Favoriser une intelligence collective, une action environnementale ?
Apprendre ensemble en intelligence collective est le meilleur moyen d'agir positivement au service de notre planète. L'intelligence collective nosu rend plus vivant.
Publié le 09 décembre 2020 Mis à jour le 09 décembre 2020
Il existe plusieurs formes d’organisations humaines pour réguler le vivre ensemble selon Tönnies (2015) se distinguent les communautés et les sociétés :
Avec les bouleversements produits par des échanges économiques toujours plus intenses, brassages démographiques et culturels, des mouvements planétaires de population (pour des motifs économiques, de guerres, de climat), les sociétés et les communautés n’ont jamais été autant traversées de courants de pensées divergents teintées de religions, de croyances, de façon de vivre différentes. Certains états à visées impérialistes ou nationalistes essayent de maintenir une homogénéité des façons de penser et de vivre ensemble et mettent au pas toutes les minorités par trop velléitaires de leurs singularités, d’autres essayent de réinventer le contrat social et les formes de la démocratie.
Ainsi, les humains sont décrits comme des animaux sociaux tirant leurs identités de leurs communautés d’appartenance ou des sociétés dans lesquelles ils vivent, pourtant quand les grandes mailles se détricotent, il serait sûrement plus correct de les décrire comme des animaux tribaux protégeant leur groupe. (Greene)
Et si avec le retour en grâce de la valeur « proximité », la « tribu » était en train de se réinventer ? Ce qu’annonçait déjà Maffesoli (2019) dans son ouvrage, « Le temps des tribus », comme critique du modernisme. Ce faisant, il est possible de noter que les rapports aux savoirs mutent aussi. À côté des savoirs partagés des communautés et des savoirs savants monnayables des sociétés de nouvelles relations aux savoirs s’expérimentent.
Lorsque le mot tribu est évoqué, l’image des peuples premiers surgit, dans des forêts ou des iles lointaines ou bien celle des tribus gauloises ou germaniques de l’antiquité. À savoir de petits groupes humains, où l’interconnaissance entre les membres du groupe est complète, la socialité se trouve dès lors plus empathique, les liens plus affectifs. La tribu est aussi marquée par un sentiment d’appartenance plus fort à un espace et à des manières de vivre d’un groupe en relation étroite avec la nature.
L’idée d’un affect fusionnel est à son maximum, car la tribu est un ensemble humain où tous se connaissent et où chacun a des parents proches; les liens de sangs sont forts. Le patrimoine de la tribu est autant génétique que territorial ou culturel. Les savoirs tribaux se définissent comme des savoirs propres à une tribu mais inconnus à l’extérieur. Ils sont marqués par les temps longs de tris et de mise au point de gestes, de médecines, d’itinéraires ou de choix d’habitats.
Les savoirs faire des tribus pour vivre ensemble harmonieusement sont nombreux. A ce titre il est possible de relever :
Par l’organisation de ses liens entre les individus, les genres ou les générations, la tribu résout les questions relatives à la hiérarchisation des valeurs. L’art y est un marqueur de l’invisible qui unit et traverse la tribu et laisse ses traces symboliques dans le temps. Ce qui se nommerait apprentissage informel ou fonctionnement informel de l’organisation dans les entreprises. Quelque chose produit un effet, crée une valeur que personne n’est clairement capable de décrire. Une part des savoir faire tribaux est indicible, vécue inconsciemment.
Partant de ces constats sur les fonctions de la tribu, des questions intéressent les organisations :
Ces questions aident à se représenter le fonctionnement d’un collectif dans sa dynamique. En effet, si les spécialistes des organisations montrent le rôle essentiel des structures (organigrammes, descriptifs de rôle et de fonction, contrats etc.), ils pointent tout autant l’importance de ce qui ne se voit pas et fait achopper les transformations (ressentis, affects, croyances, habitudes etc.).
Les tribus, par leur ancrage et leur appartenance, n’auraient pas perdu le lien à la nature et disposeraient même de sagesse humaine perdue. Elle serait en cela exemplaires. Par exemple, les nomades nenets de Sibérie sont tirés par leurs rennes en recherche de pâturages, ce ne sont pas les pasteurs qui guident les troupeaux mais l'inverse "le troupeau te tire". Une métaphore du servant-leadership ?
Bien sûr les valeurs et usages du tribalisme sont utilisées par un entrepreneuriat dit tribal ou du marketing dit tribal qui se joue de relations fusionnelles pour vendre ou optimiser l’action. Les tribus de geeks ou de hackers s’unissent autour de leur totem, créent leur langage, colonisent leurs lieux. Les agilistes usent aussi des mêmes codes pour imaginer de nouvelles formes de leadership en se mettant au service de « noble cause ».
Un shamanisme d’entreprise prétend mouvoir les forces occultes et proposer des récits d’organisation. La tribu valorise l'expression orale et l’organisation narrative rassemblerait toute la tribu dans un récit mythologique permettant de marcher à même les braises de la concurrence. Cependant au-delà de l’impact du mot « tribu » et des valeurs qu’il représente que s’arrogent des groupes de vendeurs, de managers ou d’apprenants, la question essentielle de la tribu est l’appartenance à une terre et une sagesse de la nature.
Au-delà de l’intimité du fonctionnement d’un groupe humain chaleureux et protecteur, c’est son attachement à la terre sa vision holistique du monde et de la place des humains qui doit nous interpeller, sinon l’expression et le message des tribus seront brouillés dans la logorrhée managériale habituelle.
Sources
Agiliste - introduction au leadership tribal
https://agiliste.fr/introduction-au-leadership-tribal/
Studio Gazoline - Le marketing tribal la nouvelle tendance
https://www.studiogazoline.com/blog/le-marketing-tribal-la-nouvelle-tendance
wiki tribal knowledge - https://fr.qaz.wiki/wiki/Tribal_knowledge
Revue de l'entrepreneuriat - https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2016-2-page-15.htm
Jamin, J. (1977). Les lois du silence: essai sur la fonction sociale du secret. FeniXX
Ethnographie comparée de pratiques savantes. Une approche d’histoire des savoirs de l’oralité en Afrique Yaovi Akakpo
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01742381/document
Greene, J. Tribu morale L'émotion, la raison et tout ce qui nous sépare
https://www.decitre.fr/livres/tribus-morales-9782940427307.html
Foyer, J., & Kervran, D. D. (2020). Mettre en récit les savoirs traditionnels. Une diplomatie scientifique alternative à la COP21 [bonus-article en ligne]. Terrain. Anthropologie & sciences humaines, (73).
https://journals.openedition.org/terrain/20607
Tönnies, F. (2015). Communauté et société: catégories fondamentales de la sociologie pure. Presses universitaires de France.
https://www.decitre.fr/livres/communaute-et-societe-9782130556435.html
Maffesoli, M. (2019). Le temps des tribus. Le déclin de l'individualisme dans les sociétés postmodernes. Editions de la Table Ronde.
https://www.decitre.fr/livres/le-temps-des-tribus-9782710390305.html
Van Gennep, A. (2019). The rites of passage. University of Chicago Press.
France culture – Les nomades de Sibérie
https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires-de-daniele-sallenave/les-nomades-de-siberie
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