La révélation de feu et de vie
Les tableaux de la vie et ceux du musée nous parlent et nous sifflent des mots : gouffre, béquille et renaissance dans tous les coloris du monde entier. À force de les entendre, on les comprend mieux et l'on se pose des questions qui nous poussent à agir autrement enfin, car on apprend à se redire les choses à l'envers, et en le faisant notre vrai moi recommence à sourire d'une joie libérée, ah qu'il était temps que ce moment arrive !
Le gouffre
À quel moment était-on entrés dans le gouffre sans issue ? On ne s'en souvient même pas. Mais l'air froid et humide paraît encore nous glacer encore brièvement rien qu'à y penser. Quelle obscurité il y régnait ! Quelle solitude, quel sentiment d'abandon énorme nous envahissait ! On se sentait minuscules et enfermés dans un véritable cauchemar sans fin. Totalement isolés et invisibles au reste du monde. Nous seuls et une voix qui résonnait dans notre tête. Oui, l'on s'en rappelle encore. Une voix n'arrêtait jamais de nous dire que peu importe ce que nous fassions nous aurions toujours tort car nous n'étions personne, ni la bonne personne. Pas de place pour nous.
La béquille
C'était tellement ainsi que l'on n'arrivait pas à marcher, pourquoi le faire dans un gouffre sans issue ? Pas d'envie ni quelconque motivation jusqu'à ce que notre toucher trouve quelques morceaux de bois et quelque liane et que l'ennui et la souffrance laissèrent enfin place à une nouvelle idée, celle de repenser notre réalité et notre entourage le plus près pour notre survie et pour découvrir quelque nouvelle sensation et état de vivre. Nous ne nous souvenons pas comment mais nous réussîmes à créer ce qu'on appelle une béquille. Et tout en jouant avec la béquille nous commençâmes à faire ce qui ressembla être les premiers pas vers notre avenir.
La renaissance
Et c'est ainsi que le gouffre sans issue ne le fût plus, car même en trébuchant sur des cailloux, même en craignant le changement, la vie nous appela pour accomplir notre mission : celle de vivre la vie le plus intensément possible ! Cela arriva un jour d'une grande tempête, tonnerres et éclairs zébraient la terre entière et arriva, comme si c'était un cercle de feu tombé du ciel, l'arbre qui avait fait des racines dans le gouffre. Ainsi, la lumière rentra enfin dans le gouffre et pour la première fois l'obscurité fût remplacée par une lumière éblouissante. L'on pouvait à peine ouvrir les yeux mais nous prîmes notre temps. Et lorsque nous les ouvrîmes tout apparut clair. C'était la renaissance. Nous avions toute la vie devant nous qui nous attendait, car enfin nous avions fait la traversée la plus difficile, celle des propres craintes et celles héritées et transmises par notre milieu, pas pour les perdre à tout jamais, non, mais pour oser vivre la vie et la croquer à pleines dents !
Persévérer pour réussir, comment y arriver ?
- en comprenant notre nature humaine et en assumant la responsabilité de notre accomplissement dans la vie.
Comme précisé par Jean-Michel Maldamé, théologien de formation
universitaire aussi bien philosophique que scientifique, dans sa publication Loi naturelle et théorie de l'évolution:
«
[...] l'être humain n'est pas isolé. Il est solidaire de tout ce qui
est. Le propre de l'être humain n'est pas saisi quand il est isolé.
C'est en montrant comment les divers éléments sont unis dans un acte,
l'acte de vivre, que l'on comprend, ce qu'est un être vivant.
[...]
l'être humain qui vient au monde n'est pas achevé. Il doit advenir à
lui-même par un processus d'intériorisation dans un jeu de relations
avec ses proches (parents, famille, éducateurs...). Ainsi la nature
humaine est-elle « culture ». Le terme est riche de sens. Il signifie
souvent une compétence, un style de vie ou une expérience vécue. Il
prend dans notre propos un sens plus dynamique. Il désigne une exigence :
celle de la croissance et de la réalisation optimale de ses aptitudes.
[...]
la nature humaine est ouverte ; elle est le don d'un possible qui doit
prendre un visage particulier. [...] rien dans l'humain n'est figé,
car toujours ouvert - pour un destin singulier. »
- en acceptant l'incertitude, la surprise et l'imprévu et les portions de danger et chance qui nous sont réservées. Lee Smolin, physicien, nous le rappelle ainsi dans son livre La Renaissance du Temps :
« Sur le plan personnel, penser dans le temps signifie accepter l'incertitude de la vie comme le prix incontournable pour être en vie. Se rebeller contre la précarité de la vie, rejeter l'incertitude, adopter la tolérance zéro au risque, imaginer que la vie peut être organisée pour éradiquer le danger, c'est penser hors du temps. Être humain, c'est vivre suspendu entre le danger et la chance.
