Qu’est-ce que la vie ?
La nature s’organise elle-même, mute s’adapte, fait preuve de résilience; elle est puissance vitale, matrice, environnement, milieu, matière de la vie.
La vie est, pour certains, une des manifestations émergentes de la matière. Ils la caractérisent par son plus petit commun dénominateur qu’est la cellule et sa membrane, unité fondamentale de toute structure biologique. Chaque cellule comporte les éléments génétiques essentiels à son fonctionnement. Alors que d’autres distinguent entre ce qui est matière inerte et ce qui est animé et en mouvement.
Sur ces distinctions des courants religieux et scientifiques prospèrent et donnent leurs explications du monde en suivant leurs modes d’investigations propres. Ils appréhendent l’immensité l’infini et ses mystères comme un tout ou bien décomposent le vivant en parcelles, pour chercher à le comprendre et l’expliquer avec des scalpels et des microscopes.
Les êtres vivants partagent l’eau comme leur principal constituant. Un être vivant c’est « un corps qui forme lui-même sa propre substance », toutes ses fonctions vont contre la mort. Un être vivant assimile son milieu, s’y déplace produit des rejets, s’adapte et se reproduit. L’être vivant est doué de fécondité. Ce qui est fécond, c’est ce qui donne naissance au vivant, fécond à son tour. Le vivant se caractérise par des activités de développement, par l’existence d’un métabolisme traitant des questions d’énergie et de masse, par des mobilités ou circulation, par la réponse à des stimuli et la possibilité de se reproduire. Le vivant participe d’un cycle et de continuité avec le vivant dont il ne se détache jamais.
La vie se transmet. Il n’y a pas de vie sans apprentissage et pas d’apprentissage sans vie. La vie et l’apprentissage disposent de la qualité de chiralité, c’est à dire qu’ils se complètent ils sont mutuellement coextensifs, peuvent être remplacés l’un par l’autre mais offrent des reflets différents. Faites le test de changer le mot vie par le mot apprentissage dans les 12000 citations suivantes vous pourriez être étonnés par la facilité de remplacement )
Qu’est-ce que la vie humaine ?
Chaque individu peut traverser sa vie mécaniquement en enchaînant des moments dénués de sens ou bien ouvrir son esprit et sa conscience au monde. Le courant de la philosophie phénoménologique nous apprend que les êtres humains éprouvent la vie et en ont conscience car ils ressentent subjectivement des expériences de la nature. Ils partagent leur expérience par l’échange d’idées.
Teillard de Chardin évoquait une noosphère, sphère de la pensée humaine, incorporant le langage, imbriquée à l'atmosphère, à la biosphère et à la lithosphère. À cet égard, car elles se déplacent, mutent et se reproduisent, les idées sont une manifestation du vivant. Elles ne comportent pas l’eau et l’oxygène qui caractérisent le vivant mais conservent la fluidité et les changements d’états imperceptibles. Notre humanité nous pousse sans cesse à interpréter le monde car nous avons besoin qu'il ait un sens. En effet, étant nés faibles et incomplets notre survie à la naissance repose sur le soin et l’attention des autres.
Nous sommes loin des performances de nombre de mammifères qui, à peine nés, sont capables de se dresser et de se déplacer pour fuir un danger. Nous n'avons d'autres choix que d'utiliser toutes les ressources de nos cerveaux, de nos corps et de notre empathie pour survivre. Nous puisons dans les sphères composant notre milieu vital en fonction des vibrations et des résonances qui leur sont propres. Par vibrations et résonances j’entends toutes les transformations du monde qui de proche en proche affectent les milieux où nous vivons.
Nous enrichissons le vivant de nouvelles idées qui circulent dans la noosphère et laissent des traces sur les autres sphères, car toutes s’influencent mutuellement. Actuellement les traces que nous laissons sont si profondes qu’elles se voient depuis l'espace et elles circuleront longtemps après la disparition de notre espèce. Nous parlons de ce moment où la planète subit l’impact humain : l'anthropocène. Toutes les idées sont donc les manifestations du vivant que nous captons que nous transformons sous la forme de symboles, d’objets, de langage et qui disposent d'effets en retour sur qui nous sommes. Les idées et les pensées ainsi reliées aux sphères qui composent le monde sont ainsi vivantes.
Quelle évolution du sens de la vie ?
Les longues périodes d'enfermement sont propices à réfléchir sur le sens de la vie et sur la dimension mécanique de la ville. Les urbains ont particulièrement fait l'expérience de la privation de liberté à l'occasion des mesures de confinement du Covid sur toute la planète. On assiste à un exode urbain, du moins de très grandes villes internationales dont les habitants ont souffert d'enfermement et de privation de nature.
Si la formation professionnelle s’est longtemps donnée pour objectif l’émancipation par le savoir et la connaissance, l’élévation dans sa dignité, sa carrière, ses possibilités d’agir sur le monde, l’axe semble aujourd’hui changer de polarité. La conscience que la nature, aussi puissante soit-elle, est fragile touche l’orientation de nos chemins de vie. De quelle sérénité faire preuve dans son travail, dans sa vie quand notre maison terre est menacée par des atteintes de plus en plus vives ?
Le rôle de la formation et de l’éducation dans la prise en compte du vivant
Les grands courants humains de pensée, du moins pour l’Occident, ont d’abord été marqués par l’emprise religieuse qui expliquait le tout. La prétention holistique des religions de trouver des causes à tous les phénomènes nous conduit régulièrement jusqu’à Dieu, ultime explication des phénomènes racines que l’on ne parvient pas à expliquer. La science prend le contre point de l’explication globale et générale par l’observation minutieuse, la décomposition en autant de petites avancées qui permettent de comprendre et d’expliquer. Ces deux principes d’intelligibilité ont orientés et continuent d’orienter durablement les façons de penser le rapport au savoir comme doctrine sacrée, ou fruit évolutif de la raison.
