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Publié le 29 septembre 2021 Mis à jour le 29 septembre 2021

Lorsque les patients s’engagent dans la formation et la recherche en santé [Thèse]

Comment les malades deviennent acteurs de la formation des médecins

Silhouette de patient docteur illustrant la collaboration des patients experts et des médecins pour améliorer la prise en charge des patients

"Les médecins administrent des médicaments dont ils savent très peu, à des malades dont ils savent moins, pour guérir des maladies dont ils ne savent rien"

Voltaire, Philosophe (1698-1778)

Est-il possible de devenir expert d’une chose sans en avoir fait l’expérience soi-même ? Est-ce que lire l’ensemble des ouvrages relatifs à l’alpinisme nous garantira de réussir l’ascension de l’Everest ?

Pendant longtemps, le monde médical s’est concentré sur l’étude des pathologies sans pour autant en faire l’expérience. Cela a certes permis de soigner de nombreux patients mais cette organisation correspondait à une approche paternaliste dans laquelle le patient devait faire ce qui lui était dit afin de guérir ou vivre au mieux sa maladie.

Expert de sa maladie + expert de la guérison

Depuis un certain temps, le monde de la santé s’attarde sur l’expérience et le vécu des patients afin de les impliquer dans les démarches ou les formations de soins relatifs à leur pathologie. Ainsi, les patients deviennent experts de leur maladie et peuvent partager avec d’autres patients ou professionnels de la santé leurs expériences, leurs vécus et leur ressentis. Cette intégration repose sur l’éducation thérapeutique du patient.

Cette éducation a comme objectif de faciliter la rencontre entre les compétences des professionnels de la santé et les compétences des patients. Les compétences des professionnels de la santé se composent d’une expertise relative à la maladie et d’un ensemble de connaissances sur les soins et les services de santé. Les compétences des patients reposent sur leurs expériences de vie avec la maladie et l’ensemble du savoir qu’ils ont acquit lors de ces expériences vécues. L’union de ces deux points de vue fait émerger de nouvelles compétences communes et améliore l’autonomie et les relations entre soignants et malades. L’éducation thérapeutique du patient permet de:

  • Co-construire et co-animer des programmes d’éducation thérapeutique du patient 
  • Proposer des offres de prise en charge accessibles et personnalisées pour chaque patient 
  • Ameliorer et adapter la posture des professionnels
  • Impliquer les aidants tout au long du parcours du patient

Ce processus nécessite l’implication de patients experts. Mais qu’est-ce qu’un patient expert ? C’est un patient atteint d’une maladie chronique ayant suivi une formation à l’éducation thérapeutique du patient. Il est capable de s’exprimer en public au sujet de sa pathologie et s’implique dans des projets pilotes d’éducation thérapeutique, de formation ou de recherche. Il est volontaire pour collaborer avec d’autres patients experts et professionnels de la santé. Le patient expert n’impose pas ses opinions et construit ses interventions sur la base des recommandations officielles en vigueur.

 Mais comment est-ce que cela s’est mis en place ? Comment a évolué le statut du patient ? Comment est-il devenu un acteur de la formation de certains soignants ? Vous voilà dans le thème de la thèse que nous propose Raymond Merle intitulée «Engagement des patients dans la formation et la recherche en santé ».

Pourquoi lire cette thèse  

Raymond Merle nous présente ses motivations en nous révélant qu’il est lui-même atteint de maladies chroniques. Cette expérience en tant que malade lui a permis d’identifier certaines faiblesses du système de santé tant au niveau de l’éducation thérapeutique du patient que de son implication dans ses soins.

L’auteur nous présente l’histoire et l’évolution du statut de patient dans le système de soin français de l’après-guerre à nos jours. Ce récit nous permet de comprendre l’ensemble des étapes qui ont permis d’intégrer le patient dans la formation et la recherche en Santé. Ce récit nous permet d’entrevoir les prochaines étapes de ce processus d’inclusion des patients ainsi que les freins limitant ce projet.  

La thèse se construit autour d’une compilation de publication de l’auteur agencée et mise en lien dans une discussion nous entraînant vers des perspectives de recherches. Un effort de synthèse aboutit à un texte dense qui reste accessible et intéressant pour les curieux.    

