L'e-Sport est une forme de jeu vidéo compétitif qui est diffusé
et joué sur Internet, individuellement ou en équipe. Aux États Unis, la
High
School eSports League (HSEL) revendique plus de 1 500 écoles comme membres.
Selon
l’Association Nationale des collèges organisant des tournois d’eSport (National
Association of Collegiate Esports), plus de 170
universités américaines ont des programmes d’eSport et offrent environ 16
millions de dollars par an en bourses d'études.
L'effet pédagogique et les traces économiques de l'e-sport sont indéniables car c'est déjà un business
d'un milliard de dollars seulement aux USA et la croissance est similaire dans
bien d’autres pays. Les cours d’eSport ont déjà trouvé leur place dans des
collèges et lycées asiatiques ou scandinaves. Cependant, dans les pays
francophones, l’enthousiasme pour l’eSport n’est pas aussi élevé que dans ceux
anglo-saxons. La formation à l’eSport des jeunes est majoritairement concentrée
dans des écoles privées spécialisées et cet article présente quelques avantages
à intégrer davantage cela dans les écoles ou universités publiques et à en
démocratiser la pratique en tant que méthode pédagogique.
1. Les compétitions eSport
entrainent un plus grand succès académique
Les adolescents aiment jouer. En 2018, le Pew Research
Center a rapporté que 97
% des adolescents et
83 % des adolescentes jouaient à des jeux vidéo. D’autres études
ont démontré que les élèves qui participent à des activités extrascolaires,
notamment les jeux de sport électronique, ont plus de succès académique.
2. L’eSport favorise
la créativité, la sociabilité et la collaboration
Les jeux de sport électroniques peuvent permettre aux jeunes
introvertis à se socialiser davantage avec la communauté scolaire. Le sentiment
d'acceptation acquis en participant à des activités extrascolaires comme l’eSport
préserve la santé physique et mentale des élèves.
Lorsque les enfants se
sentent inclus et bien dans leur peau, ils sont moins susceptibles de chercher
à attirer l'attention par des comportements provocateurs et agressifs. Selon
des chercheurs
de l'American
Psychological Association, le rejet social augmente la colère, l'anxiété, la
dépression, la jalousie et la tristesse. Il réduit les performances lors de
tâches intellectuelles difficiles.
Des recherches récentes ont révélé que la douleur d'être
exclu est neurologiquement presque identique à la douleur d'une blessure
physique[ii]. «
Tout est question de créativité et de collaboration », explique Ron Pirayoff, un
enseignant de Saddleback Valley(USA) qui a intégré l’eSport à son cursus.
« Je
considère l’eSport comme un moyen de faire participer les enfants. C'est
vraiment un moyen pour nous d'atteindre une population différente ».
Selon
Garcia, professeur d'histoire au Lycée Duncan de Fresno, les tournois d’eSport aident
à développer le sentiment d’appartenance, en particulier pour les enfants qui
se sentent exclus » dit-il. Certains jeunes
et élèves qui ne pratiquaient jamais le sport ou aucune activité extrascolaire
et rentraient directement chez eux, ont développé un intérêt pour les équipes d’esport.
Ils appartiennent désormais à un groupe social, qu’ils côtoient même en dehors
de l’école. Après certains matchs, certains jeunes sortent manger une pizza ou
un plat de Koki ensemble. Ce sentiment d’appartenance et de communauté est l’une
des forces de l’eSport.
3. Les élèves acquièrent des compétences grâce
aux jeux à l'école
Les sports d'équipe permettent d'enseigner des leçons
importantes et des compétences de vie au-delà de la salle de classe. Ces compétences comprennent :
- Travail d’équipe. Cela exige
le développement d'innombrables compétences supplémentaires comme la
communication, la collaboration, la négociation, la gestion des conflits,
l'écoute active et le respect.
- Compétences sociales comme le maintien
d'un contact visuel, l'utilisation d'un langage corporel approprié et le
contrôle de soi.
- Réflexion et planification stratégiques. L’eSport exige des
élèves qu'ils se fixent des objectifs, évaluent la compétition et examinent
leurs points forts et leurs points faibles individuels. En tant que membre
d'une équipe, les élèves apprennent à établir des tactiques, à élaborer des
plans de jeu et à ajuster l'exécution en fonction des besoins.
- Gérer les succès et les échecs. Pratiquer l’eSport
permet de comprendre que la vie n'est
pas toujours juste. Peu importe les efforts que vous déployez pour vous
préparer, vous ne serez pas toujours au top. Apprendre à gérer les émotions de
la perte - et de la victoire - aide les élèves à devenir plus résistants
émotionnellement.
- Gestion du temps. Pour pouvoir
participer aux compétitions d’eSport à l’école, les élèves doivent maintenir
leur performance académique. Pour ce faire, ils doivent apprendre et appliquer
des compétences managériales comme l'organisation et la gestion du temps.
4. L’eSport dans les écoles favorise l'apprentissage des
STIM
L’eSport favorise l’apprentissage de la science,
technologie, ingénierie et des mathématiques (STIM). Les étudiants du lycée ou de
l’université, qui sont attirés par les jeux de sport électroniques sont souvent
tout aussi captivés par l'écosystème technologique au sens large. Les élèves
impliqués dans des jeux électroniques réussissent mieux en mathématiques[iii],
sont plus susceptibles d'être attentifs en classe et se sentent également mieux
dans leur peau et adoptent moins de comportements nuisibles comme le tabagisme
et la consommation d'alcool.
En 2018, par exemple aux États Unis, le directeur
des compétitions eSport dans un établissement, a déclaré que près
des deux tiers des joueurs de leur League of Legends se spécialisaient dans les domaines
des STIM.
