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Publié le 15 octobre 2020 Mis à jour le 24 février 2022

Formation à distance : ne chargeons pas trop !

Que faire quand les contenus sont trop lourds ?

Du contenu !

C’est comme un départ en voyage nous dit Trina Rimmer.  Il est toujours facile de remplir la valise, d’ajouter encore et encore. On ne sait jamais, ça pourrait servir. En formation à distance, la tentation de remplir la plateforme, d’ajouter des textes et des textes, de multiplier les diapositives guette les formateurs, surtout lorsqu’ils sont davantage orientés vers les contenus que vers les compétences et les activités.

Mais le risque est que les participants soient submergés par un excès d’informations et ne voient plus où sont les priorités. Que faut-il retenir, que faut-il savoir faire ? Qu’est-ce qui est essentiel. ? Aussi indécis qu’un moustique survolant un camp de nudistes, l’apprenant ne sait plus comment s’orienter.

L’effet Zeigarnik

Présentation de l’effet

Chacun le sait : on apprend beaucoup dans les cafés. Bluma Zeigarnik est encore étudiante lorsqu’elle fait une observation décisive. Les serveurs se souviennent parfaitement des commandes jusqu’à ce que les clients aient payé. Si on les interroge ensuite, ils ont oublié une grande partie des commandes. La psychologue fait l’hypothèse que lorsque nous engageons une activité, nous gardons en mémoire les données qui nous seront indispensables pour l’achever. Une tâche interrompue continue ainsi de mobiliser notre cerveau jusqu’à ce qu’elle soit terminée !


Elle réalise une étude avec un groupe d’enfants qui lui confirme son hypothèse : lorsqu’une activité est interrompue, ceux-ci s’en souviennent davantage le lendemain.

Les enfants réalisent une vingtaine d’activités. Certaines sont interrompues, et le lendemain, Bluma Zeigarnik les interroge. Celles qui n'ont pas été finies obtiennent un meilleur score de mémorisation.

On compte de nombreuses utilisations de cette découverte, connue sous le nom « effet Zeigarnik ». Ainsi, dans un roman, le suspense en fin de chapitre provoque un sentiment d’inachevé et garantit que vous reviendrez lire la suite. Dans un autre contexte, les indicateurs de progression des applications maintiennent notre attention sur une activité non terminée.

Quelle utilisation en formation

L’effet Zeigarnik est important en formation. Des auteurs conseillent de découper l’activité en petites séquences, avec des tâches réduites, qui ne paraissent pas décourageantes. Il est plus facile de s’attaquer à une succession de petits obstacles qu’à une montagne.

  • Une liste d’activité visible, qui permet de se rendre compte de son avancée et de ce qui reste à faire.
  • Un indicateur de complétude sous forme de barre de progression ou d’un pourcentage
  • Un fil rouge ou une même une histoire, qui permet de suivre différentes étapes
  • Une collecte de badges, d’indices ou de preuves de résultats.
  • On peut également utiliser une astuce utilisée par les séries télévisées. Chaque épisode se termine par deux ou trois minutes de « bande-annonce » qui consiste en extraits dramatiques de l’épisode à venir. Terminer en annonçant la suite, c’est insister sur le fait que ce n’est pas terminé...

Le nombre magique de Miller

George Armitage Miller est né en 1920. En 1956, il fait le constat que la capacité de traitement du cerveau humain est limitée autour du nombre 7. Nous sommes capables de traiter de 5 à 9 groupes d’informations, des « chunks ». Ces groupes sont composés d’informations cohérentes entre elles. Plus nous sommes experts, plus nous construisons des liens entre ces éléments, et plus ces groupes peuvent être riches. Des expériences réalisées avec les joueurs d’échecs experts montrent ainsi que ce travail de regroupement est d’autant plus efficace que les interactions entre les éléments ont du sens et permettent d’envisager des actions.


Et en formation à distance...

Les contenus trop lourds se heurtent donc aux limites de nos cerveaux. Les découvertes de G. Miller nous donnent une solution : construire des formations autour de blocs cohérents. Des séquences plus réduites, reliées entre elles, qui font sens, et qui rassemblent des éléments qui permettront aux apprenants de construire des liens. C’est important, quelle que soit la modalité, mais en formation à distance, il faut compter également avec les interruptions, les conditions de connexion, la charge mentale liée aux membres de la famille présents eux aussi au domicile...

Mettre en évidence ce qui est essentiel

Trina Rimmer nous conseille de préciser nos objectifs et de nous y tenir ainsi que de fixer des priorités. Être clair sur ce qu’on veut obtenir est en somme le moyen le plus sur de ne pas se perdre en digression, en anecdotes ou en apartés. C’est aussi donner aux participants le moyen de faire le tri !

