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Publié le 31 mars 2021 Mis à jour le 31 mars 2021

Réalité Virtuelle, Image, et Gaspillage [Thèse]

Ayons un coeur d'artichaut face à l'imperfection végétale

Téléphone mobile sur lequel ont nous propose de jeter ou d'ajouter au panier une fraise à la maniere d'une application de rencontre.

Dans un monde de plus en plus superficiel, dans lequel commencent à se confondre le virtuel et le réel, et où, tout en l'incluant, l’Homme est devenu une marchandise dont la valeur fluctue en fonction de l’offre et de la demande, comment réagissons-nous à ce qui n’est pas parfait ?

En tant que consommateurs, comment nous comportons-nous face à l’imperfection ? Que cela soit sur internet ou par l’intermédiaire de logiciels d’immersion dans des magasins virtuels, comment réagirions-nous face à des produits imparfaits ? Ne rentrant dans aucun calibre, et pourtant propre à la consommation ? Vous voici en plein dans le sujet du travail doctoral d’Adrien Verhulst intitulé : « Étude de Faisabilité d’Études Consommateurs d’Achat de Fruits et Légumes “Moches” dans un Supermarché Virtuel ».

Pourquoi lire cette thèse

Le travail réalisé par Adrien Verhulst est pertinent, intéressant, et innovant. Faisant face à de nombreuses crises futures, l’Homme en tant qu’espèce se doit de changer son comportement de manière globale sur Terre. Il aborde l’un des fléaux les plus importants liés à la société de surproduction et de consommation : le gaspillage. Le gaspillage alimentaire est un problème majeur sur la planète. L’auteur nous présente le gaspillage associé à l’acceptation par les consommateurs de fruits et légumes imparfaits, mais comestibles au travers d’un état de l’art recélant d’informations pertinentes sur les différents thèmes abordés. Des fruits et légumes en passant par le calibrage et la génération procédurale jusqu’aux magasins de réalité virtuelle immersifs, vous saurez tout ! Et il y a de quoi s’étonner et s’émerveiller.

Le manuscrit en lui-même est fluide et l’étudiant a fait un bel effort de recherche et de rédaction. L’auteur réussit dans son manuscrit à entremêler sans accrocs des thèmes comme l’économie, la programmation informatique et les comportements humains. Dans son ensemble ce texte est une source d’information très pertinente pour connaitre un sujet méconnu.

Ne pas se prendre le chou

L’objectif de cette thèse est d’étudier la faisabilité d’étude sur le comportement d’achat et la perception que peuvent avoir des consommateurs dans un magasin virtuel proposant des fruits et légumes moches. Cette thèse se compose d’une partie théorique, d’une partie méthodologique et d’une partie expérimentale.

La première partie théorique correspond à l’état de l’art relatif aux différents acteurs et concepts associés au thème central de la thèse que sont :

  • Les fruits et légumes non moches et moches, leur définition, labélisation et leur utilisation dans la grande distribution ;
  • La réalité virtuelle et son utilisation dans les études de perception et de comportement d’achats de produits ;
  • La génération des fruits et légumes dans l’informatique graphique.

La deuxième partie méthodologique de cette thèse commence par la présentation d’une méthode semi-procédurale de création de fruits et légumes imparfaits virtuels combinant l’utilisation de cylindres généralisés et d’un ensemble de systèmes de particules. Pour clore cette partie, l’étudiant propose trois méthodes d’étude des utilisateurs dans des magasins virtuels proposant ces fruits et légumes non conformes.

Dans la troisième partie de ce manuscrit, l’étudiant nous présente un trio d’études explorant la perception et le comportement des consommateurs face à l’achat de fruits et légumes :

  • Étude dans un magasin virtuel du comportement de consommateur face à des fruits et légumes présentant différents degrés de déformation.
  • Étude comparative entre un magasin physique, un magasin virtuel non immersif et un magasin virtuel immersif.
  • Étude en réalité virtuelle de l’effet de l’apparence de l’avatar sur le comportement du consommateur.

Ne pas raconter des salades

« En 2011, un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (ONUAA) a montré qu’environ un tiers de la nourriture à destination de la consommation humaine produite dans le monde finit en réalité en pertes et gaspillages (1) chaque année (soit près de 1,3 milliard de tonnes).

