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Publié le 24 novembre 2021 Mis à jour le 23 décembre 2021

La pédagogie de la joie

Mettre l'imagination au pouvoir

source : Pixabay

La puissance des émotions

Les émotions sont au cœur de nos vies. Elles sont au cœur de l’apprenance. Grace à elles nous ressentons le monde et nous savons que notre expérience humaine a un sens. Bien trop souvent nos vies sont dominées par l’émotion racine de la peur, alors que l’émotion racine de la joie possède d’incomparables vertus.

Le Dalaï-lama nous enseigne à observer nos émotions pour ne pas se laisser submerger par elles. Il a même crée un atlas des émotions  pour nous aider à se repérer dans ce monde. Il existe même une géographie des émotions.  Selon nos modèles mentaux nous appréhendons différemment les événements qui nous arrivent. Nous pourrions même vivre des mondes séparés. 

Le monde des projections

Nous vivons dans un monde de projets par lesquels nous cherchons à contrôler les issues futures. Les «sans projets» sont les parents pauvres de l'orientation scolaire, de l'entreprise et de la vie tout court. À partir de nos projets, nous découpons le temps, nous planifions, nous fixons les objectifs à atteindre, nous calibrons les moyens, nous mesurons sans cesse pour nous assurer que ce que nous avions prévu survient. Nous évaluons les retours sur investissement.

Ce monde aux temporalités hachées nous rassure car il nous donne l'impression que chaque case de temps est bien utilisée, que nos vies et nos entreprises  suivent le meilleur écoulement possible. Ce monde est un héritage et une prolongation des saisons qui rythment nos existences par leur régularité.

L'intensité de nos vies s'accroît, avec la sensation accrue de début et de fin du monde procurée par une meilleure connaissance de son origine et par la prise de conscience d'être entré dans l'anthropocène, une époque où l'empreinte humaine est irréversible. Il s'agit d'intensifier chaque instant. Il n'y a pas de temps à perdre pour jouir de tous les plaisirs quand on sait que l'humanité est une parenthèse minuscule dans l'histoire de l'univers.

Nous nous donnons l'impression d'orienter le cours des événements quand bien même nous rationalisons à postériori ce qui se passe et s'impose à nous. Et si au cœur du mouvement de ce monde était la peur? La peur de l'inconnu qu'il faut réduire au maximum pour demeurer paisible. La peur de manquer de biens et de vivre sans confort, la peur de mourir. Ce monde nous pousse à accumuler toujours plus pour éloigner la hantise du manque et du vide. Les joies que procure cet état sont formées des plaisirs que l'on écoule, plus que de moments de plénitude et d'accueil de ce qui est simplement  sous nos yeux ici et maintenant.

Il existe des alternatives au monde de projets et de projection et son corollaire, l'accumulation, dont l'émotion racine est la peur. La peur de manquer et pire encore de vivre l'incertitude du lendemain. Tout se passe comme si chacun raisonnait indépendamment des autres, chacun cherchant son assurance et son salut pour lui-même, guettant son bonheur, brûlant ses ressources et sa vie le plus vite possible. La projection et le contrôle permanent sont  épuisants. Nos émotions sont sans cesse agitées par les perspectives favorables ou défavorables. Les gestionnaires sont passés maîtres dans la régulation des flux de matière et d'informations. Ils prétendent gérer le temps. Mais, bien souvent ils se sont coupés de leurs émotions.

Les mondes d'imagination

Des mondes d'imagination dont l'émotion-racine est la joie existent. Quand l'imagination créative prend le pouvoir, elle libère le futur des attentes pesantes de la projection, de la réussite ou de l'échec. L'imagination c'est le pouvoir à chaque moment d'exister et de choisir dans les trames des événements de la vie ceux où le potentiel de réalisation est le plus fort.

C'est le pouvoir de regarder le monde tel qu'il pourrait être et pas seulement tel qu’on nous le présente ou qu'on le projette. L'imagination crée d'autant plus de vie qu'elle est vécue en intelligence collective. Imaginer à plusieurs en quoi le monde se transforme apporte plus de joie que de suivre la seule utopie d'un visionnaire qui pousse son invention et cherche à tout contrôler. L'intelligence collective connectée à l'imagination  produit un surplus de vitalité car elle conduit à apprendre ensemble à partir des émergences, de ce qui vient. Apprendre ensemble c'est nous équiper contre les incertitudes en misant sur les liens plutôt que sur les biens.

Quand l'imagination prend l'ascendant sur la projection planificatrice, les émotions positives sont convoquées. Un mélange d'excitation et de curiosité qui rebondit sur les événements ou bien s'y engouffre. La créativité s'empare de nous et nourrit le sens. Les conséquences de ce qui survient ne sont pas des échecs ou des réussites mais des opportunités de faire autrement.

Conséquences pour la formation

Les psychologues sont parvenus à modéliser des façons d'être au monde avec d'une part les esprits fixes projetant sans cesse les mêmes états et les esprits en développement constant faisant preuve de résilience et d’alternative à tous propos.

En développant ces hypothèses, je me demande, si la formation en cherchant à tout contrôler par ses référentiels, ses certifications, ses programmes n'obéirait pas au monde des projections et à ses émotions racines de peur. L’esprit fixe produit cette illusion du contrôle. La peur de louper une épreuve, d'être mal noté, mal positionné dans le groupe, mal reconnu. L'inquiétude de rater sa voie professionnelle, son opportunité de carrière ou l'anxiété du futur sont peut-être les fruits de projections et d'attentes trop figées.

L'imagination est plus ouverte. Elle induit un apprentissage créatif par les liens entre les situations, les personnes, et les idées. Étant moins finalisée et centrée sur un objectif, elle libère du poids de la réussite, de la contrainte du temps linéaire et des moyens pour l'atteindre.

En promouvant l'imagination comme moteur de l'apprentissage, la formation pourrait nourrir plus de joie, de capacité à rebondir et à s'adapter et à voir des opportunités ou certains perçoivent des menaces. La formation devrait résolument s'attacher à produire des esprits en développement continue, curieux et avides de mouvements et d’exploration. C’est en ouvrant des imaginaires qu’elle y parvient.

Cette approche basée sur l’imagination, je la qualifie de « pédagogie de la joie ». Elle s’appuie sur le plaisir, la découverte, la créativité.

Sources

L'express. Le Dalaï lama crée un atlas des émotions https://www.lexpress.fr/styles/psycho/le-dalai-lama-cree-un-atlas-des-emotions_1790695.html 

Wikipédia. La géographie émotionnelle https://fr.m.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ographie_%C3%A9motionnelle#: 

Cairn https://www.cairn.info/geographies--9782200624781-page-231.htm  

Mentalité de croissance ou mentalité fixe https://www.lecentrefranco.ca/educo/mentalite-de-croissance-ou-mentalite-fixe/ 

Cindy de Smet, Mary-Beatrice Raileanu, Margarida Romero. Étude de la littérature sur la créativité en sciences de l’éducation dans les pays francophones. Mcgill Journal of Education, Mcgill University, 2021, pp.588-618. ffhal-03406774 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03406774/document


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