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Publié le 10 novembre 2021 Mis à jour le 10 novembre 2021

Comment augmenter la valeur d'une formation dans un parcours

Toutes les façons sensibles de réellement apporter un «plus» aux étudiants

Qu'est-ce qui contribue à la valeur ajoutée d'une formation dans un parcours ? On serait tenté de répondre directement  : "le contenu, les objectifs, les situations d'apprentissage, l'accompagnement pédagogique...". Cet article vous propose de découvrir d'autres aspects, qui semblent périphériques mais qui expliquent pourtant souvent l'effet d'une formation sur le moyen ou long terme.

La formation "j'y étais"

Certaines formations, au sens large du terme, sont des actes fondateurs. Ainsi, dans l’histoire des idées, des séminaires, des conférences, des ateliers sont devenus des espaces très courus, remplis comme des concerts de rock. On s’y presse, on n’y voit rien. Il n’y a pas d’interaction, on entend mal… Mais ceux qui y étaient en parlent encore des décennies plus tard. S’agit-il de formation ? On peut parier que oui. Celles et ceux qui ont eu la chance d’en être vont en discuter autour d’eux, s’informer davantage, approfondir la pensée des intervenants et se sentir légitimes pour débattre des idées partagées…

Parmi les moments de formation et d’enseignements qui ont de la valeur, certains sont paradoxalement incompréhensibles. Écoutons Antoine Compagnon, dans sa leçon de conclusion au Collège de France au sujet du séminaire d’un éminent psychanalyste, Jacques Lacan, toujours mythique des dizaines d’années plus tard.

Quand j’étais élève à l’X, nous nous rendions à plusieurs au séminaire de Jacques Lacan à la faculté de Droit, place du Panthéon. Il parlait à l’époque de topologie. Nous cherchions à comprendre ; nous ne comprenions rien. Cependant, j’étais impressionné par le risque qu’il prenait, non par le ton prophétique, mais par la tournure extemporanée de sa parole. Parfois, il n’avait rien à dire et se taisait après quelques borborygmes.   [extemporanée : non préparé d'avance.]


Antoine Compagnon poursuit avec une interprétation personnelle : un enseignant doit décevoir, c’est-à-dire qu’il doit donner le sentiment qu’il reste beaucoup à découvrir, cette fois-ci par soi-même, en se frottant aux ressources et aux textes originaux. Tout est dans le « Nous cherchions à comprendre », qui fait du moment de la formation proprement dit un point de départ.

Comment faire ?

Les formations ont parfois intérêt à rester des moments uniques et précieux. Les possibilités de rediffusion vidéo, les documents distribués et mis à disposition, les diaporamas accessibles peuvent au contraire contribuer à banaliser l'instant vécu. Ceux qui  vont en formation ne sont pas quelques chanceux, mais ceux qui n’ont pas été assez malins pour récupérer les supports autrement.  Dans un précédent article, nous avions évoqué ce retour au « direct », qui apporte de la valeur au moment vécu.

Plus largement, le temps de formation doit aussi être un événement et une expérience collective. Cela reste vrai lorsqu’on se forme à distance. Les premiers moocs puis ceux qui se sont construits autour d’échanges, de productions et d’une animation de communauté ont eux aussi créé un moment fort. En en parlant autour d’eux, en prolongeant les liens et les débats, en partageant sur les réseaux, les participants poursuivent leur apprentissage.



Les formations « nouveau départ »

Certaines formations sont des initiations, elles constituent un moment clé dans une vie et ont une valeur symbolique très forte. La personne qui s’inscrit ou qui suit le cursus n’envisage pas de poursuivre comme avant. Dans la perspective d’une théorie de l’engagement, c’est le premier pas vers un changement, une réorientation ou la mobilisation d’une compétence. À l’extrême, ce n’est pas la formation qui est le moment important, mais le choix de s’inscrire. Ainsi, les formations au management, à l’entrepreneuriat, à la facilitation ou sur des compétences clés sont comme des engagements pris, vis-à-vis de soi-même et des autres de développer cette compétence ou de se lancer dans l’activité.

Collectivement, des formations au projet de service, au projet pédagogique ou à l’utilisation d’outils collaboratifs donnent le départ à une série de rencontres et de travaux au sein des équipes.

Rien ne résume mieux et plus simplement cette idée que les collections de livres qui se positionnent comme l’amorce d’un changement de comportement. Pensons à la collection « C’est décidé, je m’y mets » des éditions Larousse.

Que faire ?

Pour donner de la valeur aux formations, les centres peuvent présenter un horizon désirable, et rédiger leurs objectifs et contenus comme autant d’étapes.

Domestika, qui construit son activité sur un catalogue de formation en ligne, organise ses bandes-annonces de la manière suivante. Une ou deux premières minutes présentent le formateur en activité professionnelle. À chaque fois, il ou elle apparaît épanoui, à l’aise dans son art, et quelques secondes suffisent pour éveiller le désir d’égaler les maîtres. On poursuit avec une présentation des objectifs, à la fois structurée, claire, et éloignée de tout jargon pédagogique. Le déroulé du contenu suit. Ce sont des petits pas qui portent tous du sens. Et enfin, les vidéos décrivent une production finale, un « chef d’œuvre » que les participants pourront réaliser en guise de synthèse. En trois ou quatre minutes, le spectateur s’entend dire ; « Ça y est, je me lance ».