Ne pas savoir sur quel pédalier  

« Qu’est-ce qui m’a conduit à réaliser ce travail de recherche ?
Je suis atteint d’une pathologie rénale chronique depuis plus de 30 années, accompagnée d’un double traitement de suppléance par la dialyse et la transplantation rénale (1992 et 2009), nécessitant de multiples interventions chirurgicales, la prise quotidienne (par voie orale), et plus précisément à heure fixe de traitements médicamenteux, un accident cardiaque grave nécessitant un quadruple pontage suivi de la pose d’un pace maker, et pour finir un syndrome d’apnée obstructive du sommeil.
L’entrée particulièrement violente dans la maladie et toutes ses conséquences m’ont conduit à une première étape de compréhension de ce qui m’est arrivé, Je sors de la consultation d’annonce de la maladie rénale quelque peu dépité, sous le choc et me pose des tas de questions : pourquoi moi, pourquoi pas un autre, qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce je n’ai pas fait, qu’est-ce que j’aurai dû faire ? Toutes ces questions sont restées sans réponse. C’est comme si je grimpais une côte en vélo et au beau milieu, plus de souffle plus d’image, comme on dit en dialyse : “perte de son et lumière”. J’ai très vite compris que je n’étais pas seul dans la détresse. C’est dans ces conditions que, dans un premier temps je me suis intéressé à ce que pouvait ressentir et vivre les autres patients et leurs proches en intégrant le milieu associatif, puis dans un deuxième je me suis rapproché des médecins pour évaluer les possibilités d’amélioration et comment procéder. »

C’est là que le soulier me blesse...

Cette thèse présente la mise en place du Département Universitaire des Patients de l’Université de Grenoble Alpes (DUPGA). Le DUPGA est une collaboration entre l’Université, les secteurs sanitaires et médico-sociaux, des groupes d’usagers et des associations de patients. La structure est codirigée par trois directeurs dont deux représentant des UFR de médecine et de pharmacie auxquels s’ajoute un patient expert référent. Cette collaboration a comme mission de renforcer l’autonomie des patients, le bien-être des populations et l’efficacité du système de santé. L’approche pédagogique pouvant être considérée comme socioconstructiviste a pour but de transformer les mentalités du « faire pour » en « faire avec » le patient et ses aidants.

Ce département lié à l’université Grenoble Alpes propose de former des patients, des aidants, des étudiants et professionnels de santé souhaitant s’engager auprès des patients dans le soin, la formation et la recherche en santé. Les interventions proposées offrent aux personnes de l’information, des formations, de l’orientation et de la mise en réseau ; mais aussi des études de partenariats sur des projets collaboratifs de formation et de protocoles de recherche avec les structures sanitaires ou médico-sociales.

Certains malades diplomatiques…

Le statut de patient a grandement évolué depuis l’après-guerre. De nombreux facteurs ont contribué à cette évolution comme l’augmentation de malades chroniques ; les différents évènements sanitaires et pandémiques ; l’éducation et l’accès à l’information  ou encore la promotion de la démocratie sanitaire et de la responsabilisation des patients. Cependant, alors que cette transformation est motivée par une volonté médicale et politique, certaines réticences persistent sur l’intégration des patients dans cet écosystème dont ils sont acteurs.

L’expérience de vie des patients vis-à-vis de leur pathologie permet de compléter, nuancer et améliorer les pratiques de soins. Leurs expériences de malades alpinistes de terrains enrichissent les savoirs relatifs à leur pathologie et permettent aux personnes n’ayant jamais gravi l’Everest de mieux les comprendre et de les aider au mieux.

Ces recherches relatives au monde médical nous invitent à revoir nos méthodes de gestions et d’organisation de l’éducation. Certaines spécialités existent sur la conception ou l’expérience d'utilisateur dans la mise en place de plateformes en ligne. Mais en est-il de même pour la gestion de l’éducation ? Impliquons-nous réellement les élèves ?

Et vous alors ? En quoi votre vécu vous rend-il expert ?


Bonne lecture !

Thèse présentée et soutenue le 30 mars 2021. Travail réalisé au sein du Laboratoire Bioénergétique fondamentale et appliquée (LBFA) dans l’École Doctorale Ingénierie pour la Santé la Cognition et l’Environnement (EDISCE) : ED 216 (Université Grenoble Alpes) (Grenoble).

Sources

Thèse

Raymond Merle. Engagement des patients dans la formation et la recherche en santé. Éducation. Université Grenoble Alpes, 2021. Français. ⟨NNT : 2021GRALS004⟩. ⟨tel-03262428⟩

Liens

Page : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03262428

PDF : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03262428/document


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