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Publié le 21 octobre 2020 Mis à jour le 21 octobre 2020

Tempête linguistique au Canada

Avis de tempête météorologico-linguistique en vue

La vie est-elle une météo imprévisible ? Oui, selon le cinéaste français Claude Lelouch (né en 1937). Mais qui dit météo, dit temps atmosphérique et complications possibles. Ouragans, tornades, tempêtes, cyclones font désormais partie de notre quotidien, mais saviez-vous que ces mêmes expressions peuvent trouver un écho dans notre contexte linguistique également ? 

En effet, depuis plusieurs années, au Canada, on peut entendre parler de « tempête linguistique », mais qu’en est-il également de ce phénomène météorologico-linguistique ? Amis lecteurs, bonjour et bienvenue à notre bulletin météo spécial : avis de tempête sur le Canada, pas au niveau du temps, mais bien au niveau des langues !

État des lieux

Ô Canada, terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux !

Si ces deux petites lignes vous disent quelque chose, ce sont les premiers mots de l’hymne national du Canada, écrit en 1906 par Basile Routhier (en français, puis en anglais) et mis en musique par Calixa Lavalée.

Ces « aïeux » font référence aux premiers colonisateurs, les Français, qui ont alors amené avec eux, dans cette « Nouvelle France », leur culture et leur langue. Cependant, l’histoire du Canada, bien que courte, n’en est pas moins tumultueuse, en particulier en ce qui a attrait aux langues car, en effet, tour à tour ce pays s’est vu disputé par les Français et les Anglais… sans oublier les premières langues en présences, celles des autochtones.

Plus de 200 langues sont parlées au Canada, mais deux seulement sont officielles : l’anglais et le français. La langue héritée des Britanniques est parlée dans 57% du Canada, soit par plus de 18 millions de personnes. La langue française, quant à elle, ne représente que 22% des locuteurs canadiens, soit un peu plus de 8 millions de personnes, la majorité se retrouvant au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, anciennement l'Acadie. 

Devant un tel héritage, le Canada a décidé, en 1969, d’adopter une loi sur les langues officielles, rendant alors le français égal et proportionnel à l’anglais et ce, dans tout le gouvernement fédéral, faisant alors du Canada un pays officiellement bilingue et multiculturel.

Tempête linguistique

Ceci dit, au vu de ces chiffres, il convient de s’interroger sur cette « égale proportionnalité » du français par rapport à l’anglais. Si bon nombre des Canadiens sont francophiles, il existe encore et toujours d’irréductibles résistants qui ne l’entendent pas de cette oreille. Aussi peut-on voir régulièrement plusieurs mini-tempêtes linguistiques se propager au Canada, en particulier en Ontario, puisque c’est dans cette province que se trouve la capitale, Ottawa.

Le premier avis de tempête se passe en 2011, à l’université d’Ottawa justement, où un professeur de sciences politiques, François Charbonneau, a carrément « kidnappé » une grande affiche publicitaire de la Banque Nationale du Canada, sous prétexte que celle-ci était rédigée en anglais seulement et qu’en plus, elle avait été approuvée par la direction de l’université, qui se targue pourtant d’être la principale université francophone en Ontario ! Pour ce professeur :

« Il s'agit d'un profond manque de respect envers la clientèle. La Banque a fait son pain et son beurre des francophones. C'est quoi le message ? Il y a des limites à faire l'étalage de l'incompréhension de sa clientèle ».

Le deuxième avis de tempête a lieu sept ans plus tard, au Québec, cette fois, plus précisément à Sherbrooke, dans la région de l’Estrie. Le protagoniste n’est ni plus ni moins que le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d’un rassemblement sur le thème de la santé. Judith Ross, de Mental Health Estrie (un centre médical anglophone de cette région) l’a alors interrogé – en anglais, et la réponse a été donnée en français. Haro sur le baudet ! S’écrirait La Fontaine, et cela n’a pas manqué, en effet. La journaliste s’est sentie insultée. La réponse du premier ministre n’a pas tardé : « Il est important de parler et de défendre le français au Québec », d’autant plus que quelques semaines auparavant, il avait fait de même, en répondant en anglais à une question posée en français, mais là, il était en Ontario, donc en terre majoritairement anglophone… sans que cela ne soulève aucun tollé… Plus magnanimes, les Franco-Ontariens ? Peut-être !

Depuis lors, les avis de tempête se suivent et se ressemblent. Que ce soit pour des affaires courantes, comme chez Air Canada, trainé en justice par des voyageurs francophones qui ont été incapables de se faire servir en français sur plusieurs vols de la compagnie nationale -donc bilingue officiellement-, ou encore plus sérieusement pour des affaires politiques, où le terme de tempête linguistique résonne de plus en plus. Un exemple à citer serait celui déclenché par Doug Ford, un homme politique du Canada anglophone -et premier ministre de l’Ontario depuis 2018-, qui a carrément pris la décision de sabrer les services en français.

Finalement, où en sont les prévisions météo en terme de langues au Canada ? Toujours dans la tempête semblerait-il. Mais dans un pays si grand, avec une si grande diversité culturelle, peut-on vraiment exiger plus que ce statut de bilinguisme officiel ?

Français et anglais sont les deux langues du Canada, chacune représentant une fierté linguistique et culturelle, témoin de son héritage historique français et britannique. D’un océan à l’autre, voilà la richesse du Canada, sa diversité linguistique et culturelle, et ce n’est pas le nombre de tempêtes ou de phénomènes météorologico-linguistiques qui pourront venir à bout de « la terre de nos aïeux ».


Sources et illustrations


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