« Ô capitaine, mon capitaine », ça vous rappelle quelque chose ? Si ces quelques mots écrits par l’Américain Walt Withman (1819-1892) ne vous laissent pas indifférent, peut-être est-ce parce que vous avez entendu les premiers vers de son poème déclamés par l’acteur Robin Williams (1951-2014) dans le film Le Cercle des Poètes Disparus, en 1989. Le comédien y incarnait John Keating, un professeur de littérature anglaise aux pratiques plutôt originales, qui venait d’arriver dans la prestigieuse académie de Welton, dans le Vermont.
Ce lieu, fictif, était réputé pour sa rigueur et son caractère austère et l’arrivée de ce nouveau professeur allait remettre en question l’art de l’enseignement de cette école. Prônant le refus du conformisme, l'épanouissement des personnalités par la vie en poésie, l'art de profiter de l'instant présent et le goût de la liberté; sa pédagogie allait bouleverser la vie de ses apprenants. Dès le premier cours, il les invite à l’appeler non pas « Professeur », mais « Ô capitaine, mon capitaine ». La salle de cours devient un navire, le professeur, un capitaine au long cours et les apprenants, des matelots, tous dans le même bateau.
Mais aujourd’hui, qu’en est-il de la figure du professeur, de l’enseignant, en particulier en ce qui concerne les langues ? A-t-il encore ce rôle de détenteur de la connaissance ou apparait-il simplement comme un animateur et un accompagnant ?
Tradition ou modernité
Et vous, quel type de professeur êtes-vous ? Êtes-vous de ceux qui suivent à la lettre leur manuel de cours, passant religieusement du cahier du professeur, avec ses explications détaillées, pas à pas, à celui de l’élève, comme préconisé dans la méthode d’enseignement de l’établissement ?
À moins que vous ne soyez un professeur qui suive ce même manuel, mais d’une manière plus libre et décontractée, sautant certaines parties qui ne vous semblent pas appropriées, à vous, à votre type d’enseignement ou tout simplement à vos étudiants ? Faire fi de la méthode ou la suivre, telle est la question. Est-on un mauvais professeur si on ne se soumet pas exactement à l’étiquette et qu’on se permet de mener nos enseignements d’une manière différente, non-conventionnelle ?
La finalité demeure essentielle et tant que les connaissances sont transmises, peu importe la manière de le faire, à condition, bien sûr, à ne pas déborder outre mesure ! De l’originalité, oui, de la folie, non !
Le professeur «magistral »
Le rôle du professeur a bien évolué. Si, traditionnellement, il consistait en un enseignement magistral, c’est-à-dire avec une configuration typique du genre : le professeur est à son bureau, devant le tableau, avec tous ses élèves assis face à lui. Il dispense ses cours, les note au tableau et les élèves les recopie sagement sur leur cahier.
Ne nous le cachons pas, c’est exactement l’image que nous voyons dans les vieux films avec les écoles de rang ou tout simplement en revoyant La Gloire de mon Père (1957), de Marcel Pagnol (1895-1974) ou encore en relisant Le Petit Nicolas (1960), de Sempé (né en 1932) et Gosciny (1926-1977) !
Le professeur qui «veille»
Autre type de configuration, en particulier en classe de langues, le fameux laboratoire !
Déjà une grande révolution dans les années 90, il a continué à se développer selon le même schéma : chaque apprenant est « isolé » avec un équipement audio-vidéo, multimédia, qui lui permet d’écouter, de regarder, de parler et de s’enregistrer dans la langue d’apprentissage.
Le professeur, de son côté, est assis à son bureau et peut écouter et interagir, de sa place, avec les différents étudiants, tout en voyant leur cheminement dans le cours tout au long de la séance.
Le professeur animateur
Et aujourd’hui ? Si vous enseignez dans une classe de langues aujourd’hui, la donne a peut-être changé, déjà au niveau structure de la salle de classe. Les deux « clans » élèves contre prof ne sont plus aussi flagrants. Les configurations éclatées sont bien plus cotées, comme les « classes en U », qui permettent non seulement à l’enseignant de circuler librement d’un côté à l’autre, mais surtout aux élèves de se voir et d’interagir entre eux, à grandeur du groupe classe.
Autre configuration encore plus dynamique, celle dite des « îlots », comprenez par là des petits groupes d’élèves, par quatre ou cinq généralement, offrant alors une moyenne de cinq à six petits regroupements dans la classe, mais dotés d’une disposition leur permettant d’interagir non seulement entre eux, mais aussi avec les autres ilots et avec le professeur.
Ce dernier, vu la configuration de la classe, n’est plus sédentaire, mais devient nomade, passant d’un groupe à l’autre, favorisant les échanges et les interactions. Il n’est plus davantage formateur qu’animateur.
Certes, les objectifs pédagogiques sont là, à atteindre, c’est juste la façon d’y arriver qui change. Chacun participe à sa réalisation. C’est un ensemble d’objectifs communs où, tant l’élève que le professeur a un rôle à jouer. Outre la transmission des savoirs, c’est davantage sur l’échange, l’interaction, l’intégration et surtout la restitution des connaissances avec des mises en situations concrètes et véridiques, aptes à être rencontrées dans la vie de tous les jours, que l’accent est mis.
Le professeur devient maintenant davantage un coach de vie en donnant à ses apprenants les outils qui seront indispensables à leur « survie » dans le monde, en l’occurrence ici, à leur capacité à comprendre, s’exprimer et se débrouiller dans une langue autre que la leur.
Sans oublier aussi le rôle du professeur à distance, qui tend à se démocratiser de plus en plus, de façon complètement virtuelle et dématérialisée. Il peut y être aussi magistral qu'animateur; l'équilibre est toujours à trouver.
Ô capitaine, mon capitaine, vous m’avez bien guidé, maintenant, mon bateau peut continuer à avancer et je peux naviguer !
Illustrations :
Professeur qui offre son savoir, Pixabay,
professeur traditionnel, Pixabay,
professeur à distance, Photo de Julia M Cameron - Pexels,
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