Parmi les logiciels capables de mettre en forme et de structurer des contenus conséquents, le modèle Opale rattaché à l’environnement Scenari peut se révéler très utile. Il est libre et gratuit, et s’appuie sur une communauté d’utilisateurs et d’experts importante. Opale permet de hiérarchiser les contenus, mais aussi de différencier les paragraphes selon leur nature, de « rappel » à « fondamental » ou «information » en passant par « complément ». La liste est présentée dans la copie d’écran ci-dessous. Il ne faut certes pas en abuser, mais ces éléments sont des repères efficaces. Cette application propose également des évaluations, et permet d’insérer des vidéos, du son et des liens.


Dans le même ordre d’idée, certains contenus peuvent être exclus d’une « version courte ». Ils ne seront pas exportés, mais resteront disponibles dans pour autre version. Certains contenus peuvent aussi être exclus de la version longue, et on peut donc imaginer des extensions, des prolongements, des exemples différents selon les publics ou les objectifs.

Le texte est-il nécessaire, et si oui, combien de texte

Beaucoup de blogs consacrés au e-learning encouragent fortement l’utilisation d’alternatives au texte. La vidéo semble être la solution pour les uns, d’autres imaginent des contenus sonorisées. L’ironie de ce genre de conseil proclamé pour tous les publics et toutes les disciplines, c’est justement que les blogs qui les diffusent ne présentent que du texte et des illustrations décoratives !

La vidéo est-elle LA solution ? Les données issues des moocs montrent que beaucoup de personnes qui visionnent des vidéos tentent d’aller directement à l’essentiel. Elles font défiler en accéléré les interventions et patientent rarement jusqu’à la fin. Le temps moyen de visionnage d’une vidéo par apprenant est souvent bien inférieur à la durée de la vidéo, alors même que les plus studieux les regardent plusieurs fois. Les textes sont rarement lus en entier, les vidéos sont parfois regardées en accéléré, et les podcasts sont souvent interrompus avant la fin. Réagir en réduisant le volume d’information ou la durée des ressources ne changera pas nécessairement cette habitude !

Il reste néanmoins qu’un contenu long gagnera à être rythmé et diversifié à travers des médias différents. Et si le contenu est important, pourquoi ne pas laisser aux participants le choix de la forme qui leur convient ? Vidéo pour les uns, retranscription pour les autres, document HTML qui intègre des médias et des auto-évaluations pour d’autres encore ou document PDF pour celles et ceux qui veulent imprimer et s’éloigner des écrans. Citons de nouveau Scenari Opale qui depuis plusieurs années déjà propose un export en PDF, en HTML 5 avec des interactions, ou en diaporama, en version longue ou courte comme nous venons de le voir. Un même contenu, six possibilités !

(Encore) une révolution copernicienne

Peut-être faut-il renverser les points de vue. La valeur ajoutée d’une formation n’est pas toujours dans le contenu qu’elle transmet. Elle l’est de moins en moins, si on en croit des auteurs comme Michel Serres qui attirait notre attention sur la grande disponibilité des informations...  Elle est au contraire dans la proposition de situations d’apprentissage qui donnent du sens à ces contenus, qui les contextualisent et permettent aux personnes de se les approprier. 

Il s’agit de ne plus mettre le contenu au centre, de sortir d’une logique de transmission. Il faut au contraire considérer que le cours n’est qu’une ressource pour s’engager dans des activités, faire face à des situations concrètes, mettre en relation et confronter des idées ou inventer des réponses nouvelles.


Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Growth Engineering - The Zeigarnik effect and online learning - publié en 2015, consulté le 11 octobre 2020
https://www.growthengineering.co.uk/the-zeigarnik-effect-and-online-learning/

Lauren Dukes - Medium - Psychology in Design : the Zeigarnik effect publié le 8 octobre 2020 - consulté le 11 octobre 2020
https://medium.com/@ldukes12/psychology-in-design-the-zeigarnik-effect-a59317503f8f

Trina Rimmer E-learning heroes — What to do when your course has too much content — consulté le 11 octobre 2020
https://community.articulate.com/articles/what-to-do-when-your-course-has-too-much-content

Fernand Gobert, Peter C.R. Lane - Researchgate - chunking mechanisms and learning
https://www.researchgate.net/publication/308158087_Chunking_mechanisms_and_learning

Mike Weiss - elearningindustry - Biggest online course creation pitfall to avoid
https://elearningindustry.com/biggest-online-course-creation-pitfall-to-avoid



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