Au fil de l’âge [Thèse]

Lorsque les toiles d’araignée permettent de mieux comprendre le vieillissement

Silhouette de Spiderman en déambulateur peinant à tisser sa toile

« L’enseignement de l’araignée n’est pas pour la mouche »
Henri Michaux — Poète (1899-1984)

Ô Vieillissement ! Ô Ensemble des modifications fonctionnelles diminuant progressivement nos aptitudes ! Comment vous comprendre ? Comment vous étudier ? Comment mieux vous apprivoiser ?

Voilà des questions que beaucoup se posent. La plupart des gens souhaitent vivre longtemps, en bonne santé et en pleine capacité. Mais est-ce possible ? Toutes les crèmes ou encore les suppléments alimentaires ne semblent pas pouvoir lutter contre le temps. Avec le vieillissement global des populations, il est plus qu’urgent de comprendre le vieillissement afin de le rendre le plus paisible possible. Mais comment ? Nous revoilà à la case départ.

Et si la réponse était d’étudier les toiles d’araignée ?

Une toile d’araignée se compose de rayons et d’une spirale de capture formée d’une succession de segments de fils de soie assemblés entre eux par les rayons successifs. Le tout forme une structure géométrique régulière dont la réalisation se fait par une succession complexe de comportements stéréotypés et répétés dans le temps. Les modifications dans la structure de la toile, en l’absence de facteurs externes, peuvent alors s’apparenter aux reflets directs des changements comportementaux de l’araignée.

Et si une araignée pouvait servir de modèle expérimental pour étudier le vieillissement ? C’est ce que nous propose Mylène Anotaux dans sa thèse intitulée « Étude d’un modèle comportemental du vieillissement : la construction de la toile chez une araignée orbitèle ».

Le fil d’Ariane

Le sujet est amené progressivement par l’auteur qui suit un fil narratif simple et efficace. L’introduction nous permet de comprendre l’ensemble des questions soulevées avec logique ainsi que de découvrir le sujet du vieillissement et de l’utilisation d’organismes modèles dans la recherche.

La méthode proposée est aussi bien intéressante qu’innovante et ne manquera pas de changer le regard du lecteur sur les toiles d’araignée à tout jamais. La discussion développe l’ensemble des observations de l’auteure en les mettant en perspective avec la littérature de manière fluide et ordonnée. Elle permet aux lecteurs de saisir l’importance, l’intérêt et les perspectives envisageables du travail de recherche proposé.

Le fil du rasoir

«     Le vieillissement est un phénomène naturel, obligatoire et irréversible, souvent associé à un déclin des performances et des fonctions de l’organisme. Bien que les comportements nous renseignent sur l’état physiologique et neurologique de l’organisme, très peu d’études ont portées sur les relations entre l’âge et les comportements. La recherche de nouveaux modèles permettant d’appréhender cette relation pourrait donc être primordiale. Chez les araignées orbitèles, la toile est une structure géométrique complexe d’une apparente régularité. Sa construction résulte d’une succession de comportements organisés et répétés et chaque variation dans la structure de la toile peut être interprété comme une variation comportementale de l’araignée lors de la construction.
    L’objectif de cette étude était de mettre en évidence des variations structurelles dans la géométrie de la toile de l’araignée Zygiella x-notata qui pourraient être corrélées au vieillissement de l’araignée et de savoir comment le vieillissement agissait sur la mobilité de l’araignée lors de sa construction et lors de la capture des proies.
    Nos résultats montrent que le vieillissement a affecté les caractéristiques géométriques de la toile, le comportement de construction et le comportement de capture de l’araignée. Notre étude a permis de valider la pertinence de l’utilisation des araignées orbitèles et de leurs toiles géométriques comme modèles innovants pour l’étude des relations entre vieillissement et comportement. »

Au fil de l’âge

Mylène Anotaux a capturé un certain nombre de résultats pertinent lors de sa thèse. L’un d’eux est l’influence du vieillissement sur la structure de la toile d’araignée. Ce résultat est dans le prolongement direct d’études antérieures sur l’évolution de la structure des toiles en fonction de l’âge.

Du stade juvénile au stade adulte, il est montré que le nombre de spirales, de rayons, ainsi que l’espacement entre les spirales augmente. Dans cette transition, la toile devient asymétrique en raison d’une extension de la partie basse. La taille et le poids de l’araignée augmentent entre ces stades ainsi que la quantité de soie investie dans les toiles entraînant une augmentation de la taille de ces dernières. Ces évolutions de la toile se font sans observation ou constat de variation importante de régularité apparente.

Mais que se passe-t-il lorsque l’araignée vieillit ?

L’auteure semble montrer que la variation de la structure de la toile d’araignée est la conséquence de l’effet du vieillissement sur le comportement que l’araignée adopte lors de sa construction. Ainsi, nous découvrons que passé l’âge adulte, la quantité de soie qu’investit l’araignée dans sa toile diminue ; sa régularité de construction se perd ; et elle fait de plus en plus d’erreurs. La fréquence de ces irrégularités à tendance à s’amplifier avec l’âge et semble correspondre à une forme de vieillissement « normal » chez ces araignées.

En comparant différentes espèces, l’auteure montre que l’augmentation du nombre d’anomalies structurelles dans la toile semble concerner les araignées âgées appartenant à une espèce dont la durée de vie est courte.

Ces variations structurelles dans la toile pourraient être la conséquence d’une diminution de la capacité de production, de la qualité ou encore de la capacité de recyclage de la soie nécessaire à sa réalisation. L’araignée s’adapterait alors à ces phénomènes en adaptant son plan de conception de la toile.

Quand nos vies ne tiennent qu’à un fil

Le sujet de cette thèse peut sembler un peu déroutant à première vue. Mais en suivant le fil narratif finement tissé par Mylène Anotaux, nous pouvons pleinement comprendre le sens de son travail. Le vieillissement est un phénomène inévitable, souvent associé à un déclin des performances et des fonctions de l’organisme entraînant une diminution du bien-être et de l'autonomie. Peu d’organismes permettent d’étudier l’évolution des comportements au cours du vieillissement. Mylène Anotaux propose un modèle nous permettant d’étudier l’état physiologique et neurologique ainsi que les modifications comportementales associées à l’âge.

Nous ne tissons pas encore de toiles et nous n’avons pas huit pattes, mais nous savons maintenant qu’il peut être pertinent de regarder de plus près les toiles des araignées orbitèles pour mieux comprendre ce qui nous attend tous…

Et vous alors, quelle forme prend votre toile ?

Bonne lecture!

Thèse présentée et soutenue le 14 décembre 2012. Travail réalisé à l’Unité de Recherches Animal et Fonctionnalités des Produits Animaux (URAFPA) au sein de l’école doctorale Biologie-Santé-Environnement (BioSE) : ED 266 (Université de Lorraine) (Nancy et Metz).

Sources

Thèse

Mylène Anotaux. Étude d’un modèle comportemental du vieillissement : la construction de la toile chez une araignée orbitèle. Médecine humaine et pathologie. Université de Lorraine, 2012. Français. ⟨NNT : 2012LORR0309⟩. ⟨tel-01749655⟩