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Publié le 30 juin 2021 Mis à jour le 01 juillet 2021

L'interslave, l'esperanto des pays de l'Est

Unifier les pays slaves sous la bannière de la langue

Folklore slave

Dans une société aujourd’hui où tout est basé sur la mondialisation, peut-on encore se permettre d’être conformiste, de suivre le mouvement et de se laisser porter ou, au contraire, de trouver des voies alternatives qui nous permettraient de sortir des sentiers battus et de faire ressortir notre identité propre ? Oui, selon l’animateur québécois Benoît Gagnon (né en 1971), « être marginal, c’est proposer une alternative à la masse ». 

Mais qu’en est-il au sujet des langues ? Peut-on là aussi jouer sur une alternative plutôt que de se fondre dans la masse ? L’esperanto se voulait une initiative originale pour lier toutes les langues romanes, mais connaissez-vous l’interslave, qui, à son instar, avait pour but de favoriser la communication entre les nations slaves ?

Présentation de cette alternative linguistique, de ses objectifs et des enjeux.

Une union pour les gouverner tous, une union pour les trouver, une union pour les amener tous et dans les langues les lier

Cette phrase vous évoque quelque chose, mais pas vraiment ? Exact, il s’agit de la célèbre citation de Tolkien dans le Seigneur des Anneaux, mais ici, le mot anneau est remplacé par l’union et les ténèbres par les langues. Ici est fait référence à l’URSS, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques qui était en vigueur de 1922 à 1991.

À l’époque, c’était le plus vaste état du monde, il occupait 1/6 des terres émergées, s’étendait sur 11 fuseaux horaires et par son peuplement des plus variés, il recensait une soixantaine de langues, majoritairement slaves. Celles-ci peuvent se classer en trois groupes linguistiques : les langues slaves orientales (russe, ukrainien, biélorusse), occidentales (polonais, tchèque, slovaque) et méridionales (bulgare, croate, serbe…). Certes, si linguistiquement parlant, ces langues sont assez proches, on ne peut toutefois pas parler d’intercompréhension, c’est-à-dire de compréhension réciproque entre les différents locuteurs de ces langues, d’où l’idée de trouver une alternative qui comblerait ce manque : la langue interslave.

L’interslave

En 2006, un groupe de linguistes, menés par Jan van Steenbergen et Vojtěch Merunka, cherche un moyen de faciliter la communication entre les différents peuples slaves, c’est alors la naissance du medžuslovjansky, connu également sous les noms de Slovianski ou Novoslověnsky. C’est une langue entièrement créée pour les besoins d’une cause, donc non naturelle.

En ce sens, elle est dite naturaliste car, contrairement à l’Espéranto qui nécessite un apprentissage, la raison d’être de l’interslave est justement une compréhension immédiate par tous les locuteurs slavophones, sans avoir besoin d’aucun apprentissage préalable.

Comment faire ?

Simplement en ayant recours aux diverses improvisation linguistiques déjà en vigueur depuis plusieurs siècles entre ces différents locuteurs slaves ! Concrètement, la grammaire et le vocabulaire se basent sur le proto-slave (ou slave commun), parlé depuis le VIIe siècle. Comme c’est l’ancêtre de toutes les langues slaves actuelles, elles retrouvent donc leurs racines grammaticales dans ce concept linguistique. De même, l’interslave puise aussi son lexique dans le vieux-slave qui, contrairement à ce que son nom laisse indiquer, n’est pas l’ancêtre du slave actuel, mais plutôt du bulgare, qui est une langue slave un peu à part des autres, d’où la nécessité d’y inclure des termes linguistiques vu que ce peuple fait également partie des peuples slaves.

Outre ces sources linguistiques, il convient de souligner que l’interslave adopte un alphabet latin plutôt que cyrillique, pourtant la plupart du temps utilisé par les slavophones. Cependant, on y retrouve quelques fois des signes diacritiques (comme les accents, les trémas ou la cédille, propres aux langues slaves, qui changent l’accentuation des mots) ou des caractères issus de l’alphabet cyrillique. 

En 2015, un des deux pères de l’interslave, le Tchèque Vojtěch Merunka, a même créé un manuel d’interslave à l’usage des anglophones, mettant en avant le fait qu’il était plus facile d’apprendre cette langue passe-partout, utilisable dans tous les pays de l’Est slavophones, plutôt que d’apprendre distinctement le russe, le bulgare, le polonais ou l’ukrainien, qui plus est simplifié pour nous puisqu’en caractères latins ! 

Cette initiative n’a pas laissé indifférent un autre pays, la Chine, puisque celle-ci a même approché l’auteur dans le but de solliciter une traduction de ce manuel d’apprentissage de l’interslave, mais en mandarin ! La raison est simple : les ambassadeurs de la Chine y voyaient là une opportunité pour le commerce et le tourisme concernant un aspect historique prépondérant de l’histoire mondiale : la route de la Soie ! La création d’un manuel d’interslave à l’usage des sinophones permettrait donc de relancer et de moderniser ce fameux réseau ancien de routes commerciales entre l’Europe et l’Asie !


Finalement, l’idée de l’interslave semble aussi bienfaitrice que celle de l’Esperanto : réunir sous une même langue divers peuples qui ont en commun des racines linguistiques, mais qui ne se comprennent plus aujourd’hui. De plus, le contexte historique tumultueux des pays slaves, sous la coupe de l’URSS pendant de nombreuses années, n’a guère aidé à cette réunification, ce que pourrait alors éventuellement faire l’interslave, qui sait ?


Sources et illustrations



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