Pour poursuivre avec la théorie de l’engagement, terminer une session en demandant à chacun de dire ce qu’il a retenu et, surtout, ce qu’il ou elle envisage de faire dès le lundi suivant pour mettre en œuvre les apports du stage.


Le sésame vers une nouvelle vie professionnelle

La référence au « nouveau départ » est d’autant plus vraie quand les formations sont obligatoires pour exercer une activité professionnelle. Les ascensoristes, les agents immobiliers, les banquiers ou les conducteurs qui transportent des marchandises doivent valider des formations pour poursuivre leur activité en France.

Dans ce cas, si la formation a de la valeur, c’est d’abord parce qu’elle permet d’accéder à un poste ou à le garder. Paradoxalement, puisqu’il s’agit d’une motivation « externe », elle n’incite pas à apprendre ou à découvrir. Valider la formation importe plus que se former. Les questions des stagiaires portent parfois surtout sur le mode d’évaluation, les taux de réussite, les possibilités de rattrapage ou d’appel en cas d’échec à une épreuve.

Si ces formations ont de la valeur, c’est aussi parce qu’on en garde précieusement la preuve. Perdre l’attestation au moment d’un déménagement, même dix ans plus tard, peut constituer un véritable drame.

Que faire ?

Pour donner de la valeur aux formations, nous pouvons soigner les attestations et les preuves de réalisation. Les photos en groupe au cours d’activité, l’édition de certificats de réussite ou de participation, les badges peuvent contribuer à donner de la valeur au moment passé. 

Soigner l’aspect esthétique de ces documents n’est pas inutile. Vous trouverez quelques modèles sur le site de Canva qui pourront vous inspirer, même si certains ressemblent à des faire-part de décès…


la clé pour un poste, ou pour se maintenir dans une activité


La formation changement de paradigme

La valeur ajoutée d’une formation se mesure aussi à ce qu’elle apporte comme transformation. Souvenons-nous de la distinction « assimilation » et « accommodation » que propose Jean Piaget. Un stage peut nous apporter des connaissances supplémentaires ou des savoir-faire qui s’ajoutent ou mettent à jour nos acquis. On parlera d’assimilation.

Un autre pourra au contraire bousculer nos modes de pensée, notre vision de notre métier, ou de nos publics. Il s’agira ici d’accommodation.

Pour un formateur, il y a une différence entre la prise en main d’un logiciel qui permet de télécharger sa feuille d’émargement, la liste des stagiaires et de saisir ses objectifs, et un stage qui modifierait sa vision de ce que signifie «apprendre » ou des relations enseignant-élève.

L’assimilation, qui consiste à développer les connaissances et savoir-faire sur un modèle déjà établi pour l’apprenant marque moins que l’accommodation, qui oblige l’apprenant à bousculer ce qu’il pensait maîtriser. Ces formations sont parfois plus douloureuses, mais elles marquent plus durablement.


Certaines formations modifient notre conception de notre métier

Que faire  ?

Pour apporter de la valeur aux formations,  cette distinction peut nous éclairer. Rappeler les valeurs, les enjeux et donner du sens même lorsque la formation semble n’être qu’une mise à jour technique n’est pas inutile. On peut former des services au stockage dans le nuage en expliquant les règles, mais on peut aussi mettre en perspective les questions de sécurité, l’impact sur les relations de travail, la hiérarchie, l’environnement…

Créer un réseau

Un peu de modestie pour finir. La valeur de la formation est parfois… en dehors de la formation. Les rencontres qu’elle favorise et les projets qu’on y construit ont un rôle important.

Dans Un monde à portée d e main, Maylis de Kerangal met en scène trois étudiants d’une école d’art en Belgique. Ils partagent une location et suivent ensemble des cours intensifs en trompe-l’œil et en décor peint pour le cinéma ou le théâtre. Le cursus est exigeant et efficace, mais c’est aussi l’émulation, l’entraide pendant et après la formation, les inspirations réciproques qui permettent à ces jeunes adultes de se construire, et de développer leur professionnalisme.

Que faire ?

Encouragez l’échange de courriels, de coordonnées Instagram, Twitter ou LinkedIn permet de poursuivre la formation par d’autres voies, de l’ancrer dans les pratiques et de consolider les engagements qu’on y a pris.

Interroger les anciens, les faire témoigner, mettre en scène leur parcours se révèle également très utile et inspirant, au-delà de la convivialité.


Ces quelques pistes nous amènent à la question de l'amplitude de la formation. Elle commence avant le regroupement, elle s'étend au-delà. Ce qui fait sa valeur ne se limite pas à ce que les formateurs pensent y apporter, ni à ce que les participants viennent y chercher. C'est un avion que l'on construit avec les passagers en plein vol et les recettes comme les approches déterministes n'ont que peu de prise sur la valeur ajoutée qu'elles apportent.

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Antoine Compagnon - Leçon de clôture au Collège de France - janvier 2021
https://books.openedition.org/cdf/12410

Canva : certificats de réussites - modèles en ligne
https://www.canva.com/fr_fr/diplomes/modeles/attestations-de-reussite/


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