5. L’eSport ouvre des horizons de carrière
Les étudiants qui pratiquent l’eSport sont tout à mieux
préparés à démarrer une carrière dans les STIM. Bob Venero, le fondateur et
directeur exécutif de Future Tech Enterprise, Inc., confie dans cet
article Forbes que « ses meilleurs employés et les récents
recrutements dans son entreprise sont des joueurs passionnés d’eSport ».
Par ailleurs, les équipes d’eSports ont besoin d'un
éventail de personnel de soutien pour fonctionner. Il peut s'agir de managers,
de personnel de marketing, de professionnels de la technologie et des finances,
de personnel médical et de recruteurs. Aux États Unis, on estime même que
l’eSport pourrait éclipser
la NBA d'ici 2021.
6. Bourses d'études universitaires
Près de 100
collèges et universités sont membres de la National Association of Collegiate
Esports (NACE), l'organisme officiel qui régit les sports
universitaires. Plus de 250 autres ont des programmes de club. Près de 200
collèges américains offrent collectivement environ 15
millions de dollars par an en bourses d'études dans le domaine des sports
universitaires.
7. Un champ
disciplinaire émergent et intéressant pour certaines universités
Tout une industrie s’est rapidement
construite autour de l’eSport et la croissance est continue au point de devenir
un domaine d’étude en développement dans les universités. Par exemple, l'école
de marketing sportif de l'université de l'Oregon à Varsovie propose un cours
introductif « eSports 101 » en partenariat avec Turner Sports.
L'école
Newhouse de l'université de Syracuse en propose également un, en partenariat
avec Twitch. Le Becker
College propose même un cursus licence en « Gestion des eSports »
Les établissements d'enseignement supérieur ayant une
forte culture de l'eSport-études ont tendance à proposer un programme d'études
solide dans le domaine des STIM. Aux États Unis par exemple, la Shawnee
State University de Portsmouth, est un
pionnier dans la conception de jeux et de compétitions sportives. L'université
propose une licence scientifique en programmation de jeux par le biais du
département d'ingénierie ainsi qu’une licence littéraire en « art du
jeu » par le biais du département des beaux-arts.
Au-delà de la conception de cursus autour de l’eSport,
certaines universités sont allés au-delà de la création de « simples
clubs » rassemblant les étudiants pratiquant l’eSport avec leur propre
ordinateurs ou dans les salles informatiques, pour créer des espaces complets,
éuipés et semblables à des arènes dédiées exclusivement à la pratique des
compétitions d’eSport. C’est le cas par exemple de l'université de Californie à
Irvine (UCI), qui a été la première à avoir une arène sur son campus, l'université d'Akron et
l'université d'État de l'Ohio.
Apaiser la méfiance et dépasser les hésitations...
Malgré les nombreux avantages du jeu vidéo électronique
dans un cadre scolaire, de nombreux parents et éducateurs rechignent toujours à
l'idée d’introduire cela dans le système éducatif. Au Canada, l’école
polyvalente Arvida dans la Commission scolaire de Jonquière avait offert le
premier programme eSport-études de la province. Celui-ci était proposé aux
élèves de la troisième à la cinquième du secondaire. Mais l’idée n’avait pas
été acceptée immédiatement par la direction et les promoteurs du projet avaient
dû persuader la direction de ce que l’usage du jeu électronique n’était point
une perte de temps mais une stratégie alternative et pédagogique pour faciliter
l’apprentissage des différentes applications informatiques, les réseaux
sociaux, les équipements de réseautique, le matériel physique, etc.
Au lycée d’Arlanda en Suède[iv],
les élèves suivent des cours d’eSport dans le cadre du programme d’éducation
sportive locale. Une dizaine d’heures par semaine avec au programme des séances
de compréhension du jeu, de la tactique mais aussi une approche plus globale
sur la préparation de l’athlète, sur Counter-Strike, League of Legends ou
encore Dota 2.
En France également, les lycéens suivent le cours d’eSport
dans les locaux de l’école mulhousienne
Power house gaming, une école postbac qui dispense aussi des formations à
Bac+1 et Bac+3. Une vingtaine d’élèves de 2nde et de 1re suivent ces dizaines
d’heures d’option dans l’année pour lesquelles ils ne reçoivent pas de notes,
mais des appréciations comptant dans leur parcours scolaire. « On fait
passer aux jeunes, qui candidatent à l’option, des tests de culture générale et
en jeux. Ensuite, pendant le cours, on leur apprend l’histoire de l’eSport, la
définition des métiers, on fait de la pratique. Le tout à des fins pédagogiques
et compétitives », explique Terence Figueiredo, directeur de Power house
gaming.
Abdeslam Hamdy, le proviseur du lycée, persuadé de ce que
l’e-sport a toute sa place dans le créneau des « innovations
technologiques » enseignées au lycée, a convaincu ses équipes
pédagogiques : « Au début il y a eu de l’hésitation, de la
méfiance. Les gens se demandaient si on n’allait pas encourager à
jouer : non, on va plutôt encadrer, pour que les élèves tirent
l’essence de la discipline et l’utilisent comme une ressource pour la pratique
scolaire. » Et comme je l’ai démontré dans cet article, j’encourage
la démocratisation de l’eSport comme méthode pédagogique autant dans le milieu
scolaire et universitaire car l’école ne peut (et ne doit) pas totalement
rester à l’écart des évolutions de la société. Le jeu vidéo est un support
populaire et un phénomène de société, l’école peut s’en emparer pour développer
d’autres compétences chez les apprenants. Alors l’eSport à vocation pédagogique
sera bénéfique à condition de guider les jeunes et de leur apprendre.
Références
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