Questions économiques
L’industrie des jeux vidéo est le laboratoire de nouveaux modèles d’affaires ainsi que de nouvelles manières d’engager activement les consommateurs. En Afrique, cette industrie fleurit grâce au développement du numérique. On assiste de plus à l’apparition de nouveaux studios indépendants. Dans quelques précédents articles, nous avons traités des facteurs ayant contribué à cette croissance[1] ainsi que les défis liés au financement [2]. Dans celui-ci, nous voulons explorer les modes de distribution et de monétisation ainsi que la brulante question du paiement des jeux mobile africains.
Modes de distribution
Il existe généralement 2 modes de distribution des jeux, l’un hors ligne ou dans un point de vente physique et l’autre en ligne.
1- Distribution en ligne
Les achats de jeu sont de plus en plus dématérialisés et peu sont les éditeurs qui proposent encore des jeux vidéo avec supports physiques (CD, cartouches…). L’App Store pour iOS et Google Play Store pour Android, MTN Play sont les principales plateformes de distribution et d’achats des jeux mobiles africains. Amazon App store, BlackBerry World, Firefox Marketplace, Samsung Galaxy et Nintendo (branche Afrique du Sud) sont d’autres plateformes de distribution digitale, mais peu populaire en Afrique par rapport aux deux premiers.
Pour ce qui est de la distribution digitale des jeux vidéo africains disponible sur PC ou Web, Facebook et Steam de Valve sont populaires. Cependant, sur Steam, il existe un programme passerelle appelé Greenlight pour laisser la communauté des joueurs filtrer elle-même les jeux de moins bonne qualité. A ce jour, le jeu Aurion de Kiroo Games est probablement le seul jeu vidéo camerounais sur PC et l’un des rares parmi ceux développé en Afrique, à avoir été approuvé sur cette plateforme populaire.
Citons entre autres:
Boet Fighter
Avec une touche parfaite d'africanisme sud-africain et un humour local qui vous fera rire pendant que vous jouerez, Boet Fighter est un jeu PC incontournable. Les joueurs peuvent s'attendre à des niveaux de combat divertissants et visuellement détaillés.
Semblance
Ce jeu unique et excentrique suit un adorable personnage du nom de "Squish", qui se fraye un chemin à travers différents niveaux tout en résolvant des énigmes.
Contrairement à d'autres jeux de plateforme basés sur des énigmes, Semblance permet aux joueurs de modifier le terrain qu'ils traversent ainsi que Squish. Chaque niveau est plus difficile que le précédent et les joueurs doivent s'habituer à sortir des sentiers battus pour passer au niveau suivant.
Il ne s'agit là que de quelques jeux africains, parmi ceux développés en Afrique, qui sont accessibles au travers de Steam et d'autres plateformes de distribution en ligne. Mais qu'en est-il de la 2ème méthode de distribution, celle se réalisant en magasin?
2- Distribution en magasin
Au regard de la faible culture vidéoludique dans la majorité des pays d’Afrique subsaharienne et à l’exception de quelques rares supermarchés, il existe très peu de boutiques ou magasins spécialisés dans la vente de jeux et accessoires de jeu vidéo, et ce, même dans les grandes métropoles africaines. Par ailleurs, il existe peu de jeux africains sur PC. S’agissant des jeux sur console (PlayStation ou Xbox), je ne connais pour l’instant aucun studio africain ayant un jeu opérationnel sur ces plateformes.
Les méthodes de paiement
Comme sus évoqué, Facebook, Google, Apple, Microsoft ou Valve sont les maitres de la distribution numérique des jeux vidéo africains. Apple et Google ont également lancé leurs propres services d'abonnement (Apple Arcade et Play Pass). Mais dans certains pays, les solutions de paiement autorisé ne sont point compatibles avec les pratiques des joueurs.
En effet, le paiement mobile ou mobile money est le moyen de transaction d’argent le plus populaire en Afrique, surtout auprès des jeunes. Avec l’inexistence de cette option dans les Play Store ou App Store dans certains pays africains, les développeurs éprouvent d’énormes difficultés à vendre leurs jeux[3].
