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Publié le 23 février 2021 Mis à jour le 23 février 2021

La famille s'agrandît : bienvenue à la langue Jedek

Une toute nouvelle langue découverte en Malaisie

Dans une époque où tout est sans cesse remis en question, où un fléau frappe inéluctablement le monde entier, rien ne sera plus comme avant. Plusieurs ont disparu, d’autres disparaitront. De tous temps, partout sur Terre, des changements majeurs ont eu lieu au lendemain de catastrophes majeures. Cependant, l’avenir n’est pas sombre pour autant, car il y a toujours un espoir, une petite lumière qui s’allume quand une autre s’éteint. 

Nous avons souvent parlé de langues en danger, en voie de disparition ou seulement parlées encore par une poignée de locuteurs, mais nous n’avions encore jamais parlé de langues qui venaient de naître, d’apparaitre et qui ne demandaient qu’à s’épanouir. Vous voulez en savoir plus ? Alors direction l’Asie et souhaitons la bienvenue à la petite dernière de la famille des langues du monde : le Jedek.

En route pour l’aventure !

Il était une fois en Suède, à l’université de Lund, une équipe de chercheurs dirigée par les professeurs Joanne Yager et Niclas Burenhult, qui travaillait sur un projet de documentation linguistique intitulé «Les langues des Semang» (groupe ethnique malaisien). Ce travail de recherche entamé en 2017 avait pour but de répertorier et de récolter des données sur les langues parlées par ces tribus, toutes réunies sous la bannière des langues asliennes, qui sont «un rameau de la branche môn-khmer des langues austroasiatiques parlées en Malaisie et en Thaïlande.» 

Comme vous l’aurez compris, ces Suédois se sont donc dirigés vers le nord de la Malaisie, en Asie, à la rencontre des peuples autochtones. Petite information non négligeable, ces Semang ne sont pas d’origine asiatique, mais… africaine ! En effet, ces aborigènes – qui ne sont pas des Malais – sont les descendants, à la peau noire, des premiers habitants de Malaisie et occuperaient les lieux depuis près de 3.000 ans ! 

Et c’est donc lors du passage de ces chercheurs, qui se penchaient principalement sur le Jahai, la langue principale parlée par les quelques milliers de locuteurs autochtones Semang, qu’ils ont eu la surprise de tomber sur un village qui parlait une toute autre langue…

Et voici le Jedek !

Surprise ! Arrivés dans ce petit village de 280 âmes, tout près de la frontière avec la Thaïlande, ce n’était pas du Jahai qu’on entendait, c’était autre chose, de complètement différent : aucun lien ni rapport avec le vocabulaire, les phonèmes ou encore les structures grammaticales du Jahai, pourtant présent sur toute cette partie de la péninsule.

Serait-ce une langue mystérieuse jamais encore découverte ? Oui ! Les chercheurs Suédois la baptisent alors «Jedek». Selon Joanne Yager : « Certains de ses mots suggèrent que le Jedek a un lien avec d’autres langues asliennes parlées dans d’autres parties éloignées de la péninsule malaise »… mais la comparaison s’arrête là. Unique, voilà ce qu’elle est. L’équipe suédoise venait de découvrir une nouvelle langue, jusqu’alors inconnue, parmi les 1.269 langues austronésiennes pourtant déjà répertoriées.

Une langue pacifiste et égalitaire

Mais la surprise ne s’arrête pas là. Après étude et observation, les linguistes se rendent compte de certaines particularités du Jedek : « Cette langue ne contient aucun mot pour désigner les notions d'achat, de vente ou de vol mais plusieurs permettent de décrire différentes sortes d'échange ». En effet, on dit souvent que la langue est le reflet du mode de vie et de la mentalité de ses locuteurs et c’est ici probant : Ces chasseurs-cueilleurs prônent davantage le partage que la compétition. Si des mots comme « Loi », « tribunal », « voler », « emprunter », « acheter », « vendre » sont inexistants de leur vocabulaire, des mots ayant attrait aux valeurs de partage et d’échange sont légion. 

Outre cet aspect lexical, il y a également peu de distinction au niveau des genres : l’égalité entre les sexes est beaucoup plus apparente que dans nos société occidentales (je fais ici référence à la fameuse règle du « masculin qui l’emporte toujours sur le féminin »…). D’autre part, on enseigne aux enfants, et ce, dès leur plus jeune âge, à ne pas entrer en compétition et à favoriser une vie basée sur le pacifisme et l’égalité, loin de la violence.

Ce qui est assez ironique, c’est que ce n’est pas la première fois que ce village avait pourtant été visité par une équipe de scientifiques. Cependant, ce qui avait échappé aux anthropologues n’a pas échappé aux linguistes, qui ont posé d’autres questions et ainsi, leur ont permis de mettre en lumière un aspect pourtant indissociable d’une culture : sa langue ! D’autant plus que cette langue n’est parlée que dans ce village, et dans aucun autre de la région !


Finalement, même si des civilisations et des langues disparaissent, d’autres apparaissent, assurant ainsi ce cycle non seulement de la vie, mais aussi de la culture et des langues. Après la pluie vient le beau temps, alors que cet exemple de langue découverte nous offre à toutes et à tous cet espoir qui peut faire défaut dans ces temps difficiles.


Sources et illustrations



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