[...] La surprise est inhérente à la structure du monde. La nature peut nous balancer de l'imprévu pour lequel aucune somme de connaissance n'aurait pu nous préparer. La nouveauté est réelle. Nous pouvons créer, avec notre imagination, ce qu'aucun calcul basé sur la connaissance du présent ne saurait produire. »
- en faisant appel au bon sens, au pragmatisme, à l'intuition, en s'adaptant aux circonstances, en acceptant de sortir de sa zone de confort et en continuant à parfaire sa formation, propos de Pierre Théroux sur le Soleil Numérique:
« [...] le bon sens et le pragmatisme aident [...] à discerner, s’adapter et avoir le courage d’apprendre. Discerner, c’est savoir analyser les comportements humains, choisir ses paramètres d’aide à la décision, et avoir une capacité à projeter et anticiper les conséquences de ses décisions. Le discernement implique à la fois la capacité d’identifier et de percevoir. Si identifier ou distinguer les choses nécessite une démarche rationnelle [...], percevoir relève souvent plus de l’intuition.
[...] pour se rassurer quant à la justesse de son intuition, il faut avoir pris un temps de réflexion préalable, précaution qui évite la précipitation irréfléchie. Il faut aussi savoir s’adapter aux circonstances ou encore aux évolutions technologiques. Il importe de ne pas se figer dans des certitudes, des comportements ou des choix qui ont été efficaces à un moment, mais qui doivent aussi évoluer en fonction d’un contexte changeant. Accepter de sortir de sa zone de confort n’est pas toujours simple, mais indispensable.
Il y a enfin la nécessité d’apprendre [...] en continuant à parfaire sa formation [...]. »
- en guérissant de l'acédie [manque de soin pour sa vie spirituelle) :
« Le mal de l'âme le plus insidieux et le plus répandu dans le monde contemporain [...] cette folle mélancolie [...] qui consume l'intelligence, le cœur et l'existence. » Alexandra Puppinck Bortoli, Le Mal à l'âme
- en ayant confiance en son propre chemin de vie :
« Ceux qui surmontent un traumatisme éprouvent souvent une impression de sursis qui démultiplie le goût du bonheur et le plaisir de vivre ce qui reste encore possible. [...] même ceux qui ont de graves blessures affectives peuvent les transformer en grand bonheur. » Boris Cyrulnik, Parler d'amour au bord du gouffre
Formation et renaissance
À ce faire, nous allons favoriser que les différentes étapes du - gouffre, de la béquille et de la renaissance - accomplissent le chemin correspondant en nous formateur·trices et en nos apprenants en prenant conscience de nos points forts, en les optimisant et en acceptant ou faisant des progrès dans nos points faibles. Apprenons à nous outiller !
Le monde est si changeant et se transforme tellement vite, autant le faire nous-mêmes !
Qu'est-ce qui se passe quand l'on s'autorise à sortir des limitations et l'on se focalise sur les multiples possibilités de la vie avec l'ouverture aux hypothèses, aux « et si je le rendais possible ? », « et si je le faisais
autrement ? », pourquoi pas se pousser et se lancer des défis, que dirait-on de revoir le potentiel de joie et de découverte d'investir dans les premières fois (à quand elle remonte la dernière première fois) ?
Se rapprocher du but visé, si rempli de sens et adapté à nos valeurs, devient possible lorsque l'on apprend à le découper en étapes, ne seraient-ce pas finalement toutes les gageures qui nous sont présentées de simples passages bien courts qui apportent des leçons pour mieux profiter de toute la longueur et le bonheur de notre chemin de vie !
À savoir que le «réussir» est différent pour chacun et chacune et que nous devons trouver celui qui va nous correspondre. Tous nous pouvons passer par des étapes de gouffre (pas de sens, acédie), béquille (prises de conscience procureuses d'aperçus de lucidité) et renaissance (arrivée à l'aboutissement).
Tout au long de la vie, nous sommes confrontés à ces différentes étapes de changement et la plupart des fois ces étapes sont motivées par des causes externes à nous, les célèbres imprévus. Symboliquement, nous pouvons pourtant naître plusieurs fois :
- Les apprenants peuvent énergiser et faire sortir les formateurs du gouffre s'ils montrent leur motivation et de bons retours déclencheurs.
- Les formateurs ont le défi d'être des initiateurs de nouveaux éveils qui permettent aux apprenants de sortir du gouffre en leur proposant des béquilles (les plus personnalisées, les plus fructueuses) qui les conduiront par la suite à la renaissance.
Références
COUJOU, J-P. Volonté individuelle et sujet de droit dans la philosophie juridique de Burlamaqui. OpenEdition Books.
URL :
https://books.openedition.org/putc/1233?lang=frCYRULNIK, B. (2004). Parler d'amour au bord du gouffre. Éditions Odile Jacob.
SMOLIN, L. (2019). La Renaissance du temps: Pour en finir avec la crise de la physique. Éditions Dunod.
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