Certains comme Eyram Tawiah au Ghana, sont initialement passé par des paiements mobiles en dehors du jeu contre l’obtention d’un code de déblocage.
Figure 1: Méthodes populaires dans le paiement des jeux dans le monde. Source : Statista 2021
Le service Google Pay, désormais opérationnel au Ghana, Afrique du Sud, Kenya etc. facilite grandement les achats internes des jeux mobiles par les joueurs africains. Mais cela n’est point le cas partout en Afrique subsaharienne où les modes de paiement sont encore en déphasage avec ceux utilisés par les joueurs.
Paypal, les cartes de crédit bancaire etc. sont peu populaires. Il est donc évident que l’évolution des technologies financières (fintech) ainsi que l’intégration de l’option mobile money parmi les solutions des boutiques en ligne Play Store et App store, va favoriser l’économie des jeux vidéo sur le continent.
Signalons également que des fintechs comme ECOMMPAY donnent la possibilité d’intégrer une diversité de méthodes de paiement ; ou Digital Virgo qui offre des solutions pour la monétisation des contenus locaux vendus sur abonnement à travers des portails SMS ou audiotels.
La structure travaille déjà avec les médias ou sociétés spécialisées des jeux en Afrique. Ces méthodes de micropaiement (MTN Mobile Money, Orange Money, Tigo Cash, Vodafone Cash…) constituent des alternatives à la carte bancaire sur un continent faiblement bancarisé.
Contrairement à l’Afrique où c’est le paiement par les opérateurs de téléphonie mobile qui est préféré, il s’agit plutôt de la carte de crédit aux États-Unis, au Mexique, au Royaume-Uni, en France, en Inde et au Japon. Le porte-monnaie électronique est en tête en Chine, en Corée et en Russie. La Belgique et l'Allemagne utilisent PayPal comme principal mode de paiement en ligne[4]. Ainsi l’existence du meilleur moyen de paiement pour les africains permettra de maximiser ventes des jeux mobiles.
Conclusion
Le marché du jeu-vidéo en Afrique est un marché qui va continuer à se métamorphoser, en suivant les grandes évolutions technologiques de la décennie. Les développeurs africains de jeux vidéo sont encouragés à créer une plateforme africaine de distribution centralisant les jeux d’Afrique ou à négocier une meilleure visibilité et accessibilité sur celles existantes.
Les opérateurs de téléphonie mobile et les fintech auront certainement un rôle à jouer dans l’améliorer de l’écosystème financier tandis que l’État et les universités auront leur contribution à apporter dans la structuration, le soutien et le développement de programmes d’enseignement intégrant les métiers des jeux vidéo.
Bien qu’il soit encore difficile de générer des revenus satisfaisants de la monétisant des jeux vidéo africains, l’espoir demeure et l’avenir s’annonce rayonnant.
Références
[1] Christian Elongué, “L’industrie africaine du jeu vidéo : de la croissance à la reconnaissance.,” Thot Cursus, 2018,
https://cursus.edu/11792/lindustrie-africaine-du-jeu-video-de-la-croissance-a-la-reconnaissance
[2] Ngnaoussi Elongue C. Christian, “Les défis de financement des jeux vidéo produits en Afrique,” Thot Cursus, juin 2018
https://cursus.edu/11797/les-defis-de-financement-des-jeux-video-produits-en-afrique
[3] Cela augmentera drastiquement le nombre potentiel d’africains pouvant acheter ces jeux sur ces plateformes qui nécessitent majoritairement l’usage de solutions bancaires (carte bancaire, paypal etc.) peu populaires sur le marché africain.
[4] Mike Williams, “Free-to-Play Gaming: Finding the Right Payment Methods Worldwide,” GamesIndustry.biz,
https://www.gamesindustry.biz/articles/2012-06-27-free-to-play-gaming-and-payment-methods-worldwide
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