volontaires pour des projets ciblés.

Il s'agit d'une communauté Ning. Cet opérateur vient d'annoncer qu'il allait désormais faire payer les espaces... Quelle est votre position sur ce point ?

Je n'ai pas de position de principe contre le payant. Le problème c'est : qui va payer ? D'énormes communautés informelles se sont construites sur Ning. Nous sommes plus de 300 sur Clionautes, mais Apprendre 2.0 compte 1500 membres, Classroom 2.0  (communauté anglo-saxonne) dépasse les 42 000 membres, et tout ça a été impulsé par une seule personne, qui est formellement "propriétaire" de la communauté, mais n'a aucun statut juridique... Qui va payer ?

Notez-vous un effet générationnel parmi les enseignants, pour ce qui touche à l'utilisation des TICE ?

Non, pas du tout. Beaucoup de jeunes enseignants sont opposés à l'usage de l'ordinateur en classe, qu'ils considèrent comme un élément perturbateur, qui va manger leurs heures de cours. C'est une réaction normale, le jeune enseignant doit d'abord trouver sa propre posture pédagogique et être à l'aise avec sa discipline avant d'envisager d'expérimenter. En plus, il sont saturés de théorie pédagogique, ils veulent simplement enseigner, passer aux actes, sans trop se poser de questions. Les questions viennent avec l'expérience. 

Parmi les enseignants expérimentés, il y a les précurseurs qui ont utilisé l'informatique très tôt. Mais une partie de ceux-ci sont plutôt réticents vis-à-vis des outils du web 2.0, ils trouvent que ça va trop vite, et il y a là-dedans une facilité qui ne leur plaît pas.

Et il y a tous les curieux, de tous âges, qui expérimentent et qui comprennent vite ce que les TICE peuvent apporter à leurs cours. On les retrouve vraiment dans toutes les générations. 

Tout ce travail de réseautage et d'élaboration collective demande du temps. Quelle reconnaissance vous offre l'administration de l'éducation nationale ?

On a coutume de dire que les profs innovants ne sont pas assez reconnus. Ce n'est pas tout à fait vrai. Mais il faut montrer ce qu'on fait, le faire connaître. L'institution est présente sur les réseaux, au travers de comptes Twitter comme @EducationFrance (le ministère de l'éducation nationale), @Usages_TICE (l'agence des usages des TICE au CNDP), les comptes des académies (@acnantes par exemple), et repère des individus actifs, qui sont ensuite sollicités pour des colloques, des formations. Laurence Juin a par exemple présenté l'usage de Twitter aux Inspecteurs généraux de l'éducation nationale, ce n'est pas rien !

En revanche, il est vrai que nos productions ne sont pas valorisées par l'institution tant que nous ne demandons pas une validation par les instances : celle de nos inspecteurs pour une mise en ligne sur les sites académiques, ou celle du ministère au travers du label Reconnu d'Intérêt Pédagogique (RIP).

Avez-vous des contacts avec des collègues à l'étranger ?

Oui, notamment avec des collègues québécois. J'ai eu le plaisir de rencontrer mes "twitterfriends" à Québec voici quelques semaines : Mario Asselin (@MarioAsselin), François Guité (@FrancoisGuite), Nathalie Couzon (@nathcouz), @slyberu Sylvain Bérubé (@slyberu)... c'était formidable. Mais il y a aussi quelques Suisses, des Belges, vive la francophonie !

A l'issue de cet entretien, quel est votre mot de la fin ?

On ne peut plus enseigner sans les TICE. Leur usage est certes inquiétant et déstabilisant, mais c'est efficace, en termes d'apprentissge. C'est donc une erreur que de résister à tout prix à leur utilisation, au moins ponctuelle. De plus, les sources de l'histoire, la méthode d'investigation historique, sont sur Internet.

 

Caroline Joueau-Sion sur Internet :

Compte Twitter : @cjouneau

Page Facebook

Son blogue Pedagotice

 

La communauté des Clionautes :

Le site des Clionautes, avec ses sections Collège et Lycée

La communauté Ning Clionautes

Un exemple de travail collectif dans cette communauté : la co-formation à l'heuristique

L'ensemble des sites animés par l'association des Clionautes

La page Netvibes

 

Crédit image : Wikipedia


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