En Europe, c’est ainsi près de 88 millions de tonnes de nourritures qui sont ainsi gaspillées chaque année. Ce gaspillage économiquement coûteux pose également d’importants problèmes environnementaux (surfaces cultivables, ressources utilisées en eau par exemple ou encore utilisation de pesticides et engrais). Il est donc utile et nécessaire de chercher sinon à le supprimer, du moins à le réduire.

Les fruits et légumes sont essentiellement gaspillés (près de 45 %) en Europe et c’est cette catégorie d’aliments qui a le plus fort taux de gaspillage dans le monde par rapport aux autres types de nourriture (e.g. viande, poisson, etc.). Dans les régions industrielles (i.e. Europe, Amérique du Nord, Océanie et Asie industrialisée), les pertes de fruits et légumes causées au niveau des agriculteurs sont d’environ 20 %, et celles causées au niveau des consommateurs sont d’environ 15-20 %. Les pertes de l’agriculture sont dues essentiellement aux standards imposés par la grande distribution qui définissent ce qui est propre ou impropre à la vente, et donc à la consommation.

Pour répondre aux problèmes de tous ordres causés par le gaspillage alimentaire, l’Europe a décidé en 2015 de diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici 2030 en mettant en place (1) une méthodologie permettant de mesurer le gaspillage ; (2) une plateforme avec les acteurs de la grande distribution ; et (3) des mesures pour aider la grande distribution à redistribuer les aliments dont la date limite de vente a expiré. »  

La cerise sur le gâteau

Le travail d’Adrien Verhulst permet de montrer qu’il est possible d’étudier les comportements des consommateurs par le biais d’une stratégie utilisant la réalité virtuelle. Le trio d’expériences proposé par l’auteur révèle des résultats assez surprenants (l’attribution de la qualité a un degré de déformation, l’effet de l’avatar sur les comportements des consommateurs).  

L’auteur rappelle cependant certains biais liés à la méthode et points importants sur lesquels les futurs chercheurs devront être vigilants tels que les biais de comportement d’achats ; ou encore les biais dépendant de la technologie de réalité virtuelle employée.

Les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse laissent cependant de nombreuses pistes de recherche inexplorées comme les effets de la fidélité de la représentation des supermarchés virtuels ; les effets du touché et de l’odorat sur le comportement des consommateurs d’un magasin virtuel ; explorer de nouvelles relations entre l’avatar virtuel et le comportement des consommateurs.

Ramener sa fraise

Quelle est votre relation avec l’imparfait ? Adrien Verhust met en avant la complexité des comportements humains autour de la consommation à l’aide d’outils de réalité virtuelle. Il montre que ces outils d’expérimentations peuvent être utilisés afin de mieux comprendre les facteurs influençant les comportements d’achat des individus, pour le meilleur ou pour le pire. L’ouverture de fin invite le lecteur à réfléchir sur d’autres types de produits alimentaires, mais qu’en est-il pour les services, les cours en lignes et les MOOC ? Comment est-ce que les utilisateurs de ces plateformes réagissent-ils face à des pages à l’esthétique ou à l’enseignant « déformé » ?

De plus la mise en avant de l’effet de l’avatar sur le comportement des consommateurs est assez intrigante. Est-ce que ces avatars ont des effets sur le comportement d’élèves en classe ? Est-ce qu’un avatar peut avoir des effets sur la qualité de la transmission d’un savoir dans le cadre d’une classe en réalité virtuelle ? Selon vous, est-il plus facile d’apprendre le français avec un extraterrestre francophone ou un hologramme de Victor Hugo ?

Voici donc un sujet de réflexion qui peut aller bien plus loin que les fruits et légumes. Jetez-vous sur cette thèse pour vous faire votre propre opinion et en découvrir énormément sur cette thématique.

Bonne lecture !

Thèse présentée et soutenue à l’École Centrale de Nantes, le 2 juillet 2018 Unité de recherche : Centre de Recherche Nantais Architecture Urbanités (Ambiance Architecture urbaine), dans le cadre de l’École doctorale Sciences pour l’ingénieur de Paris, en partenariat avec l’école centrale de Nantes (Université Bretagne Loire).

Sources

Thèse :  

Adrien Verhulst. Étude de Faisabilité d’Études Consommateurs d’Achat de Fruits et Légumes « Moches » dans un Supermarché Virtuel. Traitement du signal et de l’image [eess.SP]. École centrale de Nantes, 2018. Français. ⟨NNT : 2018ECDN0016⟩. ⟨tel-02101446⟩

Lien thèse :

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02101446/

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02101446/document




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