Les pratiques pour réintégrer le vivant en formation
La formation stipule l’organisation de temps et moyens pour structurer et accélérer les apprentissages. Rapprocher la formation de la nature se comprend, pour certains, comme la mobilisation de moyens.
Le moins onéreux et le plus facile est de faire référence à la nature dans des apports, d’utiliser des métaphores, de remplacer des vidéos de femmes et d’hommes troncs par des prises de vue en extérieur dans un parc ou un jardin. Mais, il s’agit là d’habillage qui connecte peu aux caractéristiques du vivant comme la fécondité par exemple.
Dans la même veine se situe le réaménagement des espaces, l’installation de plantes vertes, la végétalisation des parois, voire l’installation d’une fontaine ou d’une pièce d'eau et pourquoi pas de terrariums. L’impression de nature grandit même si elle reste encore un décor extérieur à l’individu lui-même. Investir dans des salles de plein pied, des abords qui privilégient les espaces verts plutôt que les places de stationnement de voitures est un engagement de plus de proximité avec le vivant. Il est encore possible d’améliorer le contact avec le vivant en scénarisant la lumière, en ouvrant des puits de lumière ou des baies vitrées, en choisissant des matériaux naturels plutôt que des plastiques ou des sols en lino.
Sortir des espaces clos marque un nouvel élan. Aller sur les terrasses au petit matin face au soleil, aller sur le stationnement, sortir dans la rue, sentir l'air frais sur son corps ou, mieux encore, organiser un apprentissage dans un jardin public, un parc, sous un arbre près d'une rivière conduit à aller vers plus d’organique, plus d’imprévu, plus de beauté aussi.
Le stade à suivre consiste à « s'immerger dans la nature », par exemple en réalisant des marches socratiques en s’adonnant aux bains de forêt, en marchant pieds nus sur le sentier.
Participer des interactions du vivant passera par la création d’un jardin partagé, l’installation des ruches sur le toit du bâtiment ou bien oser organiser des séminaires en pleine nature. Mais tout cela est encore de peu de force par rapport au potentiel du vivant que contient la pédagogie.
La pédagogie un art de rendre vivant : d'animer
La pédagogie serait un art de rendre vivant un contenu, une situation, un être : littéralement de l’animer. Elle va plus loin que la seule contingence organisationnelle produite par les systèmes de formation. Elle est une opportunité de nous connecter au vivant pas seulement à la surface du décor, comme il vient d’être décrit, mais, en cherchant à provoquer la profondeur des interactions, en appliquant les principes du vivant.
Tout d’abord se ressentir cellule et membrane d’un tout plus grand que soi c’est vivre la dynamique d’un groupe, partager des activités à plusieurs, collaborer ensemble pour franchir les membranes de nos différences, de nos incompréhensions face à des sujets à appréhender ensemble. Apprendre ensemble, pas seulement côte à côte mais les uns des autres est une opportunité de se connecter au vivant car cela nous pousse à sortir de nous-même et d’explorer ses attitudes et celles des autres à l’occasion d’interactions qui composent une part essentielle de notre milieu et de notre matière humaine.
Ensuite, enrichir et disposer du pouvoir d’autorégulation de sa propre conduite dans une formation en éprouvant le pouvoir d’agir dans le milieu. Se sentir vivant c’est disposer de la possibilité de se corriger par soi-même, de faire évoluer sa pensée et ses connaissances, sans être l’objet inerte du programme d’un autre, ou d’une intention d’un formateur sur soi. C’est augmenter l’auto-direction des apprentissages de chacun en facilitant la composition de son but d’apprentissage. Moins lui dire ce qu’il a à faire, moins lui donner de consignes et plus l’aider à se construire son paysage d’apprentissage pour se repérer et donner sens par lui-même à son milieu.
Plus encore, éprouver les mouvements et circulations consiste à jouir d’une liberté de mouvement, de choix sur les options. Ne pas être adapté par son milieu mais assimiler progressivement ses constituants, à son rythme propre. Au sens propre, se déplacer, changer de lieu, explorer le monde. Au sens figuré s’exposer à des idées, des façons de penser et d’agir différentes.
Enfin, s’adapter en continu dans la recherche d’un sens pour soi, d’une direction pour ses actes et ses engagements propres. S’appuyer sur les symétries et la beauté du monde qui portent les plus grandes vibrations et résonances car elles sont le fruit des productions du temps qui ont ajusté les meilleures solutions disponibles.
Peut-être pour conclure que le plus important c’est d’exercer son pouvoir de fécondité et de créativité en ayant tout loisir de combiner, à partir de sa propre matière et en interpénétration avec la matière rencontrée, des idées ou des actions nouvelles provenant des autres. Je garde l’idée que cette créativité est la plus forte quand elle se produit par un apprendre ensemble avec les autres.
Sources
Définition de NOOSPHÈRE (cnrtl.fr) https://www.cnrtl.fr/definition/noosphère
Le parisien – citation vie https://citation-celebre.leparisien.fr/citation/vie#
Technoscience – Définition de chiralité https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Chiralite.html
Saga sciences – Définir le vivant https://sagascience.com/origines/definir-le-vivant/
Philosophie.com La phénoménologie https://la-philosophie.com/la-phenomenologie
Inexorable exode urbain et villes de demain | Le nouvel économiste https://www.lenouveleconomiste.fr/exode-urbain-88920/
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