L'eau et la soif d'apprendre

Entrons dans le flux

Avez-vous remarqué le lien entre l’eau et l’apprentissage ? Cet élément et ses propriétés de transparence, de turbulence, d’imprégnation, d’étanchement, d’humidité, pour ne prendre que quelques éléments,  sont utilisés pour évoquer différentes façons d’apprendre.

Tout commencerait avec l’eau source de vie, mais, assez vite, on arrive à la source des savoirs. L’eau dans cette image étanche notre soif d’apprendre. Elle laisse penser à l’apprenant-bédouin à ses errements pour apprendre.

Mais, si l’eau est une source celle-ci est souvent associée au jardinier qui arrose ses légumes. Dans cette vision l’apprenant-tomate n’a qu’à profiter de cette irrigation et pousser rond, parfois le long d’un tuteur. À moins qu’il ne s’agisse de transvaser de la connaissance d’une tête dans une autre ? Auquel cas la cruche de notre jardinier est un instrument qui contient, qui oriente et qui dispense du savoir.

De la source à la rivière, il n’y a que quelques ruisseaux d’écart. Si la connaissance est comme "la vie  un fleuve dans lequel on ne peut se baigner deux fois »   car selon Héraclite le fleuve n’est jamais exactement pareil, on peut se prendre à imaginer l’apprenant fétu ou tronc (la taille dépend de l’égo de l’apprenant), dérivant le long des berges du savoir.

On navigue

Nous voilà arrivé au réservoir des connaissances, qui s’accumulent. L’apprenant face à une telle masse se trouve potentiellement face à une déferlante d’informations, de savoirs et d’aucuns évoquent aujourd’hui un tsunami numérique. Qu’en fera-t-il ? Jusqu’à présent celui qui apprend paraît plus balloté que maître de son destin.  Mais, lorsque Le Boterf prend l’image de la « navigation professionnelle », il fait de l’apprenant un skipper qui s’oriente, cherche sa voie, apprend à se repérer. Il navigue avec des règles ou en liberté. 

À moins qu’avec Internet, l’apprenant soit un surfer et passe vite, parfois sans profit sur le contenu pour trouver un « site remarquable » ou une île attrayante, qu’il pourra prendre le temps d’explorer.

À moins encore, de faire partis de ceux qui galèrent en apprenant, qui boivent la tasse ou sont coulés. La fluidité des interactions dans le groupe rencontre la pédagogie du « flow »   décrite par Mihalyi Cszentmithallyi   qui capte l’attention par des jaillissements, des micro-événements. Le flux porte notre motivation à apprendre.

L’eau possède aussi le pouvoir de se durcir et un chercheur Canadien tel que Tough utilise l’image de l’iceberg pour nous dire que 80% de nos apprentissages sont sous la surface , mais bien réels. Ainsi, les apprentissages informels imprègnent notre quotidien. Ils se dissimulent. On ne les voit pas aisément.

Enfin, avec l’autoformation, on apprend à nager en nageant où l’on se jette dans le grand bain. Bref on se mouille.

La toute dernière image qui me vient à l’esprit est plus orientale. Elle utilise la lente propriété abrasive de l’eau. L’eau par son pouvoir constant d’infiltration finit par vaincre le roc. Le changement dans les esprits viendrait plus par les interstices que par bloc. L’apprentissage tiendrait donc de cette société liquide que nous décrit le sociologue Zygmunt Bauman .Le maître en arts martiaux Bruce Lee fait de l’eau son principal enseignant suivant en cela la doctrine taoiste du wu wei, agir-non-agir. Il écoute alors son maître qui lui dit :

«Préserve-toi en suivant les méandres naturels des choses et n’interviens pas. Rappelle-toi de ne jamais te défendre contre la nature; ne sois jamais en opposition frontale à un problème, mais contrôle-le en t’équilibrant avec lui. Ne t’entraîne pas cette semaine: rentre chez toi et réfléchis-y».

Après avoir médité, il comprend la véritable nature de l’eau, insaisissable, minuscule, faible, capable d’être gardée dans le plus petit des contenants, tout autant qu’habile à pénétrer la substance la plus dure au monde et à la fendre, sans forme propre mais s’adaptant toujours à son environnement, parfois cataracte, parfois invisible vapeur.

Cette capacité de lier et de se délier est bien propre à l’eau. On le voit l’eau est consubstantielle aux images de l’apprentissage. Et si l’on regardait les récits de création des mondes ou les navigations merveilleuses, elle serait incontournable.

Il nous reste à force d’apprendre à rejoindre l’océan des sagesses humaines où tout a commencé. 

Sources

France culture. Société liquide, retour sur la pensée de Zygmunt Bauman
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/societe-liquide-retour-sur-la-pensee-de-zygmunt-bauman 

Wikipédia – Mihalyi Cszentmithallyi - https://fr.wikipedia.org/wiki/Mih%C3%A1ly_Cs%C3%ADkszentmih%C3%A1lyi  

Cristol, D. & Muller, A. (2013). Les apprentissages informels dans la formation pour adultes. Savoirs, 32, 11-59.
https://doi.org/10.3917/savo.032.0011 

UNIGE Guy Le Boterf - De la compétence à la navigation professionnelle Paris, Les Éditions d'organisation,1997
https://www.decitre.fr/rechercher/result?q=Guy+Le+Boterf+De+la+comp%C3%A9tence+%C3%A0+la+navigation+professionnelle

De Rosnay, J. (2012). Surfer la vie: comment sur-vivre dans la société fluide. LLL, Les liens qui libèrent.
https://www.decitre.fr/livres/surfer-la-vie-9782918597728.html

Héraclite -  https://www.laculturegenerale.com/on-ne-se-baigne-jamais-deux-fois-dans-le-meme-fleuve-heraclite/  

4cristol Overblog - De la pédagogie des besoins à celle du flow
http://4cristol.over-blog.com/article-de-la-pedagogie-des-besoins-a-celle-du-flow-78390567.html  

La soif d’apprendre – Catalpa Troadec - https://vimeo.com/495219165  

Davidenkoff - Tsunami Numérique
https://www.decitre.fr/ebooks/le-tsunami-numerique-9782234078291_9782234078291_9.html

Sois comme l’eau - Bruce Lee -  https://www.espritsciencemetaphysiques.com/bruce-lee-sois-comme-l-eau.html 

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