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Publié le 29 octobre 2020 Mis à jour le 29 octobre 2020

Ce que les réseaux et les blogs nous disent du métier de scientifique

Du mythe au quotidien : le vécu des chercheurs à travers quelques comptes sur Twitter

Indiana Jones m’a donc menti ?

Distrait, désintéressé et isolé comme le professeur Tournesol, inquiétant et sans scrupule comme Otto Octavius, alias Octopus. Tantôt ridicule, tantôt surpuissant. Tantôt héros, tantôt froid, méprisant et prêt à tout. L’image des scientifiques n’est jamais tiède ! D’autant qu’ils sont parfois tout à la fois, comme le Pasteur que nous décrit Eric Orsenna, capable d’émotions très nobles et d’une rigidité qui nous semble cruelle en 2020.

Pourtant, c’est une réalité bien différente que nous racontent les scientifiques sur les réseaux sociaux. Ils nous présentent un vécu au jour le jour et en direct. Ils nous font prendre du recul vis-à-vis des récits plus ou moins déterministes qui expliquent a posteriori les résultats éblouissants de tel ou tel chercheur.

Les comptes comme @enDirectduLabo ou @laBioauLabo sur Twitter sont particulièrement intéressants. Chaque semaine, un nouveau scientifique se met aux commandes de ces comptes, se présente, décrit son champ de recherche, et entre très rapidement dans son quotidien : un équipement qui arrive au labo, un exposé en préparation, une publication, etc.

L’ascenseur émotionnel

Du cinquantième étage...

Les messages postés montrent, s’il était besoin, que la science c’est de l’émotion ! Sur Twitter, nous découvrons des biologistes à l’œil humide et au regard attendri qui guettent l’éclosion de larves d’insectes. Nous en rencontrons d’autres qui collectent avec passion des sachets de thé pour en étudier la décomposition. Et nous faisons la connaissance d’une chimiste frigorifiée sur un bateau, mais enthousiaste à l’idée de remplir des bouteilles d’eau de mer pour ses prochaines analyses...

À ces émotions s’ajoutent celles des découvertes, des publications, des expériences qui aboutissent ou des grandes avancées partagées par une communauté. Songeons par exemple à la découverte du boson de Higgs ou des ondes gravitationnelles.


... au quatrième sous-sol

Mais être chercheur, c’est aussi de longues heures à traiter des données, à répéter les mêmes expériences, à traquer l’erreur qui empêche l’expérimentation de donner les résultats attendus. Parfois, ce métier demande autant de patience et d’abnégation que celui d’un comptable qui saisirait des notes de frais à longueur de journées...


Des lieux et des espaces

Chaussée de bottes, Delphine Barbier-Pain fait un carottage avec une collègue. C’est physique, il faut aller chercher profond. Il fait froid et humide, la terre semble coller aux bottes. Elle obtient une tourbe grasse qu'elle coupe avec l’attention d’un pâtissier à qui on aurait confié la réalisation des desserts pour un mariage. Delphine Barbier-Pain est palynologue. Elle étudie les pollens qui sont des indicateurs quasi indestructibles de la vie sur un espace géographique.

Les lieux et les espaces donnent une couleur aux  recherches. Émilie Gauthier, dans la vie du labo nous emmène au Groenland tandis qu’Océane Barraud prend la direction de Mars. D’autres scientifiques nous présentent leur labo. Pour un profane, il y a une poésie des lieux et des objets qui se dégage de ces images.


Des réseaux pour garder la motivation et pour avancer

L’histoire des sciences nous est parfois racontée à travers des personnages qui ont pensé contre les autres et qui ont porté une intuition à laquelle personne ne croyait. La réalité est souvent loin de ces récits héroïques. On débat beaucoup, on confronte les idées, on présente des résultats. Au début du XXe siècle, le congrès Solvay qui réunissait les plus grands physiciens et chimistes constituait par exemple un moment de rencontre essentiel, qui se poursuivait par d’autres rencontres et de nombreux courriers.

Plus près de nous Cédric Villani montre dans son livre Théorème vivant que la recherche s’appuie sur des réseaux très denses. Lauréat de la médaille Fields qui récompense les meilleurs jeunes mathématiciens, il entretient une correspondance quasi quotidienne avec son collègue Clément Mouhot et d’autres mathématiciens répartis sur tous les continents. « Tout seul, je n’y arriverai pas », nous dit-il dès les premières pages.

Présenter ses travaux régulièrement, produire des synthèses, se soumettre à la critique et parfois publier sont les meilleurs tremplins pour avancer. C’est aussi nécessaire pour se construire un groupe d’appartenance avec qui partager quand personne ne semble comprendre ce qu’on fait !

Les scientifiques se reconnaissent comme faisant partie de communautés. Les liens entre pairs sont forts, mais le métier ne permet pas le repli dans un groupe restreint, et c’est tant mieux.

Un lien avec la société

Les scientifiques sont obligés de s’ouvrir sur l’extérieur. Ils sollicitent des financements, se confrontent à d’autres disciplines, partagent souvent généreusement les outils qu’ils créent. « la communauté de bioinformatique a une tradition assez fortement ancrée de mise à disposition des outils » nous explique Jessica Andreani, chercheuse en biologie computationnelle. Elle détaille les principes FAIR acronyme qui exige que les outils créés dans le cadre de la recherche soient Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables (capables de fonctionner avec d’autres produits ou systèmes) et Réutilisables ».

La vulgarisation, la mise en scène des expériences et des résultats font maintenant partie du métier. La science en bulles, la fête de la science, les thèses en 180 secondes, les conférences TED, toute une palette de supports de communication s’offrent au scientifique pour présenter son travail, et répondre au besoin de comprendre du public.

Sur le compte laBioauLabo, Jessica Andreani  nous présente une liste d’activités liées à son métier, mais qui ne sont pas directement de la recherche. En tant que bioinformaticienne, son activité se concentre autour de l’analyse, de la programmation et de la visualisation de données.  Mais comme chercheuse, elle est aussi amenée à accompagner des collègues moins expérimentés. Elle relit des travaux, elle donne des pistes. Les chercheurs animent souvent des cours, pour partager leurs avancées, ou de manière plus classique, pour former sur une discipline qu’ils/elles maîtrisent.

Jessica Andreani explique également qu’une partie du travail consiste à répondre à des appels à projets, et à rechercher des financements. Enfin elle évoque l’expertise, où les scientifiques sont sollicités sur leur domaine et la médiation scientifique.

Mais il y a encore les à-côté des à-côté, comme lorsque Maxime Deforet, chercheur en physique et en biologie devient aussi plombier... « La recherche, c’est se placer en limite des connaissances, mais c’est aussi mettre les mains dans le cambouis car on est souvent les seuls à utiliser telle ou telle machine. »



Illustrations : Frédéric Duriez et captures d'écran "en direct du labo" et "la bio au labo".

Ressources :

Delphine Barbier-Pain, palynologue - les sciences de l'archéologie - enregistré en 2012, consulté le 24 octobre 2020
https://youtu.be/0qbiCeniXik

Sur Twitter :

@laBioauLabo

@endirectdulabo

@jessica_compbio (Jessica Andréani)

@zoelbrs (Zoé le Bras)

Karim Hamou, Calenda Docteur Jeckyll et Mr Hyde, La figure du scientifique et sa perception, entre self fashioning et perception du public — publié en 2010, consulté le 22 octobre 2020

https://calenda.org/200515

Peb et Fox Sciences en bulles - bande dessinée à télécharger :
https://www.fetedelascience.fr/sites/default/files/2020-10/Sciences%20en%20Bulles%20num%C3%A9rique.pdf


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